La lutte sociale commence fort face à l’Arizona, mais en voulant “faire mal à l’économie”, les syndicats visent-ils juste?

Les syndicats veulet mener un "marathon de résistance". (Belga)
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Au moins 50 000 personnes protesteront dans la rue ce jeudi contre le programme anti-social du gouvernement De Wever. Le front commun veut dénoncer ce qu’il qualifie de “déclaration de guerre”.  L’enjeu? Convaincre du bien-fondé d’une action préventive alors que l’économie souffre. Ce n’est pas gagné… “Irresponsable”, dit l’UCM.

Thierry Bodson, président de la FGTB, n’a pas l’habitude de mâcher ses mots. À l’aube d’un combat syndical qui s’annonce dur contre l’Arizona fédérale, il a eu ces mots: “Quand on veut être entendu, il faut faire mal à l’économie. On ne fait pas grève en mettant un brassard autour du bras, ça ne sert à rien.”

L’expression faisait suite à une “proposition” du chef de file MR à la Chambre, Benoît Piedboeuf, estimant qu’il y avait moyen de protester différemment: “Au Japon, ils font grève en mettant un brassard noir“.

Pas de brassard noir, mais une déferlante et la promesse d’un combat “de longue durée”. Au moins 50 000 manifestants sont attendus dans les rues de Bruxelles ce jeudi, après un premier coup de semonce sur les pensions qui avait déjà attiré quelque 30 000 personnes. “Il y a beaucoup d’agitation et de colère”, résume un syndicaliste.

Un “marathon social”

La manifestation nationale est le “début d’un marathon de résistance”, a prévenu la FGTB. Des grèves ont déjà été menées chez bpost, des syndicats menacent d’une grève de cinq à neuf jours à la SNCB, l’aéroport de Bruxelles sera à l’arrêt et ce n’est qu’un début.

La CSC a en effet rejoint la FGTB dans le dépôt d’un préavis pour une grève générale. “C’est un outil parmi tant d’autres pour faire pression sur le gouvernement”, a souligné le syndicat chrétien.

La concertation sociale s’annonce difficile, voire impossible. Au début de ce mois, le front commun syndical a déjà regretté qu’elle soit vidée de sa substance en raison de l’absence de marge salariale. La réunion du Groupe des Dix avec le gouvernement, ce mercredi, risque de tourner court.

“Pour les syndicats, la conclusion est évidente, précisaient-ils. La loi sur la norme salariale doit être réformée, comme nous le demandons depuis 2017. Sans révision de cette loi, la marge fictive, réduite à néant, hypothèque les négociations en vue d’un accord interprofessionnel (AIP) car les employeurs n’ont même plus besoin de négocier pour atteindre leurs objectifs. Les travailleurs et travailleuses n’ont, quant à eux, aucune perspective, hormis une modération salariale sans fin.”

Au sein des syndicats, la question se pose désormais de savoir comment tenir dans la longueur et “gagner la guerre culturelle” de la communication, pour reprendre les termes du président du MR, Georges-Louis Bouchez. Le souvenir de la vaine fronde face au gouvernement “suédois” de Charles Michel reste dans toutes les mémoires.

Des réserves et de l’incompréhension

La fronde est pratiquement générale et radicale, mais pas unanime. Jusqu’ici, la CGSLB, syndicat libéral, reste réservée sur l’idée d’un grève générale. Justification: “Ce gouvernement a été démocratiquement élu et nous voulons donner une chance à la concertation”.

L’Union des classes moyennes, qui représente les PME et les indépendants, estime que “l’argumentation et le pragmatisme sont de bien meilleurs moyens que la violence et l’entrave à la circulation routière pour faire avancer les revendications des indépendants et chefs de PME que nous défendons bec et ongles”.

“Les indépendants et les PME sont choqués, ils n’en peuvent plus…, dit son président, Pierre-Frédéric Nyst. Quand on dit qu’il faut faire mal à l’économie… ça ne passe plus chez nous. C’est scandaleux et irresponsable.”

Le patronat juge ces mouvements syndicaux “inacceptables” alors que la compétitivité de notre économie est plus que menacée. La FEB dénonce l’impact des manifestations et des grèves sur les entreprises “déjà aux prises avec des restructurations, des coûts salariaux et énergétiques élevés”.

Son CEO, Pieter Timmermans, juge indispensables les mesures sur la table: “Cela plus fait plus de 25 ans que je suis la politique belge et c’est de loin l’accord de gouvernement avec plus de réformes structurelles que ce soit dans le domaine de l’emploi, de la fiscalité ou des pensions. Ces réformes vont permettre de notre pays sur les rails d’ici 2030, à l’occasion des 200 ans d’existence de notre pays. On avait besoin de cela pour rattraper notre retard.”

En voulant “faire mal à l’économie”, les syndicats ne se tirent-ils pas une balle dans le pied, à l’heure où les défis sont nombreux? N’auraient-ils pas dû, au moins, rencontrer le gouvernement avant de sortir l’artillerie lourde?

La polarisation du débat risque de marquer la législature. Stérile, au fond.

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