Raphaël Prioux: “l’esprit transgénérationnel de ce cabinet permet aux uns de se développer au contact des autres”

Raphaël Prioux

Il y a 38 ans, Raphaël Prioux, avocat d’affaires spécialisé dans les holdings familiaux, démarrait sa carrière auprès de son mentor, Pierre Van Ommeslaghe, la légende du droit belge. Aujourd’hui, c’est lui l’avocat expérimenté dans son nouveau cabinet où ses associés sont au minimum 20 ans plus jeunes que lui.

C’est l’histoire d’une boucle qui se boucle 25 ans plus tard. Raphaël Prioux, l’avocat d’affai­res spécialisé en droit des affai­res, surtout pour des holdings familiaux, a commencé sa carrière dans le cabinet de Pierre Van Ommeslaghe, le professeur de droit légendaire de l’ULB (et une terreur aussi puisque le couloir qui menait à son bureau de la faculté de droit s’appelait le couloir de la mort) et avocat d’affaires dont les clients s’appelaient, entre autres, Albert Frère et Bernard Arnault.

“Pierre Van Ommeslaghe était mon mentor, se souvient Raphaël Prioux. A la fin de son dernier cours de droit des affaires en 1985, il m’a demandé si je voulais le rejoin­dre dans son cabinet. J’avoue avoir hésité. J’avais envie de voyager. Il m’a dit que le droit des affaires permettait de beaucoup le faire et cela m’a finalement convaincu. Il ne mentait pas et j’ai même pris le Concorde deux fois. Quand on est jeune, c’est grisant. Le plus fou, c’est que je suis allé aux quatre coins du monde mais le Namurois que je suis n’a plaidé pour la première fois dans sa ville natale qu’il y a quelques semaines…”

Au bout de neuf ans, le cabinet de ses débuts s’est divisé et Raphaël Prioux a alors fondé sa première structure : Tossens & Prioux. Là aussi des divergences d’opinion entre associés l’ont fait partir pour rejoindre temporairement un autre cabinet indépendant où il n’a jamais vraiment trouvé son bonheur. Juste avant le covid, il a enfin réalisé son rêve : créer une structure avec des avocats beaucoup plus jeunes que lui. Prioux Culot + Partners est né en 2019.

“J’aurai toujours un profond respect pour Pierre Van Ommeslaghe mais quand les choses se sont envenimées dans son cabinet, il n’a, selon moi, pas fait les meilleurs choix : il a fait preuve d’attentisme au lieu de partir avec des jeu­nes pour créer un nouveau bureau. 25 ans plus tard quand la question s’est posée pour moi, j’ai mis mes idées à exécution. Je suis parti et j’ai créé un nouveau cabinet avec de jeunes avocats que j’avais connus et appré­ciés chez Tossens & Prioux.”

Modernité et traditions

Raphaël Prioux, qui enseigne à la Solvay Business School depuis plus de 20 ans, a 63 ans. Les cinq autres associés de Prioux Culot + Partners sont au moins 20 ans plus jeunes que lui. A commencer par Henri Culot, 43 ans et professeur à la faculté de droit de l’UCLouvain. De nos jours, le cabinet Prioux Culot + Partners compte une dizaine d’avocats.

“Cette association s’est réalisée en très peu de temps, se rappelle Raphaël Prioux. Tout s’est aligné rapidement entre personnes qui, malgré la différence d’âge, partageaient les mêmes valeurs. C’est une alliance entre la modernité et des valeurs traditionnelles comme l’excellence, la convivialité et l’amitié. L’intérêt collectif de l’association prime et chacun se réjouit du développement de l’autre. Cela donne une forte cohésion. Quand quelqu’un rencontre des difficultés dans un dossier, l’aide arrive spontanément. Je ne dirige pas le cabinet. Les six associés déci­dent collectivement dans une formule ultra-démocratique. Nous n’avons jamais de réunion formelle avec vote obligatoire comme dans les grosses structures. Une idée est mise en pratique quand le fond et la forme sont acceptables pour tout le monde. Je n’ai jamais voulu aller dans une grosse structure, j’aime trop mon indépendance. Je ne changerai plus. C’est une magnifique manière de prolonger ma carrière pour encore de nombreuses années.”

