Ce mardi 5 août 2025 passera (littéralement) plus vite que les autres. La Terre effectuera sa rotation complète en 1,25 milliseconde de moins que les 24 heures habituelles. Si ce minuscule écart est imperceptible pour le commun des mortels, cette anomalie temporelle soulève de vraies questions pour les systèmes informatiques, les satellites et les réseaux de télécommunication, tous synchronisés sur le temps universel coordonné (UTC).
Le temps qui rythme nos journées repose sur un équilibre subtil entre deux références fondamentales : la rotation physique de la Terre et la précision inégalée des horloges atomiques. Selon ces dernières, la durée exacte d’un jour sur Terre ce 5 août sera de 86 399,9875 secondes. Cela fait de cette journée l’une des plus courtes jamais enregistrées, même si le record absolu reste celui du 5 juillet 2024 (-1,66 milliseconde).
Des pics saisonniers
Le phénomène n’est pas totalement nouveau. La rotation terrestre n’est de toute façon pas parfaitement régulière. Des pics saisonniers, notamment en juillet et en août, sont régulièrement observés, et en 2025, pas moins de trois journées devraient être plus courtes que la normale.
La vitesse de rotation de la Terre dépend directement de la répartition de sa masse, un équilibre en perpétuelle évolution sous l’effet de phénomènes climatiques et géophysiques. Si le phénomène reste mal compris, les chercheurs avancent plusieurs pistes : la fonte des calottes glaciaires, les turbulences dans le noyau terrestre, ou encore les mouvements de masse dans les océans et dans l’atmosphère. Des événements majeurs comme les séismes peuvent également influencer cette dynamique.
Normalement, la Terre tend à ralentir avec le temps. Il y a 4,5 milliards d’années, une journée durait environ 10 heures ; à l’époque des dinosaures, elle durait 23,5 heures. Ce ralentissement est en partie dû à l’influence gravitationnelle décroissante de la Lune, qui s’éloigne lentement de la Terre. Mais depuis 2020, une accélération inédite est observée, ce qui surprend les chercheurs.
Ces changements, loin d’être anecdotiques, affectent la durée des journées de manière parfois mesurable. Combinés, ces effets révèlent une réalité peu connue : la Terre et son environnement interagissent en permanence avec le mécanisme même qui structure notre temps. Une complexité qui rend toute prévision à long terme particulièrement incertaine. Le flou qui entoure ce phénomène rend également toute projection difficile. Nul ne sait si cette accélération durera quelques années ou plusieurs décennies.
Vers une seconde intercalaire négative ?
Depuis 1972, on ajoute régulièrement une seconde intercalaire positive à l’UTC pour compenser le ralentissement de la rotation terrestre. Cela s’est produit 27 fois, la dernière en 2016. Cet ajustement permet de maintenir l’écart entre le temps universel coordonné et le temps astronomique en dessous de 0,9 seconde. Mais si la tendance actuelle se poursuit, les scientifiques envisagent pour la première fois l’introduction d’une seconde négative, autrement dit, retrancher une seconde au temps officiel mondial.
Cette perspective est loin d’être anodine. “On estime à 40 % la probabilité qu’une seconde négative doive être introduite avant 2035”, souligne Leen Decin, professeure à la KU Leuven dans De Standaard. “Et cela inquiète les experts en informatique et télécom, car nous ne savons pas comment les systèmes réagiront.”
Les systèmes informatiques, les satellites de géolocalisation et les infrastructures télécom sont tous alignés sur l’UTC. Une modification imprévue – en particulier la suppression d’une seconde – pourrait entraîner des bugs critiques, des pertes de synchronisation ou même des interruptions de service. Ce n’est pas la seconde elle-même qui pose problème, mais l’incertitude sur la capacité des systèmes à la gérer correctement. “La majorité des systèmes actuels ont été conçus pour ajouter une seconde, mais peu sont capables de traiter la suppression d’une seconde, ce qui pourrait engendrer des comportements imprévus”, précise un rapport de l’IERS (International Earth Rotation and Reference Systems Service).
Des solutions, mais pas encore de consensus
Les secteurs les plus exposés sont notamment les systèmes de navigation par satellite comme GPS et Galileo, dont la précision dépend d’une synchronisation parfaite. Les marchés financiers et le trading algorithmique pourraient également être affectés, car ils reposent sur des horodatages à la microseconde près. Les réseaux de télécommunication 5G exigent une synchronisation ultra-précise entre les antennes, et tout décalage pourrait provoquer des perturbations. Enfin, dans les infrastructures cloud ou les serveurs mondiaux, une désynchronisation pourrait causer la corruption de données, des erreurs de réplication ou même des plantages.
Face à ce risque, plusieurs géants de la tech – Google, Meta, Microsoft, Amazon – plaident pour la fin des secondes intercalaires dans les systèmes numériques, préférant une dérive naturelle du temps corrigée sur des échelles de plusieurs siècles. À l’inverse, les services publics et les institutions militaires défendent une horloge parfaitement alignée sur la rotation terrestre. L’Union internationale des télécommunications (UIT) et le Bureau international des poids et mesures (BIPM) devront encore trancher cette question complexe.