De retards en reports : Apple face à l’urgence de l’IA

The Apple and Apple Intelligence AI logo are seen in this illustration photo taken on 13 June, 2024 in Warsaw, Poland. (Photo by Jaap Arriens/NurPhoto via Getty Images)

Alors que Google, Microsoft ou Meta ont plongé à corps perdu dans l’intelligence artificielle générative, Apple a longtemps semblé rester en retrait. Une prudence assumée, mais qui pourrait bien lui coûter cher. Entre promesses non tenues, retards techniques et stratégie ultra-protectrice des données, la firme de Cupertino peine à exister dans une révolution qu’elle n’a pas vu venir.

Comme beaucoup d’autres, Apple a été prise de court par la révélation de ChatGPT. Lorsque OpenAI a dévoilé son agent conversationnel en novembre 2022, c’est toute l’industrie qui a été bousculée. Certes, les Big Tech travaillaient déjà sur l’intelligence artificielle, et certaines l’intégraient même à leurs produits grand public, mais rien de ce qu’elles proposaient alors n’approchait le niveau de ChatGPT. Conscientes du raz-de-marée, elles se sont lancées dans une course effrénée pour proposer leurs propres IA génératives : Google a présenté Gemini, Microsoft a misé sur Copilot. Le tout non sans une certaine précipitation.

Mais s’il y en a bien une qui n’a pas cédé à la fièvre de l’IA, c’est bien Apple. Un choix qui lui a été largement reproché.

De retard en retard

Apple n’a révélé sa stratégie IA qu’en juin 2024, lors de sa traditionnelle WWDC, sa grande messe annuelle dédiée à ses systèmes d’exploitation. Apple Intelligence était née. Mais ça ne voulait pas dire qu’elle était accessible au grand public. Son déploiement s’est fait lentement, très lentement. Et, à vrai dire, la majorité des fonctionnalités présentées par Apple étaient accessibles depuis de nombreux mois chez la concurrence : réécriture de messages, proposition de réponse, outils de correction des photos, etc.

L’annonce la plus marquante concernait sans doute Siri. Apple promettait une version 2.0 de son assistant vocal. Un Siri repensé pour interagir avec les apps, comprendre l’écran et anticiper les besoins des utilisateurs. Des promesses qui ont enthousiasmé autant les fans que les investisseurs.

Sauf que tout ne s’est pas passé comme prévu : retard de lancements, bugs en tous genres et surtout, report officialisé de Siri 2.0 à 2026.

Une approche de l’IA à part

Ces retards s’expliquent en partie par la philosophie très particulière d’Apple en matière d’intelligence artificielle. Contrairement à ses concurrents, la firme de Cupertino tient à ce que l’essentiel des traitements IA se fasse en local, directement sur ses appareils, plutôt que dans le cloud. La dernière génération d’iPhone a d’ailleurs été spécialement conçue pour cela.

L’objectif ? Garantir la protection des données personnelles, un pilier historique de la stratégie d’Apple. La promesse est simple : vos données restent sur votre appareil, et ne sont ni analysées, ni stockées sur des serveurs distants.

Mais cette approche a un revers : elle limite la puissance des modèles qu’Apple peut déployer, puisqu’ils doivent fonctionner avec les seules ressources des appareils (puces, mémoire, batterie). De plus, Apple se prive volontairement d’une ressource précieuse : les données utilisateurs, qui servent habituellement à entraîner et à améliorer les IA. Résultat : l’expérience IA proposée est moins riche.

Consciente de cela, Apple a dû se rapprocher d’un concurrent, OpenAI, pour compenser et intégrer ChatGPT dans ses appareils. Un aveu implicite de ses propres limites.

Des nouveautés gadgets

Et ce n’a pas été en s’améliorant puisque, durant la WWDC 2025, Apple a dû reconnaître qu’elle ne tiendrait pas toutes ses promesses, notamment concernant Siri. Un aveu que la firme de Cupertino a essayé de faire passer avec des annonces cosmétiques, dont une refonte visuelle de ses systèmes d’exploitation et des fonctionnalités d’IA à venir, dont Live Translation qui propose de traduire en temps réel des voix et des messages – fonctionnalité déjà présente chez la concurrence. On a déjà fait plus excitant comme conférence.

La fin de l’ère Cook ?

Face à ce manque de réactivité, certains observateurs cherchent un responsable. Et beaucoup pointent Tim Cook. Le PDG d’Apple est accusé d’avoir raté le virage de l’IA, voire freiné l’innovation au nom de sa stratégie prudente. Certains vont jusqu’à remettre en question son leadership.

Une critique qui oublie un point essentiel : c’est aussi cette approche méthodique et réfléchie qui a permis à Apple d’atteindre pour la première fois les 3.000 milliards de dollars de valorisation.

Il n’empêche que la question se pose : une stratégie sans risque est-elle encore tenable à l’heure de l’IA générative ? Peut-être pas. Et si la tendance se confirme, elle pourrait bien coûter sa place à Tim Cook. Mais plus encore, c’est le modèle Apple face à la révolution IA qui est aujourd’hui mis à l’épreuve.

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