Loi européenne sur l’accessibilité numérique: une révolution inclusive pour les entreprises

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Les entreprises devront rendre certains produits et services numériques accessibles aux personnes en situation de handicap. Cela signifie que les sites web, les applications mobiles, les terminaux de paiement, les liseuses électroniques et les distributeurs automatiques de billets devront être adaptés. C’est une conséquence de l’« European Accessibility Act », ou loi européenne sur l’accessibilité.

Selon la Commission européenne, un Européen sur quatre souffre d’un handicap qui constitue un obstacle à l’utilisation de sites internet, d’applications et d’appareils numériques. Ces obstacles peuvent aller de la déficience visuelle ou du daltonisme à des troubles moteurs qui compliquent l’utilisation d’une souris ou d’un écran tactile. Cela représente plus de 111 millions d’Européens. La loi européenne sur l’accessibilité (EAA) vise à y remédier.

« L’impact est immense », déclare Bart Van den Brande, avocat chez Sirius Legal. « Contrairement à la législation en matière de vie privée et de cybersécurité, où l’Europe fait figure de pionnière, nous accusons ici un retard », continue-t-il. « Les États-Unis ont déjà instauré, depuis dix ans, des règles plus strictes avec leur Americans with Disabilities Act (ADA). Avec cette nouvelle loi axée sur le consommateur, l’Europe rattrape son retard. »

Pour qui ?

Entrée en vigueur ce 28 juin, cette loi constitue avant tout une bonne nouvelle pour des millions d’Européens en situation de handicap. Les personnes aveugles, malvoyantes ou atteintes de daltonisme bénéficieront d’un meilleur accès aux sites web, aux applications et aux services numériques, grâce notamment à de meilleures options de synthèse vocale, des couleurs adaptées ou d’une navigation améliorée.

« Un utilisateur aveugle doit par exemple pouvoir acheter un billet de train à un guichet automatique sans aide », explique An Haenen, responsable marketing & relations chez Sirius Legal. Les personnes sourdes ou malentendantes bénéficieront d’un soutien accru via, par exemple, des sous-titres ou des vidéos traduites en langue des signes. Les services clients téléphoniques devront devenir plus accessibles, avec des alternatives textuelles comme le chat en direct. Chaque entreprise devra analyser par elle-même de quelle manière et dans quelle mesure son contenu doit devenir accessible.

Faciliter l’usage

Pour les personnes ayant des troubles moteurs, les sites et applications devront être utilisables sans souris, via une navigation au clavier ou une commande vocale. Pour les utilisateurs souffrant de déficiences cognitives, les sites devront être construits de manière plus simple et plus claire, avec un langage compréhensible et une navigation intuitive. Les interfaces complexes et les structures confuses devront être corrigées afin d’être accessibles aux personnes atteintes de troubles de l’apprentissage ou de l’attention comme le TDAH.

Ainsi même les personnes, sans handicap reconnu, bénéficieront de sites plus lisibles, d’applications plus intuitives et d’instructions plus claires. Pour Bart Van den Brande : « Des conceptions accessibles et des options de commande ergonomiques facilitent l’usage des sites et applications. Ce qui est aussi utile par exemple pour les personnes âgées, pour celles qui sont moins à l’aise avec le numérique ou avec des limitations temporaires. La loi contraint les entreprises à repenser toute l’expérience utilisateur. Tout le monde profite d’un site plus rapide, plus lisible et plus intuitif. »

Que doivent faire les entreprises ?

La loi s’applique à toutes les entreprises proposant des produits et services numériques dans l’Union européenne. « Au plus tard le 28 juin 2025, les entreprises devront publier une déclaration d’accessibilité sur leur site, expliquant les mesures prises et ce qui doit encore être amélioré », précise Bart Van den Brande. « Toutes les entreprises ne doivent pas s’y conformer immédiatement. » La loi vise d’abord les grandes et moyennes entreprises : elles devront répondre aux exigences d’accessibilité d’ici le 28 juin 2025.

