Droits TV du foot : comment la négociation entre DAZN et les opérateurs est devenue un cas d’école

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Baptiste Lambert

En passe de se conclure, l’accord entre DAZN et les opérateurs télécoms pour la diffusion du football belge fait l’objet d’une attention inhabituelle. Observé par d’autres marchés européens, le bras de fer met en lumière une bascule stratégique dans la distribution des contenus sportifs.

À première vue, il s’agit d’un différend commercial comme tant d’autres : une plateforme de streaming, DAZN, détient désormais les droits de la Pro League et cherche à imposer son modèle aux opérateurs classiques. En réalité, le dossier belge est devenu un laboratoire grandeur nature. La Belgique est un cas d’école. Et pour cause : l’issue de ce conflit pourrait inspirer d’autres marchés à l’heure où la consommation de sport en direct migre massivement vers le numérique.

Un accord en vue, après un mois de blocage

Depuis le début de la saison, seuls les abonnés de l’application DAZN ont accès aux matchs de la Jupiler Pro League. Ni Proximus, ni Telenet, ni VOO/Orange n’ont intégré le nouveau diffuseur à leur offre, faute d’accord de sous-licence. Mais selon plusieurs sources concordantes, les positions se rapprochent. DAZN a revu à la baisse certaines de ses exigences, et les opérateurs télécoms se disent désormais ouverts à une solution rapide. Un compromis pourrait intervenir « dans les tout prochains jours », d’après une source citée par De Tijd. Mais les téléspectateurs ne verront, quoi qu’il arrive, pas de matchs à la TV pour une 3e journée de championnat consécutive.

DAZN a déboursé 86 millions d’euros par saison pour les droits en direct jusqu’en 2030, auxquels s’ajoutent les frais de production, portant la facture totale au-delà des 100 millions. Les opérateurs dénoncent une hausse de 20 % par rapport à l’accord de 2019, alors que le diffuseur verse moins d’argent aux clubs qu’avant. Mais la pression monte : les telcos invoquent des pertes continues d’abonnés TV – 26.000 en un trimestre pour Proximus et Telenet Et les sponsors des clubs commencent à monter au créneau.

Une audience en progression sur DAZN

Malgré l’absence de diffusion sur les chaînes classiques, DAZN revendique près d’un million de vues lors de la deuxième journée de championnat, soit une hausse de 30 % par rapport au week-end inaugural. Mais ces chiffres, fondés sur une définition large de la « vue », incluent de nombreux utilisateurs en période d’essai gratuite. La plateforme explique aussi ce bond par le renforcement de ses technologies antipiratage, qui ont sérieusement perturbé l’accès aux matchs via IPTV.

DAZN mise sur une rupture : imposer un modèle direct-to-consumer, sans passer par les telcos. Mais le calcul est incertain. Pour rentabiliser son investissement, le groupe britannique devrait convaincre les 400.000 à 450.000 Belges qui paient actuellement pour du sport en direct de migrer sur son app. Un objectif jugé irréaliste par plusieurs analystes du secteur.

Un accord global, ou rien

À cela s’ajoute un verrou médiatique : tant que le deal avec les opérateurs n’est pas signé, DAZN ne peut conclure avec la RTBF pour les résumés, les consultants phares ou l’émission “La Tribune”. Tout est lié, et seul un accord global permettra de débloquer le dispositif complet, tant pour la Pro League que pour la Challenger Pro League, dont tous les matchs sont désormais diffusés via des caméras automatisées.

Le cas DAZN illustre les tensions entre anciens et nouveaux modèles de diffusion. À l’heure où le streaming rebat les cartes, la Belgique sert de terrain test pour une stratégie risquée. Si l’accord annoncé se confirme, il pourrait marquer un tournant dans la gouvernance du sport professionnel européen.

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