Trouver un emploi a rarement été aussi facile
Dans les pays riches, le marché du travail restera solide en 2024. Même en cas de récession.
Après la levée des confinements en 2021, les marchés du travail des pays riches ont remonté la pente plus rapidement que prévu. En 2022 et 2023, ils ont continué à se renforcer, battant même des records. Les perspectives économiques pour 2024 sont, quant à elles, incertaines : l’expansion post-pandémique prendra-t-elle fin? Mais même si le monde entre en récession, les marchés du travail devraient rester solides. Il a rarement été aussi facile de trouver un emploi.
Dans les pays riches, le taux de chômage est historiquement bas, à moins de 5 %. Une mesure plus importante témoignant de la santé du marché du travail est le pourcentage de personnes âgées de 16 à 64 ans qui ont un emploi. Ce taux d’emploi n’a jamais été aussi élevé dans près de la moitié des pays de l’OCDE. Même dans des pays habitués à un chômage élevé, comme l’Italie et le Portugal, les taux d’emploi battent des records. Les marchés du travail offrent plus d’avantages aux travailleurs qu’à n’importe quel moment de l’histoire économique récente, en particulier pour ceux qui ont de faibles revenus et des compétences limitées.
Ce pouvoir déroute de nombreux économistes. Ne s’attendait-on pas plutôt à une “jobocalypse”, avec la disparition de millions d’emplois en raison du déploiement, par les entreprises, de l’intelligence artificielle et des robots? Les dernières recherches montrent que, dans de nombreux cas, c’est le contraire qui pourrait se produire.
Les entreprises, qui adoptent de nouvelles technologies, embauchent souvent plus de travailleurs au lieu de les licencier – peut-être parce qu’elles peuvent conquérir davantage de parts de marché et ont donc besoin de plus de personnel pour traiter les commandes. Une étude récente a examiné l’industrie manufacturière japonaise entre 1978 et 2017 et constate que l’acquisition d’un robot pour 1 000 travailleurs accroît de 2,2 % les possibilités d’emploi dans les entreprises.
De manière drastique
Trois facteurs structurels sont à l’origine de ce boom de l’emploi. Le premier est lié à la démographie. La population des pays riches vieillit rapidement. Les personnes âgées sont en moyenne moins susceptibles d’être inscrites au chômage que les jeunes, en partie parce qu’elles peuvent éprouver plus de honte à être sans emploi.
Le deuxième facteur est la politique. Au cours des dernières décennies, les gouvernements ont réduit les allocations de chômage, dans certains cas de manière drastique. En conséquence, la recherche d’un emploi en est grandement accélérée.
Troisièmement, les améliorations technologiques, notamment les plateformes comme Indeed et LinkedIn, ont permis aux gens de trouver plus facilement un emploi qui leur convient.
Les marchés du travail ont aussi pu créer un nombre considérable de nouveaux emplois entre 2021 et 2023. Les consommateurs, cherchant à rattraper le temps perdu après la crise sanitaire, ont dépensé de l’argent en services tels que l’hôtellerie, la restauration et les loisirs. La demande de main-d’œuvre a rapidement dépassé l’offre de travailleurs disponibles, ce qui s’est traduit par un afflux d’offres d’emploi – et par des cris d’orfraie de la part des employeurs à propos d’une pénurie de main-d’œuvre. La croissance des salaires dans les pays riches oscille autour de 5 % d’une année sur l’autre depuis des mois.
L’offre et la demande étant toujours aussi déséquilibrées, il faudra peut-être une récession profonde pour que les marchés de l’emploi soient réellement touchés. La demande de main-d’œuvre a diminué au cours des derniers mois, mais jusqu’à présent, cela s’est traduit par une baisse des offres d’emploi plutôt que par une baisse de l’emploi. En Australie, les offres d’emploi sur Indeed ont chuté de plus de 20 %. Pourtant, le taux d’emploi des personnes en âge de travailler continue d’atteindre des niveaux record. Il reste un long chemin à parcourir avant que les offres d’emploi atteignent à nouveau des niveaux normaux.
Les baby-boomers
Il existe une autre raison de penser que le marché du travail restera solide en 2024. Au plus fort de la crise sanitaire, de nombreuses entreprises ont licencié des travailleurs et ont eu du mal à les réembaucher lorsque l’économie a commencé à aller mieux. Les patrons ne veulent pas refaire la même erreur. Par conséquent, si la récession est (relativement) modérée, ils peuvent être enclins à conserver des travailleurs, même s’ils ne peuvent pas vraiment se le permettre.
Cette théorie de la thésaurisation de la main-d’œuvre est compatible avec les données, qui montrent que le chômage dans les pays riches, compte tenu du taux actuel de croissance du produit intérieur brut, est encore plus faible que prévu. En 2023, certains pays, dont l’Allemagne et la Nouvelle-Zélande sont entrées dans une récession brève et peu profonde. Doit-on y voir des signes indiquant que le marché du travail est en train de se fissurer? Pas du tout.
Les entreprises ont une raison supplémentaire de maintenir les travailleurs en activité. Avec le départ à la retraite des baby-boomers, le réservoir de main-d’œuvre disponible s’assèche rapidement. Les personnes désireuses et capables de travailler sont de plus en plus appréciées, ce qui signifie que la pénurie de main-d’œuvre pourrait, avec le temps, passer d’un phénomène temporaire à un phénomène permanent. Quoi qu’il arrive en 2024, le monde des marchés du travail en pleine effervescence devrait perdurer.
Traduit de « The World in 2024 », supplément de The Economist
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