ChatGPT fait sa rentrée des classes : de plus en plus d’universités veulent apprendre aux étudiants à utiliser l’IA

Auditoire, image d'illustration. (Photo By Fabian Simon/Europa Press via Getty Images) © Getty Images

L’intelligence artificielle n’en a pas fini de bousculer le monde. Elle fait son chemin dans les universités, qui la voient comme une opportunité intéressante. De plus en plus d’institutions veulent apprendre aux élèves comment l’utiliser dans le cadre de leurs études, au lieu d’en interdire l’utilisation. Quelles sont les approches dans l’enseignement supérieur en Belgique ?

Dans un mois environ, les étudiants retournent sur les bancs des universités. Et ils pourraient rencontrer un nouveau camarade de classe : ChatGPT et l’IA générative. Neuf mois après son lancement, la position de l’enseignement supérieur a en effet changé par rapport à ce bot qui génère du texte, entre autres.

Au printemps, le professeur en enseignement, détenteur d’un doctorat de l’Université de Massachusetts à Boston, Lance Eaton, a lancé une liste sur laquelle des facultés de différentes universités (américaines, anglaises et australiennes) peuvent noter leur politique d’utilisation de l’IA. Au début, toutes les entrées concernaient surtout des interdictions, rappelle-t-il à CNN.

Mais aujourd’hui, la septantaine de commentaires concernent surtout des encouragements face à l’IA. Dans les grandes lignes : apprendre aux étudiants d’utiliser l’IA, dans le but du cours et des travaux à réaliser, ou les laisser faire en indiquant leur démarche dans la méthodologie. Tout dépend bien sûr comment la machine est utilisée : si c’est simplement pour générer du contenu, que l’étudiant reprend en indiquant que c’est le sien, il s’agit de plagiat, rappellent plusieurs entrées.

Les universités anglo-saxonnes sont souvent à l’avant-garde des nouvelles tendances dans l’enseignement. Mais en Belgique, ce n’est pas bien différent : les universités se penchent sérieusement sur la technologie.

“Cela n’a pas de sens de l’interdire”

“L’outil existe. Dans les années 70, lorsque les machines à calculer sont apparues, des enseignants disaient ‘non ça ne rentre pas dans ma classe, c’est interdit’… Cela n’a pas de sens, les outils sont là. On peut faire semblant qu’ils ne sont pas là ; mais on fait quoi après ?” Voilà le constat que dresse Yves Deville, conseiller du recteur de l’UC Louvain pour l’université numérique et professeur à l’École polytechnique de Louvain, qui voit l’IA plus comme une opportunité plus qu’un risque. Son leitmotiv : “Il faut apprendre à utiliser les outils de manière intelligente.”

À Louvain-la-Neuve, il y a eu des informations et des formations pour les professeurs, quant à ChatGPT et comment l’intelligence artificielle peut être utilisée dans les mémoires, par exemple, nous explique Yves Deville. Il ajoute que toute une réflexion (réglementaire) de fond est faite : qu’est-ce qu’il faut mettre dans les cahiers des charges des cours ? Comment y intégrer l’IA ? Et plus largement, quel sera l’impact des outils sur l’université et l’enseignement supérieur ?

Yves Deville avance déjà des pistes et des exemples d’application. “Pour les étudiants et les chercheurs, ChatGPT est un collègue de brainstorming, à qui on peut poser des questions. Puis on fait sa recherche bibliographique plus approfondie.” Il cite aussi l’exemple d’un professeur en droit qui demande à ses étudiants de générer des tables de matière pour leurs mémoires, via ChatGPT. Il peut donner des bonnes pistes, mais il faut rester vigilant. “C’est après que commence le véritable travail de l’étudiant ou du scientifique : il faut vérifier les choses”, sait notre interlocuteur.

Un autre exemple qu’il donne est d’utiliser de tels bots pour améliorer la qualité rédactionnelle, notamment lorsqu’on écrit dans une autre langue. Comme une sorte de correcteur, mais de meilleure qualité. Aux États-Unis, certains professeurs utilisent également ChatGPT comme une deuxième paire d’yeux pour corriger les copies des étudiants et attribuer des notes. Une piste sur laquelle Deville émet des réserves : “Sur quels critères se base-t-il ? Il y a le risque d’une uniformisation et d’une automatisation de la correction”.

“Nous avons la responsabilité de former les talents de demain”

Le louvaniste avance encore une troisième application pour le bot. Exercice : les professeurs donnent des textes générés par ChatGPT aux étudiants, qui doivent ensuite les vérifier et les comparer. “Il y a différents cours où il est utile de montrer ce que ChatGPT peut faire, pour que les étudiants prennent du recul et apprennent à utiliser les outils de manière intelligente, dans un esprit d’analyse et de critique”, explique Deville.

Il parle même d’une responsabilité citoyenne de l’université pour qualifier cet apprentissage : l’IA peut être dangereuse (via la création de fausses images et de fausses informations, par exemple). Mais également d’une responsabilité professionnelle : “Nous formons les professionnels de demain. Ce sont des compétences qui sont demandées pour de nombreuses professions. Il faut donc les inclure dans les apprentissages.”

L’IA générative de manière responsable

L’UC Louvain n’est pas la seule université belge à se pencher sur les pistes de l’IA, bien sûr. L’Université libre de Bruxelles et l’UGent n’ont pas répondu à nos sollicitations. La KU Leuven, “la référence belge, avec la réflexion la plus construite” en la matière, selon Deville, nous a renvoyé vers un récent communiqué où la plus vieille université du pays énonçait vouloir “introduire l’IA générative de manière responsable”.

Elle donne quelques applications concrètes où les chercheurs et les étudiants peuvent utiliser la GenAI : “Co-brainstorming d’idées de recherche, préparation d’une revue de la littérature, rédaction d’un plan de projet, visualisation des résultats de la recherche…” Et plus loin : “Un étudiant peut utiliser l’IA pour améliorer ou retravailler un texte qu’il a lui-même écrit, sans y ajouter de contenu. Ou bien elle peut servir de robot de recherche pour rassembler des informations. Si un instructeur l’autorise explicitement, un étudiant peut aussi laisser l’IA écrire du code”.

Elle ajoute que la transparence, le référencement correct des sources et la vérification du rendu restent éminemment importantes. Les logiciels de détection de plagiat peuvent également détecter si un contenu a été rédigé par l’IA, rappelle-t-elle. Des sanctions sont d’ailleurs prévues pour des cas d’utilisation qui sortent du cadre prévu et seraient contraires au bon apprentissage des matières et des facultés.

“La technologie offre un potentiel énorme, mais pose également des défis et jouera de toute façon un rôle important dans les emplois, l’enseignement et la recherche de demain. La KU Leuven l’envisage donc avec un esprit ouvert et souhaite intégrer la technologie dans sa recherche et son enseignement dans un cadre clair et responsable, en tenant compte des opportunités et des pièges”, résume-t-elle son approche.

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