2023, l’année où la tech a dû se mettre à la diète…
L’argent facile, c’est fini: VivaTech, le plus grand événement européen de la tech, s’ouvre mercredi à Paris avec Elon Musk en tête d’affiche, alors que le secteur entame une période de vaches maigres.
Pour sa 7e édition, ce salon, qui se tient jusqu’à samedi, attend plus de 2.200 exposants, 10.000 représentants de start-up, près de 100.000 visiteurs et des intervenants prestigieux. En vedette cette année: Elon Musk, l’imprévisible patron de Twitter, Tesla et SpaceX, annoncé vendredi. Comme à l’accoutumée, Emmanuel Macron fera l’ouverture, avec des annonces attendues sur l’intelligence artificielle et sa régulation. Le programme comprend aussi des dirigeants français et internationaux, dont ceux d’Amazon, Orange, Paypal, Alibaba et LVMH, ou encore Tony Estanguet, patron du comité d’organisation des JO 2024.
Dans cette vitrine de l’innovation, les visiteurs pourront découvrir un masque de ski avec réalité augmentée, un exosquelette pour les soignants, une start-up qui réveille les conducteurs assoupis, mais aussi dialoguer avec un Van Gogh animé par l’intelligence artificielle et croiser des robots à roulettes, des drones et des véhicules propres. VivaTech promeut cette année les “femtech”, start-up dédiées au bien-être des femmes, les “sportech” pour le monde du sport et les “foodtech” pour l’alimentaire.
Gueule de bois
Cette foire exubérante de la “French Tech” ne fera pas oublier le coup de froid sur le secteur, après les levées de fonds spectaculaires de 2020-2022. L’an passé, les start-up françaises ont levé un record de 13,5 milliards d’euros et engendré huit nouvelles “licornes”, ces entreprises valorisées plus d’un milliard de dollars. Un critère sans rapport avec leur rentabilité ou leur chiffre d’affaires.
2022 a en réalité été l’année du retournement, masqué un temps par de grosses opérations (486 millions d’euros pour la néo-banque Qonto, 450 millions pour BackMarket, 500 millions pour Doctolib). Le premier trimestre 2023 affiche une dégringolade de 69%, d’après le cabinet Newfund.
Les fonds américains, qui ont largement contribué à la survalorisation, sont globalement repartis aussi vite qu’ils étaient arrivés, refroidis par des faillites, ainsi que la guerre en Ukraine, la hausse de l’énergie et la hausse des taux. Mais les plus gros, comme KKR, continuent à parier sur l’Europe et ses poids lourds comme le français OVH (cloud) et l’allemand Körber (automatisation des entrepôts). “On n’est pas parti et on a pas l’intention de partir ! La France est perçue comme un très bon pays où investir”, martèle Jean-Pierre Saad, qui pilote les investissements tech de KKR en Europe.
Douze mois de tri
“Les entreprises de logiciels métiers ont explosé avec le Covid et la digitalisation de l’économie. Les valorisations se sont envolées, l’argent n’avait plus de valeur et les start-up en dépensaient beaucoup. C’est un retour à la normale, plutôt sain. Et les fondamentaux restent très bons”, fait valoir pour sa part Xavier Lorphelin, cofondateur du fonds Serena Capital.
“On va avoir douze mois de consolidation. Des sociétés vont disparaître ou se refinancer sur des valorisations beaucoup moins élevées”, renchérit Pierre-Eric Leibovici, cofondateur du fonds Daphni. “Les fonds sont devenus très exigeants sur la rentabilité”.
Parmi les entreprises les plus surcotées, tous citent les plateformes de commerce spécialisées et les néo-banques, dont les valorisations théoriques sont souvent jugées quatre ou cinq fois supérieures à la réalité. Certains citent Warren Buffet: “C’est à marée basse que l’on voit ceux qui n’ont pas de maillot de bain”.
“Licorne, c’est un mot que je ne supporte plus”, résume un investisseur.
En revanche, les “deeptech”, fondées sur des innovations industrielles ou scientifiques, résistent mieux, souligne le patron de Daphni. Et l’écosystème français est plus solide. “Avant 2017, dans les boîtes il n’y avait pas un étranger. Maintenant, il y a des profils internationaux. Les jeunes entrepreneurs partaient aux Etats-Unis. Maintenant, ils restent”.
Même optimisme chez la banque publique Bpifrance, très présente dans le secteur. “Pour les grosses levées de fond, nous voyons une baisse de 35% sur les quatre premiers mois de 2023 et les montants sont réduits d’une bonne moitié”, relève Paul-François Fournier, directeur de Bpifrance Innovation. Il vise la création de 500 start-up par an dans les “deeptech”, notamment dans la santé et l’environnement.