“Je n’ai jamais voulu aller dans une grosse structure, j’aime trop mon indépendance.”

Cette formule n’est pas si éloignée des entreprises libérées où règnent l’autonomie et la responsabilisation et où les décisions sont prises à l’unanimité des décideurs. Raphaël Prioux, qui travaille en musique, est le seul (avec sa secrétaire) à disposer d’un bureau cloisonné. Les autres associés ont choisi de travailler ensemble dans un open space. L’esprit transgénérationnel de ce cabinet permet aux uns de se développer au contact des autres.

“D’une certaine manière, vu mon expérience, j’ai sans doute un peu fait office de locomotive du cabinet au début, souligne Raphaël Prioux. C’est moins le cas aujourd’hui. Chaque associé a grandi et apporte de nouvelles affaires au cabinet. Et c’est très bien comme cela. J’apprends beaucoup de mes jeunes associés. Entre autres au niveau de la technologie où j’ai parfois un peu de mal. Lors de la fondation du cabinet, s’est posée la question des dossiers dans le cloud. J’étais réticent mais j’ai fait confiance. Il faut vivre avec son temps.”

Droit des affaires

Prioux Culot + Partners ne pratique que le droit des affaires et encore, il n’a pas vocation à être généraliste. Il ne se mêle ni de droit du travail ni de droit fiscal.

“L’idée est de savoir faire la même chose tous ensemble pour être interchangeables et faire avancer les dossiers le mieux possible dans l’intérêt de nos clients, poursuit Raphaël Prioux. Avec le temps, je me suis spécialisé en droit des affaires pour des holdings familiaux : j’ai donc quelques-unes des grandes familles belges comme clients. Je m’occupe de multiples sujets dans ce cadre, notamment de fusions et acquisitions, d’accords et pactes entre actionnaires, parfois de conflits entre eux, de transmissions et successions patrimoniales, etc. Je ne fais pas d’optimisation fiscale mais j’ai assisté plusieurs clients lors de divorces. Je collabore alors avec un ou une familialiste car moi, je ne gère que les aspects patrimoniaux. J’aime les liens que créent ces affaires entre professionnels actifs dans un autre domaine. C’est enrichissant. Ceci dit, le cabinet ne fait pas que cela et nous avons développé des compétences acérées dans d’autres matières du droit des affaires, comme les droits intellectuels et l’accompagnement d’entreprises en difficulté.”

“J’aime les liens que créent ces affaires entre professionnels actifs dans un autre domaine. C’est enrichissant.”

Ne demandez pas à Raphaël Prioux de parler de ses clients célèbres. L’homme est discret, une vraie qualité recherchée dans son domaine. Son indépendance et sa curiosité font de lui un arbitre et un médiateur/facilitateur tout aussi recherché.

“J’aime beaucoup l’arbitrage ainsi que la médiation/facilitation et je remplis ce rôle fréquemment, conclut-il. Dernièrement, je me suis penché sur le nucléaire. Je suis intervenu pendant de nombreux mois en tant que médiateur/facilitateur à la demande de parties publique et privées concernées par la gestion des déchets nucléaires. Je n’y connaissais rien au début et cette candeur fut sans doute salutaire pour générer de la confiance dans un dossier très complexe qui était peu juridique mais très économique. J’ai adoré car j’ai vraiment eu l’impression de contribuer un peu à la recherche de l’intérêt public. Les jeunes de mon cabinet m’ont aussi encouragé dans ce sens au nom de leur avenir. Il est plus simple d’être arbitre ou médiateur/facilitateur au sein d’une petite structure. Cela diminue les ris­ques de conflit d’intérêts avec les dossiers traités par d’autres associés.”

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