Service citoyen : la contre-expertise qui contredit Dolimont

Caroline Lallemand

Après l’annonce du ministre-président wallon (MR) Adrien Dolimont d’envisager l’arrêt du financement du Service Citoyen en Wallonie, la Plateforme pour le Service Citoyen riposte avec une contre-expertise juridique. En jeu : 200 services citoyens en cours et 40 emplois.

La mauvaise nouvelle est tombée le mois dernier au Parlement wallon. Adrien Dolimont, ministre-président wallon (MR), a averti que la Wallonie ne pourrait “a priori” plus soutenir le Service Citoyen, suite à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 24 octobre annulant la loi fédérale sur le dispositif. “Si la Wallonie décidait d’instituer un service citoyen par voie décrétale, celui-ci serait de facto inconstitutionnel”, a-t-il expliqué au Soir.

Un mois plus tard, l’analyse juridique qu’il a demandée à son administration n’a toujours pas été réceptionnée. Mais la Plateforme pour le Service Citoyen n’a pas attendu : elle a commandé sa propre étude juridique, sur la compétence de la Wallonie à financer le dispositif. Elle a été validée notamment par Marc Verdussen, professeur de droit constitutionnel à l’UCLouvain. Les conclusions, révélées ce jeudi 20 novembre, son claires : “La région wallonne demeure compétente pour subventionner un Service Citoyen, dans la mesure où ce financement s’inscrit dans sa politique de l’emploi.”

Un arrêt qui redistribue les cartes

Petit retour en arrière. Le 24 octobre dernier, la Cour constitutionnelle a annulé la loi fédérale du 15 mai 2024 instaurant le Service Citoyen, estimant que le gouvernement Vivaldi avait fait preuve d’un “excès de compétence”. Selon la Cour, le dispositif relève des compétences des Communautés en matière de jeunesse et de formation, puisqu’il s’adresse aux 18-25 ans et constitue “un instrument éducatif”.

Le Service Citoyen permet aux jeunes sans emploi de s’engager pendant six à douze mois dans un projet solidaire, avec une rétribution maximale de 550 euros par mois sans perdre leur allocation de chômage. Le fédéral devait financer 350 places en Wallonie, la Région complétant pour atteindre 500 jeunes, à hauteur de 2,9 millions d’euros en 2024 et 2,4 millions en 2025. Le Service Citoyen devait être financé de manière structurelle à hauteur de 7,5 millions d’euros, avait décidé en 2024 le gouvernement fédéral.

Un programme soutenu… par les libéraux

Le paradoxe saute aux yeux fait valoir la Plateforme : c’est un gouvernement MR-Les Engagés qui menace d’abandonner un dispositif que les libéraux ont eux-mêmes développé en Wallonie depuis 2018. Le programme du MR pour les élections de juin 2024 promettait même de soutenir “le développement du service citoyen volontaire généralisé.” La déclaration de politique régionale promettait de “renforcer les dispositifs en faveur de la participation des jeunes à la chose publique, notamment via le service citoyen”. En février dernier, Adrien Dolimont confirmait encore au Parlement : “Mon Gouvernement a souhaité maintenir l’accompagnement de 500 jeunes.”

Certains députés estiment que rien n’empêcherait la Région de continuer à financer le dispositif via ses compétences en matière d’emploi. Mais le gouvernement craint un blocage de l’Inspection des finances et des doublons avec d’autres dispositifs d’insertion.

Des résultats éloquents

Les chiffres plaident pour le dispositif argumente la plateforme: 96% de taux de satisfaction chez les jeunes, plus de 75% de sorties positives vers l’emploi, la formation ou les études. En 2023, l’IWEPS recommandait au gouvernement wallon de “prévoir un financement structurel”. Des études menées en Belgique et à l’étranger démontrent que le dispositif génère des économies substantielles pour la collectivité.

40 emplois menacés

Si le financement s’arrête brutalement, 200 services citoyens en cours seraient interrompus et 40 personnes se retrouveraient au chômage, avertit la plateforme, qui évoque même une “procédure Renault”. “Un comble pour un programme évalué positivement”, souligne-t-elle.

La Plateforme demande au ministre-président de poursuivre le financement en s’appuyant sur la compétence régionale en matière d’emploi. Le point devrait être discuté en Gouvernement wallon ce jeudi annonce la plateforme. Une pétition réclamant le maintien du service citoyen a déjà recueilli plus de 4700 signatures à l’heure d’écrire ces ligne.

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