Six étapes pour acquérir de bonnes connaissances financières au travail
Lorsqu’il est question de lacunes plus ou moins importantes dans l’éducation financière des personnes, immanquablement l’école est pointée du doigt. Toutefois, des organismes tels que l’OCDE recommandent de dispenser cette formation financière plutôt sur le lieu de travail, afin que les connaissances et compétences acquises soient immédiatement utiles et mises en application. Voici une feuille de route.
Prenons l’exemple des impôts. Les professeurs peuvent parler des grands principes de la fiscalité dans l’enseignement secondaire, mais cela s’arrête là. La manière de remplir sa déclaration d’impôts, les dépenses que l’on peut déduire pour réduire la charge fiscale, etc. ne sont guère utiles aux écoliers, et oubliées sitôt l’examen passé ! Même pour les jeunes qui poursuivent des études, la déclaration d’impôts est souvent un lointain souvenir. Pourtant à partir de 18 ans, tout le monde doit remplir une déclaration d’impôts, mais la plupart des étudiants reçoivent une proposition simplifiée de cette déclaration. Leur déclaration d’impôts deviendra beaucoup plus compliquée à partir du moment où ils commenceront à travailler et se demanderont si telles dépenses sont déductibles ou pas.
On pourrait imaginer, par exemple, que les entreprises offrent une formation « Comment remplir sa déclaration d’impôts » au mois de mai ou juin aux employés engagés depuis moins d’un an.
L’employeur peut alors également expliquer quels sont les avantages inclus dans le package salarial à ses employés. Le marché du travail étant tendu et les travailleurs changeant d’emploi plus rapidement, il peut être utile de mettre en avant les avantages offerts. En 2023, les travailleurs belges ont droit à quatre jours de formation. À partir de 2024, ce nombre passera à cinq jours. Les employeurs doivent offrir suffisamment d’opportunités de formations qualitatives. L’éducation financière pourrait parfaitement s’inscrire dans leur plan de formations. Une telle formation pourrait contribuer à combattre le stress lié aux problèmes financiers et aider les travailleurs à prendre en main la gestion de leur argent.
L’Organisation à la coopération et au développement économiques (OCDE) a récemment recommandé de renforcer la culture financière sur le lieu de travail. Il y a un an, le groupe de réflexion a publié un manuel contenant des conseils afin de mettre en place une initiation à la finance et renforcer l’attention portée au bien-être financier. Un certain nombre de pays se sont lancés dans l’aventure, mais la Belgique est quelque peu à la traîne.
1. Travail sur l’éducation financière au travail
Els Lagrou (ex-OCDE et ex-FSMA) élabore des cours sur les questions financières à l’intention des entreprises. “Ces dernières années, l’accent a été mis sur le bien-être physique et mental au travail, mais pas sur le bien-être financier. Vous aurez beau suivre tous les cours de yoga que vous voulez, vos soucis financiers ne disparaîtront pas pour autant.”, estime Els Lagrou.
Avec Thierry Janssens, un informaticien, elle a fondé le site flamand Dagelijks Geld, qu’elle décrit sur LinkedIn comme “votre partenaire pour le bien-être financier et la formation”. Plus tard, Jeroen De Pooter a rejoint l’équipe. Ce dernier a déjà beaucoup travaillé avec des entreprises sur le bien-être physique et mental sur le lieu de travail. “Le lien avec le bien-être financier manque encore dans de nombreuses entreprises, et c’est ce que j’ajoute maintenant”, déclare Els Lagrou, qui précise : “Le stress financier entraîne également des problèmes de santé. Les personnes qui ont des problèmes d’argent s’adonnent plus facilement à l’alcool ou à la drogue, ou cherchent le réconfort dans la nourriture. On ne peut pas séparer le bien-être financier du bien-être mental ou physique. »
“Par l’intermédiaire des employeurs, vous pouvez atteindre un public beaucoup plus large que par le biais des actuelles initiatives en matière d’éducation financière. Prenons l’exemple du site éducatif Wikifin.be de la FSMA, l’autorité de régulation financière, mon ancien employeur. Ce site est très bien, mais il ne touche qu’une partie limitée de la population. Ce sont surtout les personnes qui recherchent des informations sur des questions financières qui aboutissent sur Wikifin.be. Beaucoup de gens ne se préoccupent pas de leurs finances”.
2. L’argent ne doit plus être tabou
Certaines personnes n’ont tout simplement pas envie de s’occuper de leur argent, trouvant cela ennuyeux ou faisant l’autruche jusqu’à ce que des problèmes majeurs surviennent. “Nous devons faire en sorte que l’argent ne soit plus un sujet tabou. Si les personnes en parlent, ils peuvent aussi apprendre les uns des autres”, estime Els Lagrou, qui ajoute : “Nous pouvons proposer des conseils individuels et/ou des ateliers en petits groupes. L’éducation financière nécessite une approche multidimensionnelle. Notre initiative est complémentaire à des initiatives déjà existantes. Toute initiative en matière de formation financière ne peut être que bien accueillie.”
