Amandine Le Pen, faire-valoir du RN et de l’IA

Frederic Brebant Journaliste Trends-Tendances  

Elle ressemble à Marine Le Pen, en beaucoup plus jeune et beaucoup plus glamour. Elle n’existe pas, mais elle cartonne sur TikTok avec ses codes pour séduire de nouveaux électeurs. Gros plan sur la vraie-fausse Amandine Le Pen, miroir d’une nouvelle stratégie politique directement pompée dans la sphère publicitaire.

Les amoureux de la pub se souviendront de ce slogan « très années 80 » : « Canada Dry, ça a la couleur de l’alcool, le goût de l’alcool, mais ce n’est pas de l’alcool. » Avec @amandineeette sur TikTok, c’est un peu la même chose : « Ça a la couleur de Marine Le Pen, le goût de Marine Le Pen, mais ce n’est pas Marine Le Pen. » Et pour cause, c’est même écrit sur ce compte suivi par 37.200 abonnés aujourd’hui : « Contenu généré par IA ».

C’est donc l’intelligence artificielle qui a donné naissance à cette vraie-fausse Amandine Le Pen sur TikTok. Une nièce bien virtuelle qui ressemble, comme deux gouttes d’eau, à Tata Marine, avec 30 ans de moins. Sur ce compte, c’est donc la jeunesse qui triomphe, avec ses codes et ses musiques, mais surtout sa totale « décomplexitude » à l’égard du Rassemblement National et de son discours souvent nauséabond.

Virage stratégique

Avec des posts tels que « Y en a vraiment qui préfère les meufs de gauche ??? « (avec la faute dans le texte) ou encore « La robe que je vais porter pour la victoire de Jordan » (comprenez Bardella, président du RN), la bimbo @amandineeette affole les compteurs sur TikTok, mais incarne surtout un virage stratégique dans la campagne en cours pour les élections européennes.

Désormais, les partis empruntent la voie (et la voix) des ambassadrices virtuelles et autres « deepfakes » (des enregistrements vidéo modifiés par l’intelligence artificielle) pour conquérir de nouveaux électeurs, exactement comme les marques le font depuis quelques années déjà. Pour rappel, la très numérique Imma Gram est devenue, en 2018, le premier mannequin virtuel à travailler pour de grandes maisons (Dior, Valentino, etc.) ou des marques plus « mainstream » (Nike, Puma, Ikea, Amazon, etc.), avant que de grands groupes ne créent leur propre « influenceur maison » 100% digital : Reah Keem pour le groupe LG spécialisé dans l’électronique en 2021, l’égérie Livi chez LVMH l’année suivante, l’éphémère Candy pour vanter le parfum du même nom chez Prada, etc.

Toujours dispo !

L’avantage de cette technique marketing toujours utilisée au jourd’hui ? L’influenceur virtuel est disponible sept jours sur sept et 24 heures sur 24. Il est « téléguidable » à merci, n’a pas de sautes d’humeur, ni de comportement inapproprié. Il n’est jamais malade, ne vit aucune situation de risque et ne connaît pas le mot grève. Bref, on peut lui faire dire tout et n’importe quoi pour appuyer le discours d’une marque… ou d’un parti, quel qu’il soit. Alors, en plus, quand l’intelligence artificielle s’en mêle pour faire des avatars plus vrais que nature, c’est toute une stratégie qui peut facilement être mise en place pour séduire une jeunesse de plus en plus réfractaire aux partis politiques.

Avec l’intronisation d’Amandine Le Pen sur TikTok, on assiste donc à un tournant dans la campagne électorale pour les Européennes. Un tournant « très IA » qui sera certainement pris, dans un avenir relativement proche, par d’autres partis belges. Avec toutefois ce risque énorme : celui d’être détourné, dans la forme et dans le fond, par des partis concurrents qui n’auront plus aucun scrupule dans cette nouvelle guerre de l’image. Distinguer le faux du vrai sera de plus en plus compliqué.

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