Jean-François Tamellini (FGTB): “Les gouvernements nous poussent dans la rue”

Jean-François Tamellini, secrétaire général de la FGTB wallonne © BELGAIMAGE
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Jean-François Tamellini, secrétaire général de la FGTB wallonne, dénonce une volonté d’empêcher toute concertation sociale et de casser les fondements du pacte d’après-guerre. “Notre combat est aussi démocratique”, dit-il.

Lorsqu’on lui demande comment se passe le mouvement social, Jean-François Tamellini, secrétaire général de la FGTB, soupire : “C’est compliqué.” Il s’explique.

TRENDS-TENDANCES. En quoi est-ce compliqué ?

JEAN-FRANÇOIS TAMELLINI. On nous empêche de jouer notre rôle d’acteur actif dans le redressement de la Wallonie. Les syndicats sont sortis de tous les lieux où l’on peut négocier l’équilibre entre développement économique et emploi. Le plan de relance est enterré, on n’a plus rien à dire dans les cellules de reconversion, on nous écarte d’organismes comme l’Awex (Agence wallonne à l’exportation, ndlr) ou Wallonie Entreprendre. Ce sont les gouvernements qui nous poussent dans la rue.

“On nous empêche de jouer notre rôle d’acteur actif dans le redressement de la Wallonie.”

Les grèves se multiplient depuis le 13 décembre, est-ce inéluctable ?

Exactement, car le cadre politique est utra-restrictif et empêche toute discussion. Le positionnement patronal n’est pas plus encourageant. J’entends les inquiétudes légitimes sur la situation financière de la Wallonie. Mais j’ai essayé de provoquer une discussion au sein du Comité économique et social au sujet de l’opportunité de la réforme des droits d’enregistrement ou des transferts émanant du fédéral à travers la réforme du chômage, en vain. Pour un meilleur usage de l’argent public, j’ai voulu dénoncer les sommes importantes détournées des aides publiques à la formation : je parle de dizaines de millions d’euros. Fin de non-recevoir !

Mais jamais il n’y a eu autant de grèves…

J’ai repris les statistiques du nombre de grèves, en lien avec ce qui les a déclenchées. Kurt Vandaele, chercheur réputé dans le domaine, montre qu’il y a eu un avant et un après 2017. L’explosion a été causée par la modification de la loi de 1996 sur la norme salariale, devenue impérative au lieu d’être indicative. En d’autres termes, cela a supprimé toute possibilité de négocier des augmentations salariales. Je parle bien dans les secteurs où cela est possible, bien sûr, nous ne sommes pas fous. Avec le gouvernement De Wever, c’est pire encore : on ne négocie plus les fins de carrière, la flexibilité du travail…

Est-ce votre base qui vous pousse à mener ces actions ?

C’est clair, tous nos mandats viennent du terrain où nos militants réclament des évolutions en matière de pouvoir d’achat. Mais rien de tout cela ne peut être entendu, alors que c’est loin d’être excessif.

Êtes-vous conscients des difficultés budgétaires ?

Évidemment ! Mais nous demandons de l’équilibre dans les mesures qui sont prises, ce qui est loin d’être le cas. La DLU pour l’amnistie fiscale, cela se décide facilement, mais la taxation sur les plus-values, cela chipote. C’est symbolique. Et regardez les rachats d’actions par les grands groupes, les bénéfices qui augmentent alors que les situations sociales se détériorent, c’est écœurant.

Votre mouvement s’inscrira-t-il dans la durée ?

Les mandats que l’on reçoit nous disent que l’on doit continuer. Et cela touche tous les corps de métiers, des enseignants aux magistrats, y compris des gens qui ne sont pas forcément de gauche. Le mouvement ne s’essoufflera pas en raison de cette colère diffuse. La manifestation nationale du 25 juin est maintenue pour marquer le coup au moment de l’adoption de l’accord de Pâques. Mais ce mouvement s’attache aussi à des enjeux démocratiques majeurs. Car derrière tout cela, il y a des attaques contre les corps intermédiaires et les contre-pouvoirs. La volonté de la droite dure est clairement de casser les syndicats et de briser le pacte social d’après-guerre répartissant les richesses. L’enjeu, pour moi, il est là.

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