Des drones et de l’IA pour s’attaquer aux embouteillages

Des drones survolent des zones urbaines stratégiques afin de capter des vidéos du trafic. © MobiLysis
Vincent Genot
Vincent Genot Coordinateur online news

Et si les embouteillages devenaient prévisibles ? En combinant drones, intelligence artificielle et données partagées, le projet européen ACUMEN explore une nouvelle façon de comprendre et de réguler le trafic urbain.

A Helsinki, dans le quartier du port, des drones suivent les voitures, les trams, les vélos, les trottinettes et les piétons afin d’analyser la formation des embouteillages et le flux de la circulation. Avec Amsterdam, Luxembourg et Athènes, la capitale de la Finlande fait partie des quatre villes pilotes du projet ACUMEN financé par le programme de recherche et d’innovation Horizon Europe de l’Union européenne. Lancé en juin 2023 pour une durée de trois ans, il réunit 17 partenaires issus de huit États membres de l’Union européenne et de la Suisse afin de développer des outils d’aide à la décision pour une mobilité urbaine plus intelligente et décarbonée. Son ambition est triple : rendre les trajets porte-à-porte plus efficaces et fiables, renforcer la sécurité et la résilience du trafic, et contribuer aux objectifs climatiques du Green Deal européen.

Quatre villes pilotes

Les quatre sites pilotes d’ACUMEN offrent des contextes urbains contrastés pour mettre à l’épreuve ses outils d’aide à la décision et son cadre de gouvernance. À Athènes, le projet déploie une plateforme de mobilité générale capable d’intégrer des données issues d’un trafic dense mêlant bus, taxis et deux-roues. L’usage de drones y permet d’observer les flux urbains et d’affiner la gestion multimodale dans un environnement souvent saturé.

À Helsinki, l’expérimentation s’appuie sur des drones et l’intelligence artificielle couplés à des outils d’analyse prédictive pour encourager des choix de transport plus durables. Les usagers-testeurs reçoivent, via une application, des itinéraires ou modes alternatifs afin de mesurer l’impact de ces recommandations sur la circulation et les émissions. À Amsterdam, le projet se concentre sur la résilience du réseau face aux perturbations (travaux, incidents, fermetures d’infrastructures) en évaluant la capacité des outils IA à coordonner différents modes de transport dans des situations de crise. Enfin, à Luxembourg, le projet explore l’intégration de la mobilité à la demande et des véhicules autonomes dans un système urbain existant, testant ainsi la faisabilité d’un service combinant innovation technologique et accessibilité au quotidien.

La société suisse MobiLysis joue un rôle clé dans la collecte et le traitement des données pour les projets pilotes d’Helsinki et d’Athènes. Son approche repose sur l’utilisation de drones commerciaux pilotés par des professionnels certifiés, selon des plans de vol optimisés et conformes à la réglementation locale. Ces drones survolent des zones urbaines stratégiques afin de capter des vidéos du trafic tout en respectant la vie privée, sans qu’aucune plaque d’immatriculation ni aucun visage ne soit identifiable. Grâce à des algorithmes de vision par ordinateur, les séquences sont ensuite analysées pour identifier les types de véhicules (voitures, bus, camions, motos ou vélos) et en extraire des paramètres essentiels tels que la vitesse, la trajectoire ou le flux.

Ces données, calibrées selon les besoins de chaque ville, alimentent les outils de simulation et le jumeau numérique (réplique virtuelle) du réseau urbain de la ville. Le pilote d’Helsinki se concentre sur le quartier du port, un nœud stratégique mêlant circulation urbaine, flux de passagers des ferries et transport de marchandises. L’objectif est d’explorer comment l’intelligence artificielle peut aider à réduire la congestion et la pollution, tout en améliorant le bien-être des habitants. Les équipes étudient des stratégies de gestion douce qui encouragent les voyageurs à modifier leurs itinéraires, leurs modes de déplacement ou leurs horaires, avec ou sans incitations.

Premières conclusions

À mi-parcours, le projet ACUMEN confirme le potentiel de l’intelligence artificielle comme levier d’amélioration de la mobilité urbaine, mais aussi la complexité de son intégration dans des systèmes publics existants. Les premiers résultats soulignent que l’IA peut effectivement optimiser les flux de circulation, améliorer la sécurité routière et réduire les émissions, notamment en appuyant les décisions publiques par des données en temps réel. Mais les échanges entre les différents acteurs du projet mettent aussi en évidence plusieurs freins structurels, dont l’incertitude réglementaire liée à l’application du Règlement européen sur l’IA et du RGPD. Les participants pointent également la qualité inégale des données disponibles avec des mises à jour partielles des chantiers, des lacunes dans les informations de trafic, ou des obstacles juridiques au partage de ces données.

Pour surmonter ces limites, le rapport intermédiaire du projet met en avant plusieurs pistes d’action, notamment la mise en place d’outils de fusion de données pilotés par l’IA pour améliorer la prise de décision, la création de partenariats public-privé favorisant l’accès aux données et l’adoption de protocoles standardisés. Le projet insiste aussi sur la nécessité d’une gouvernance collaborative, impliquant institutions, opérateurs, fournisseurs technologiques et citoyens, afin de renforcer la transparence et la confiance dans l’usage de l’IA.

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