Biohacking et productivité: une révolution pour le travail ?
Optimiser les capacités humaines est un marché en pleine expansion. Vouloir être “la meilleure version de soi-même” est en effet tentant. Qui s’y est mis et quels sont les dangers ?
Derrière le terme biohacking se cache un concept qui consiste à optimiser les capacités tant physiques que mentales des humains. En trackant la physiologie d’un corps via des capteurs connectés et en maîtrisant ou en modifiant la biologie. Il se distingue cependant du transhumanisme par le fait que le biohacking n’a pas forcément pour but de vaincre la mort. L’idée est d’augmenter la qualité de vie le plus longtemps possible, pas d’étirer la vie au maximum. En gros, il s’agit juste d’éviter de vieillir trop vite. Ou de rester la meilleure version de soi-même le plus longtemps possible.
Jeûne, méditation, compléments alimentaires, boosters de cerveau via des nootropiques, quantités d’applications pour tracker activités physique ou physiologique,… le biohacking est pour l’instant surtout très populaire aux USA. Mais cette tendance gagne peu à peu l’Europe. Au point de se transformer en manne marketing pour le monde du bien-être. Réservé jusqu’il y a peu à une certaine élite, ce secteur englobe toutes sortes de services et de produits. Et si aujourd’hui cela reste tout de même une activité de riches, c’est surtout parce que cela demande du temps et sous-entend de ne pas avoir mieux à faire.
Du biohacking pour mieux travailler
Autre constat: la limite entre dopage et biohacking est parfois ténue. Mais cela ne démotive pas les grands sportifs de les tester. Dans le cyclisme ou le tennis par exemple, il n’est pas rare de voir des pratiques que l’on qualifiera sobrement de “futuristes”.
De façon plus surprenante, la montée en popularité du self-tracking et du biohacking a aussi atteint le monde du travail. Il est de moins en moins rare que l’on utilise de façon extramédicale des produits pour performer au travail. Ce « dopage cognitif » (parfois appelé « dopage intellectuel ») ou “biohacking cognitif” ne cesse de gagner du terrain. Certains avalent des psychostimulants pour améliorer concentration et attention. D’autres des bêtabloquants pour réduire les effets du stress.
Selon Johanne Collin, sociologue, historienne et professeure à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal, les adeptes du microdosing le font aujourd’hui surtout pour répondre aux exigences de la société. Si l’usage se développe, l’avouer ouvertement n’est pourtant pas encore à l’ordre du jour. Dans un monde où les normes de productivité sont de plus en plus élevées, on ne veut pas montrer sa fragilité. Et plutôt que mettre en cause certaines exigences, on préfère se changer soi-même, discrètement.
Des applications aussi militaires
Le Pentagon explore aussi le biohacking de façon proactive révèle Business Insider. Le “Defense Advanced Research Project Agency” teste ainsi des modifications des globules rouges pour améliorer les performances des soldats dans des conditions extrêmes. Le programme “Red Blood Cell Factory” de la DARPA vise ainsi à insérer des composants biologiquement actifs dans les globules rouges, les transformant en systèmes de transport pour des traitements ou des protections spécifiques.
Les chercheurs espèrent que ces cellules modifiées pourraient, par exemple, protéger les soldats contre des maladies comme le paludisme, prolonger l’efficacité des médicaments sur plusieurs semaines ou mois, ou même stopper les hémorragies après des blessures graves. Les tests se limitent pour l’instant à des échantillons de sang, sans expérimentation sur humains ou animaux. Il n’empêche que ces avancées pourraient révolutionner les traitements des maladies infectieuses et des traumatismes. Elles posent aussi des défis scientifiques, notamment pour éviter que le corps rejette ces cellules modifiées.
En réalité cela fait des années que l’armée américaine étudie les avantages des technologies dites de biofeedback pour mieux comprendre la santé mentale et physique. En 2019, l’armée a ainsi publié un rapport intitulé « Cyborg Soldier 2050 », qui présente une vision de l’avenir dans laquelle les troupes bénéficieraient d’améliorations neurales et optiques. Le gros frein à la mise en œuvre, toujours selon ce rapport, n’était pas forcément la technique, mais les problèmes éthiques et juridiques liés à leur mise en œuvre. Les États-Unis ne sont pas les seuls à effectuer activement des recherches dans ce domaine. En Chine aussi on investit dans des technologies militaires avancées.
Le biohacking ouvre donc des perspectives fascinantes, qu’il s’agisse d’améliorer notre quotidien, de traiter des maladies complexes ou de repousser les limites humaines dans des environnements extrêmes. Cependant, ces avancées doivent être accompagnées de discussions éthiques, de régulations strictes et de recherches approfondies pour éviter des dérives.
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