Des data centers IA en orbite : le nouveau projet (pas si fou) de Google

Caroline Lallemand

Le géant américain a dévoilé “Project Suncatcher”, un projet de constellation de satellites équipés de puces d’IA alimentées par l’énergie solaire. Un pari qui pourrait devenir économiquement viable d’ici 2035 si les coûts de lancement continuent leur chute.

On sait que l‘intelligence artificielle est très énergivore en électricité et en eau. Google pense avoir trouvé la parade… à 650 kilomètres au-dessus de nos têtes. Dans un article de recherche publié cette semaine, le géant de Mountain View explore la possibilité – pas si farfelue – de déplacer ses infrastructures d’IA dans l’espace.

Dans le cadre de son projet, baptisé “Suncatcher”, Google prévoit de lancer dès 2027 deux satellites prototypes en partenariat avec la société Planet, spécialisée dans l’imagerie satellite. L’objectif : tester en conditions réelles des puces TPU (Tensor Processing Unit) dans l’environnement spatial.

L’équation économique évolue

Pourquoi l’espace ? La réponse tient en un chiffre : 200 dollars. C’est le coût par kilogramme que devrait atteindre le lancement en orbite basse d’ici le milieu des années 2030, selon les projections détaillées de Google basées sur l’évolution des prix de SpaceX.

À ce tarif, installer un datacenter en orbite deviendrait économiquement comparable à sa version terrestre. Les chercheurs ont calculé que le coût annualisé de l’énergie lancée dans l’espace pourrait approcher les 810 à 7.500 dollars par kilowatt-an, une fourchette similaire aux dépenses énergétiques actuelles des datacenters américains (570 à 3.000 dollars/kW/an), selon les données compilées dans l’étude.

Encore dix fois trop cher

Aujourd’hui, le projet reste dix fois trop cher, conclut Google. Mais si les coûts de lancement continuent de baisser comme ils le font depuis dix ans grâce aux fusées réutilisables de SpaceX, le seuil de viabilité pourrait être franchi vers 2035, estiment les chercheurs.

L’avantage de l’espace ne se limite pas à l’économie. En plaçant ses satellites sur une orbite dite “héliosynchrone” – qui suit la ligne jour-nuit de la Terre – Google garantit un ensoleillement permanent. Plus besoin de batteries massives, la nuit n’interrompt pas la production. Les panneaux solaires captent jusqu’à huit fois plus d’énergie annuelle qu’au sol, précise le document de recherche.

Le soleil comme énergie

Le concept prévoit une constellation de 81 satellites volant en formation serrée, séparés de seulement 100 à 200 mètres. Ensemble, ils formeraient un datacenter orbital de 2 gigawatts, une puissance qui nécessiterait deux centrales nucléaires sur Terre.

L’un des défis majeurs : les rayonnements cosmiques qui bombardent tout équipement spatial. Google a testé ses puces TPU Trillium – ses puces de sixième génération taillées pour l’IA – dans un accélérateur de particules de l’Université de Californie, simulant cinq années d’exposition dans l’espace. Les puces ont tenu le coup sans défaillance majeure, rapportent les chercheurs. Les erreurs causées par les radiations restent suffisamment rares pour ne pas compromettre le fonctionnement des modèles d’IA.

Pas pour demain

Google ne cache pas les défis considérables qui subsistent. Comment réparer ou remplacer un composant défectueux à 650 km d’altitude ? Comment évacuer la chaleur produite par les calculs dans le vide spatial ? Comment établir des communications à très haut débit avec le sol malgré l’atmosphère ? Autant de questions que l’équipe identifie comme nécessitant encore des recherches approfondies.

Le projet rappelle d’autres tentatives audacieuses du secteur. En 2018, Microsoft avait immergé un datacenter au fond de l’océan près des côtes écossaises. L’expérience “Project Natick” a été arrêtée après quelques années, les gains écologiques espérés ne s’étant pas matérialisés.

Une réponse à la soif énergétique de l’IA

Au-delà de l’exploit technologique, le Project Suncatcher illustre surtout l’ampleur du défi énergétique que pose l’explosion de l’IA générative. Malgré des gains d’efficacité spectaculaires – Google a réduit de 33 fois la consommation énergétique de ses requêtes Gemini en un an, selon les chiffres communiqués par l’entreprise – la demande totale continue de croître exponentiellement. D’ici 2027, les deux premiers satellites Suncatcher nous diront si cette vision relève de la science-fiction ou de l’avenir proche.

Les chiffres clés du Project Suncatcher

2027 : Lancement de 2 satellites prototypes
81 satellites : Configuration envisagée pour la constellation
2 gigawatts : Puissance totale du datacenter orbital
200 dollars/kg : Seuil de coût de lancement pour la viabilité économique
2035 : Horizon de faisabilité économique estime

L’intelligence artificielle est présente dans la plupart des secteurs, ou presque, avec ses partisans et ses détracteurs, mais quel est son impact?

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