Une grève générale très politique, un “marathon” à l’issue incertaine

Les sybdicats à Brussels Airport, ce lundi matin. BELGA PHOTO INE GILLIS
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Si une bonne partie du pays est à l’arrêt ce lundi, c’est parce que le gouvernement De Wever s’attaque à des tabous et s’en prend frontalement à la fonction publique. C’est  le début d’un “marathon syndical” dont les objectifs ne sont pas clairs. La polarisation de la société risque de créer des tensions.

Ce sont deux images “anecdotiques” aperçues ce week-end, mais elles en disent long. Interrogé au sujet de la grève générale de ce lundi, un jeune, la vingtaine d’années frondeuse, répond: “Je pense que c’est la gauche qui en a marre des décisions de la droite“. Et de souligner sur son smarthpone le nombre de piquets de grève annoncé ce lundi.

Bien vu, la grève est très politique dans le sens où le front commun syndical, poussé dans le dos par sa base, mobilise contre un gouvernement De Wever touchant à des tabous socialement sensibles: réforme des pensions, limitation des allocations de chômage dans le temps, suppression de certains privilèges de la fonction publique, flexibilité accrue du travail…

D’ailleurs, les syndicats sont eux-mêmes dans le viseur avec une volonté de les “responsabiliser”

La deuxième image vient du réseau social LinkedIn. Un homme d’affaires engagé, John-Alexander Bogaerts, pose avec un panneau: “Tous au travail!”. Et de préciser: “Pendant que la gauche et l’extrême gauche continuent a détruire notre économie, nous les entrepreneurs, malgré une taxation de plus de 65% de nos revenus, nous seront tous au travail car nous n’avons pas le choix!

Un bras de fer.

Avec quel objectif?

Les syndicats sont partis dans une fuite en avant dont ils ne savent pas très bien où elle va les mener. “Nous sommes engagés dans un marathon qui ne va pas s’arrêter“, a déjà prévenu Thierry Bodson, président de la FGTB. Car selon lui, les employeurs ont obtenu ‘100% de ce qu’ils voulaient”.

Le même Thierry Bodson avait déjà dit qu’il fallait “faire mal à l’économie”et le mot d’ordre est de montrer que ce sont “les travailleurs qui créent la richesse”. “La FEB fait systématiquement un calcul pour voir combien cela coûte à l’économie, disait-il à la RTBF. Ce n’est pas par plaisir, mais pour montrer que ça ne tourne pas quand les gens ne sont pas là.”

Mais derrière cela, quel est l’objectif précis du mouvement? Si l’on sent bien que la réforme des pensions est un point de crispation, déjà dénoncé depuis des semaines par les cheminots, les exigence formulées par les syndicats sont très politiques et générales, entamant une épreuve de force avec l’Arizona fédérale, comme c’est déjà le cas, en partie, avec l’Azur wallonne. Comment sortir de cela?

L’exemple de la SNCB illustre de la difficulté de cette stratégie. Partant avec, ironisait le quotidien Le Monde, “75 jours de grève programmés”, les syndicats partant en ordre dispersé ont dû se rendre à l’évidence: le chaos programmé heurtait plus qu’il ne servait leur cause.

Le soutien à la journée de grève nationale d’aujourd’hui s’est érodé en raison de mois d’actions individuelles qui n’ont aucunement contribué à des solutions constructives et n’ont, en fin de compte, eu d’autre effet que de pénaliser la population et l’économie, souligne Pieter Timmermans, directeur général de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB). Un poids supplémentaire venu s’ajouter aux nombreux autres handicaps auxquels nos entreprises sont actuellement confrontées.”

Et pourtant, les réformes s’imposent

Ce “marathon syndical” se heurte à un gouvernement De Wever très déterminé. La réforme des retraites est “non négociable” a déjà affirmé le ministre des Pensions, Jan Jambon (N-VA).

Sans doute les syndicats visent-ils, toutefois, la cohérence d’une coalition ayant eu de la peine à voir le jour: Vooruit, surtout, mais aussi le CD&V et les Engagés sont sensibles aux arguments sociaux. Même si Jean-Luc Crucke (Engagés), en charge de la Mobilité, a déjà affirmé qu’il était “inadmissible” de voir les syndicats bloquer tout le pays.

Une réalité s’impose, aussi: vu le contexte budgétaire et les défis majeurs auxquels la Belgique est confrontée, les réformes s’impoent.

S’il n’y a pas de réforme, dans 10 ans ou 20 ans, vu notre niveau de dette publique, il n’y aura plus de pension, soulignait Bertrand Cadelon, professeur à l’UCLouvain, au micro de RTL. Parce qu’en ce moment, ce sont les actifs qui payent pour les retraités, les pensionnés. Et la démographie est telle qu’il y a de moins en moins d’enfants, il y a de moins en moins d’actifs. Donc, cela cause un problème de financement.”

De quoi irriter des syndicats rappelant l’époque de Thatcher au Royaume-Uni et dénonçant le discours selon lequel il n’y aurait “pas d’alternative”.

En attendant, la Belgique entre dans ce “marathon” qui comporte une part d’inconnue. Avec une certitude: le jeune de 20 ans et le patron engagé témoignent d’une polarisation accrue qui risque de faire des étincelles.

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