Mais les entreprises veulent-elles vraiment que leurs employés aient des connaissances financières ? Il est parfois être pratique pour les employeurs que les employés ne connaissent pas grand-chose à l’argent. Que se passerait-il si les employés remettaient en question le calcul et le montant de leur salaire ? “Les employeurs feraient mieux de s’adapter à la génération actuelle de jeunes entreprises. Les jeunes employés parlent beaucoup plus facilement d’argent que leurs aînés. Ils comparent plus rapidement. Je vois là une différence générationnelle, et les employeurs devront y faire face. Qu’ils le veuillent ou non, ils devront être plus transparents sur les salaires.”
3. Fournir un mentorat ou un coaching
Els Lagrou estime qu’un accompagnement plus indépendant est également nécessaire. Par exemple, les banques et les assureurs organisent également des webinaires ou des soirées de discussion sur l’éducation à la finance, mais leur objectif est en fin de compte de commercialiser des produits d’épargne et d’investissement ou des produits d’assurance. “Nous ne recommanderons jamais de produits ou de services spécifiques, mais nous pouvons enseigner aux gens comment se constituer une réserve d’épargne, quels types de produits sont disponibles sur le marché et comment les choisir. »
4. Une meilleure connaissance financière réduit le stress
Els Lagrou constate également que très peu de gens comprennent l’indexation automatique des salaires dans notre pays. “La Belgique est le seul pays d’Europe où les salaires de presque tous les employés augmentent avec le coût de la vie. C’est un système très coûteux pour les employeurs. Il est tout à fait dommage pour eux que leurs employés ne comprennent pas ce système d’indexation automatique et ne l’apprécient donc pas à sa juste valeur.
En outre, le stress financier des employés peut également coûter cher aux employeurs. “Un peu de stress ne fait pas de mal, mais trop de stress peut paralyser les personnes. Ceux qui ont de gros soucis d’argent ne fonctionnent plus de manière optimale.” De nombreux employeurs ont déjà mis en place des politiques visant à maintenir leurs employés en bonne santé : des fruits frais quotidiennement, des cours de sport sur le lieu de travail, etc. Pourquoi ne voudraient-ils pas donner le même élan à la santé financière de leurs employés ?
“Des études menées au Canada ont montré que 40 % du stress des employés est lié à des problèmes d’argent, explique Els Lagrou. Cela empêche les gens de faire ce qu’ils ont à faire. Ils perdent leur concentration, travaillent plus lentement ou moins efficacement. Les accidents sont plus nombreux, entraînant des incapacités de travail temporaires ou permanentes.”
5. Calculer l’impact financier des choix de carrière
Le site Dagelijks Geld souhaite aussi proposer des formations permettant aux employés de prendre de meilleures décisions financières. “Avant tout, il s’agit aussi de faire des choix conscients. Si quelqu’un veut travailler à temps partiel, sait-il quel impact cela aura sur sa carrière, son salaire et sa retraite ? Souvent, les gens ne regardent que l’impact à court terme, mais pas à long terme”, estime Els Lagrou, “Parfois, les personnes prennent de telles décisions sur un coup de tête, ou ils ne savent pas vraiment quel en sera l’impact. Chacun est libre de travailler moins, de mieux équilibrer vie professionnelle et vie privée, mais il est important qu’ils puissent en évaluer correctement les conséquences”.
6. Fournir les bonnes connaissances au bon moment
Les informations utiles aux salariés varient en fonction de leur carrière ou d’une étape de leur vie. Pour une personne qui commence à travailler, il peut être utile d’obtenir des informations sur comment se constituer un capital pour la retraite par l’intermédiaire de l’employeur ou par ses propres moyens. En revanche, pour les personnes ayant des enfants, une présentation des systèmes de congés ou de la possibilité de faire bénéficier les membres de la famille d’une assurance hospitalisation est plus appropriée.
“Un couple sur deux se sépare, souligne Els Lagrou. Les séparations sont une source importante de stress financier si aucune disposition n’a été prise au préalable. Lorsque l’on prend sa retraite, on reçoit sa pension complémentaire. La plupart des gens préfèrent encore un paiement en capital à un intérêt mensuel, mais cela signifie qu’ils reçoivent une grosse somme d’argent en une seule fois. Et souvent, ils ne savent pas comment réagir. Or, l’idée est de pouvoir bénéficier de cette pension complémentaire tout au long de sa vie. Là aussi, quelques conseils seraient les bienvenus”.
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