“L’autre moitié du monde”: le monde fracturé, selon Magnette
Le président du PS sort un livre pour mettre en avant la valeur travail et rappeler qu’elle est… socialiste. Une plaidoyer contre le MR qui le qualifie de “parti de la sieste”. Et face au PTB. Crédible?
Paul Magnette, président du PS, aime écrire, publier et déposer des théories, quand il ne clame pas son amour du pain. Après La Vie large, dans lequel il développait son idéologie “écosocialiste”, il publie L’autre moitié du monde (éd. La Découverte), un essai qui entend remettre la valeur “travail” au centre de la campagne électorale. En rappelant qu’il s’agit d’un des éléments fondateurs du mouvement ouvrier et du socialisme.
Mais est-il crédible?
Fracture et pénuries
Le titre du livre est inspiré de Rabelais, quand il écrivait: “la moitié du monde ne sait pas comment l’autre vit”. C’est une référence à ce monde de plus en plus fracturé, avec des détenteurs du capital qui ne savent plus grand-chose du labeur de ceux qui produisent des richesses (avec leurs mains) ou de ceux qui oeuvrent au bien-être de la société, des infirmiers aux enseignants.
En posant ce constat, Paul Magnette n’a pas tort. Tout comme il a raison de mettre ce thème à l’agenda politique. La valeur travail a en effet déserté la Génération Z. La Wallonie comme Bruxelles souffrent d’importantes pénuries d’emploi, alors que le chômage y reste trop élevé.
“C’est le coeur de l’identité socialiste, insiste Paul Magnette. Parce que le travail est une valeur et dens le même temps une souffrance.” L’idéal socialiste consiste à permettre aux travailleurs de s’émanciper et de grandir. Toute la question est de savoir si le PS reste crédible face à cet enjeu majeur.
Paul Magnette reconnaît lui-même: “Si ces dernières décennies, la droite a remporté la bataille du travail, c’est parce que la gauche politique et syndicale n’est jamais parvenue à appréhender les évolutions profondes.” De l’allongement du l’espérance de vie à la dématérialisation numérique, de la société des services à la flexibilité qui s’impose, la gauche peine à proposer des réponses novatrices.
De la sieste et de la révolution
Crédible, le PS? Ces derniers mois, le président du MR, Georges-Louis Bouchez, n’a cessé de le caricaturer en “parti de la sieste”. Il est vrai que le PS cherche avant tout à préserver les acquis sociaux et à réduire le temps de travail (en proposant la semaine des quatre jours) qu’à louer la vertu de ceux qui se lèvent le matin tôt – formule du MR, inspirée notamment de Sarkozy.
Le mouvement socialiste, au sens large, a fait du “pouvoir d’achat” son principal moteur, délaissant parfois la solidarité ou la contribution à la société. En cela, et Paul Magnette ne l’évoque guère, il est aussi dépassé sur sa gauche par un PTB qui a beau jeu de dénoncer les renoncements socialistes au pouvoir, confronté aux réalités d’une économie en pleine mutation. En France, ou en Flandre, c’est l’extrême droite qui a réussi à capter les craintes des classes populaires.
Les extrêmes sont devenues les nouveaux révolutionnaires de cette époque polarisée.
Paul Magnette insiste sur la nécessité de remettre l’attention sur “le bien-être dans la vie que permet le travail”. A juste titre. Mais à ce sujet, deux considérations s’imposent. Tout d’abord, il s’agira d’unir les deux moitiés du monde et le PS ne s’emploie guère à le faire (tout comme le MR, d’ailleurs). Ensuite, si la taxation des richesses peut avoir un sens, elle doit s’accompagner d’une véritable conscience du fait que l’on contribue tous à un bien commun qui mérite d’être choyé et… bien géré, sans gabégie des hommes de pouvroir, sans privilèges fiscaux inacceptables, ni protections sociales exagérées.
En 2024, c’est vrai, il y a du travail à faire pour que ce soit le cas.
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