Les micro-entreprises, comptant moins de 10 employés et un chiffre d’affaires annuel inférieur à 2,5 millions d’euros, disposeront de cinq années supplémentaires pour se mettre en conformité. « Les services et contrats numériques existants, en cours avant le 28 juin 2025, bénéficieront probablement eux aussi d’une période transitoire de cinq ans », indique Van den Brande. « Les nouveaux services numériques lancés après le 28 juin 2025 devront être conformes immédiatement. » Ainsi, une boutique en ligne classique sans statut dérogatoire devait donc être en ordre pour juin 2025. Tandis qu’une petite entreprise familiale exploitant un site depuis des années disposera de plus de temps.

Un impact majeur

L’impact est considérable, surtout pour les entreprises disposant de plateformes numériques complexes. « Nous voyons des entreprises peiner avec la mise en œuvre pratique, explique Bart Van den Brande. Un client que nous conseillons a dû modifier les couleurs de sa charte graphique, car elles manquaient de contraste. Mais cela implique de revoir l’ensemble de l’identité de marque. »

En outre, la loi exige un effort technique colossal. Les images devront être accompagnées d’un texte descriptif, afin que les utilisateurs aveugles puissent comprendre ce qu’elles représentent à l’aide d’un lecteur d’écran. « Cela signifie que des milliers d’images devront être adaptées manuellement », déclare Van den Brande. « Les fichiers PDF doivent eux aussi devenir accessibles, y compris les contrats et les conditions générales. Pour une entreprise disposant de plusieurs sites et de milliers de documents, c’est une tâche titanesque. »

Et chez nous ?

En Belgique, le respect de la loi sera supervisé par le SPF Économie. « Il est notable que les contrôles doivent être réalisés par des personnes en situation de handicap », ajoute Van den Brande. « Des testeurs aveugles devront vérifier, par exemple, si un site est utilisable pour les non-voyants. C’est un beau principe, mais il pose aussi des défis pratiques, comme le recrutement de contrôleurs qualifiés qu’il faudra former. »

De vastes contrôles dès les premiers jours semblent peu probables. Mais les entreprises qui ne se sont pas mises en conformité risquent une atteinte à leur réputation et de se voir infliger de lourdes amendes. Leur montant n’a pas encore été fixé. Selon Bart Van den Brande, elles pourraient néanmoins atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Une opportunité aussi

Beaucoup d’entreprises perçoivent cette loi sur l’accessibilité comme une contrainte. Mais Bart Van den Brande et An Haenen y voient également une opportunité. « Les entreprises peuvent se démarquer en se montrant responsables, inclusives et orientées client. Un site accessible attire un public plus large et améliore l’expérience utilisateur pour tous. Et pas uniquement pour les personnes en situation de handicap. Et ce n’est pas négligeable. Les sites accessibles obtiennent souvent de meilleurs classements dans les moteurs de recherche et génèrent une plus grande satisfaction client. À long terme, les entreprises en tireront donc un réel bénéfice. »

La législation européenne sur l’accessibilité s’applique aux entreprises proposant les produits et services suivants :
Produits :
Ordinateurs et systèmes d’exploitation ;
Terminaux de paiement et certaines bornes libre-service, comme les distributeurs automatiques de billets, les automates de -billetterie et d’enregistrement, les bornes d’information interactives en libre-service ;
Smartphones et autres équipements d’accès aux services de télécommunication ;
Équipements télévisuels pour les services de télévision numérique ;
Liseuses électroniques.
Services :
Services de téléphonie ;
Services d’accès aux médias audiovisuels ;
Certaines parties des services de transport aérien, ferroviaire, fluvial et par bus, comme les sites web, services mobiles, billets électroniques, informations ;
Services bancaires destinés aux consommateurs ;
Livres électroniques (e-books) ;
Commerce électronique (e-commerce) ;
Traitement des appels d’urgence vers le numéro d’urgence européen « 112 ».

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