Cartouches d’encre connectée: revanche des constructeurs
Pour endiguer la vente de cartouches compatibles, les fabricants inventent de nouveaux modèles de distribution. Votre imprimante est désormais capable d’anticiper ses besoins en encre. HP et Epson ont lancé en Belgique des services d’abonnement… à la Netflix.
Les signatures de mail invitant à imprimer moins n’y font rien : nous continuons inlassablement à faire usage de l’imprimante au bureau et à domicile. Le marché se porte d’ailleurs plutôt bien : encre et toner confondus, le chiffre d’affaires global devrait passer de 25 milliards cette année à environ 32 milliards d’euros en 2026, selon le Global Ink & Toner Market Report paru en août dernier.
Conséquence inattendue – et pourtant logique – du confinement : avec la généralisation du travail de bureau à domicile, les besoins en impression ont explosé. La vente de cartouches a ainsi bondi de 258% en mars dernier, selon Gfk, soit trois fois le volume habituel du secteur.
Un cartel des cartouches ?
Dans le domaine de l’encre, les ténors sont connus – HP, Brother, Canon, Epson, Lexmark et Samsung – et ont tous plusieurs points communs : ils sont à la fois constructeurs et fournisseurs de cartouches, lesquelles ont toujours conservé des propriétés et des formats propriétaires. Une situation idéale pour maintenir une forme de rente.
Comme pour les capsules de café (Nespresso, Dolce Gusto, illy Iperespresso), le modèle s’est pourtant vu renverser par un marché parallèle de l’or noir au fil des années. Kitencre, 123Encre, Webcartouche sont autant d’enseignes qui proposent des cartouches parfaitement compatibles avec les originales. Critiquées naguère pour leur manque de fiabilité, elles ont été plébiscitées pour leur coût nettement inférieur et les innovations qu’elles sont venues apporter. Par exemple, la possibilité d’obtenir des kits de remplissage, plus économiques encore, un modèle qu’ont finalement adopté Canon et Epson en fournissant leurs propres réservoirs d’encre sur une série de modèles d’imprimantes dites écologiques.
Dernière tendance : la cartouche recyclée, qui s’inscrit parfaitement dans l’époque et couvre aujourd’hui une grande partie des marques phares. Le site Greencartouche, outre le geste pour la planète, revendique des économies de plus de 80%.
Le business model de HP était connu : une imprimante très bon marché, mais dont le recharge en cartouches s’avérait parfois plus onéreuse que le coût du périphérique lui-même.
Pour faire face à la montée en puissance des cartouches compatibles, le constructeur californien a trouvé la parade : créer un abonnement à la page où l’entreprise anticipe la pénurie d’encre en vous envoyant de nouvelles cartouches. Le service Instant Ink est né en 2015 mais n’est arrivé en Belgique qu’en mai 2017. ” C’est de l’IoT (Internet des objets, Ndlr), nous pouvons aujourd’hui parler à l’imprimante, car elle est connectée à Internet. Cela nous permet de savoir combien de pages vous imprimez et où en est le statut de votre réserve d’encre, donc de vous envoyer les bonnes cartouches au bon moment… et de recycler les anciennes “, nous explique Hans Jose, responsable du service HP Instant Ink au Benelux. Les imprimantes vendues sur le marché belge par HP et connectées à Internet sont toutes compatibles avec le service d’abonnement.
Toutefois, pas question d’y voir un désir de reprendre la main sur un marché parallèle qui lui échappait : ” Nous avons écouté nos consommateurs et leur principale frustration était la suivante : ne pas pouvoir anticiper les besoins en encre “. Economie maximale annoncée : jusqu’à 70 % (basé sur un volume de 300 pages par mois, Ndlr). Plusieurs formules sont proposées : un forfait de 15 pages par mois entièrement gratuit (conçu comme un produit d’appel temporaire), un autre pour 50 pages à 2,99 euros et jusqu’à 700 pages par mois pour 19,90 euros. Vous imprimez moins ? Vous pouvez reporter des pages au mois suivant. Vous imprimez davantage ? Vous passez en facturation automatique de 1 euro par lot de 15 pages supplémentaires.
Que se passe-t-il si on cesse de payer ? Les cartouches fournies cessent de fonctionner. ” Comme pour Netflix ou Spotify, vous n’avez plus accès au service. Nous désactivons les cartouches à distance “, explique Hans Jose. Il faut alors repasser à un modèle de cartouches à l’ancienne : qu’elles soient authentiques ou compatibles. ” Cela dit, il est possible de passer d’un forfait à l’autre d’un mois à l’autre en fonction des besoins : si un enfant a besoin d’imprimer beaucoup pour ses études ou si personne n’imprime rien pendant une longue période de vacances. C’est comme Netflix au fond, vous pouvez passer d’un abonnement à l’autre en fonction de l’usage. ”
Impossible d’obtenir des statistiques locales pour connaître le nombre d’abonnés en Belgique : l’entreprise se contente d’avancer les chiffres officiels publiés dans ses résultats en août dernier. La croissance serait ” de deux chiffres ” et Instant Ink compterait 8 millions d’utilisateurs dans le monde d’ici la fin de l’année.
Pour le responsable de HP au Benelux, le modèle mis en place par son entreprise et par Epson ne devrait pas remplacer le marché de la cartouche à moyen terme : ” La crise du Covid-19 nous a rappelé la nécessité d’imprimer, mais c’est un service complémentaire qui ne compte pas remplacer celui des cartouches individuelles. Comme il est toujours possible d’acheter de la musique et des films à la pièce, il sera toujours possible d’acheter des cartouches individuelles “.
La double réplique d’Epson
HP n’est plus le seul constructeur à s’intéresser au modèle par abonnement. Epson a lancé en janvier 2020 son propre concept, ReadyInk, mais avec deux modèles distincts. D’un côté, ReadyPrint Go. Ici, pas d’abonnement mensuel, mais un capteur présent dans l’imprimante qui anticipe la pénurie d’encre et se charge d’envoyer des cartouches authentiques par courrier.
De l’autre, ReadyPrint Flex et ReadyPrint EcoTank, en fonction du modèle. Pas d’offre gratuite contrairement à HP, mais une première formule à 1,99 euro par mois pour 30 pages (et 10 centimes par page supplémentaire). Dans le cas des cartouches EcoTank, la facture est un peu plus élevée : l’abonnement démarre à 6,99 euros par mois pour 300 pages en monochrome et 1 euro de plus pour la couleur.
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