Jusqu’à 9 jours de grèves d’affilée à la SNCB: la cacophonie syndicale met en péril l’efficacité du mouvement

Alors que les cheminots annoncent des grèves à la fin du mois de février, une cacophonie syndicale s’installe. Trois syndicats mineurs ont déposé des préavis distincts et non coordonnés, tandis que les grandes centrales n’ont pas encore décidé de leur stratégie. Ce manque de concertation pourrait affaiblir l’impact des mobilisations et fragiliser l’unité du mouvement face aux réformes gouvernementales.

De nouvelles grèves sont annoncées à la SNCB. Les tensions dans le secteur ferroviaire se cristallisent autour des réformes contenues dans le nouvel accord de gouvernement, notamment l’augmentation de l’âge de la pension pour les cheminots. Celle-ci pourrait passer de 55 à 67 ans de manière progressive. Ces mesures, mal perçues par une partie des travailleurs, ont conduit plusieurs syndicats à déposer des préavis de grève. Cependant, la coordination entre les différentes forces syndicales laisse à désirer.

Confusion

Les cheminots de la SNCB s’apprêtent à faire en grève en cette fin de mois de février. Les préavis se multiplient et créent un climat de confusion parmi les usagers du rail. Alors que les grandes centrales syndicales ne se sont pas encore prononcées, trois syndicats mineurs ont déjà annoncé des grèves distinctes, sans concertation préalable. Une situation qui soulève des questions sur l’efficacité de ces actions et l’absence d’une stratégie commune face aux réformes du secteur ferroviaire.

Eclatement des actions syndicales de la SNCB

Ainsi, trois syndicats dits “mineurs” – le Syndicat autonome des conducteurs de train (SACT), le Syndicat indépendant des cheminots (SIC) et le syndicat libéral (SLFP) – ont annoncé des grèves qui se chevauchent, mais qui n’ont pas été harmonisées entre elles. Le SACT a déposé un préavis pour cinq jours, du 23 au 28 février. Elle pourrait fortement perturber le trafic ferroviaire, notamment pendant les vacances de Carnaval, période généralement très fréquentée par les usagers des trains.

Le SLFP Cheminots lève son préavis de grève

Le SLFP Cheminots a toutefois fait savoir mercredi dans un communiqué avoir levé son préavis de grève à la suite d’une rencontre qualifiée de “constructive” avec la direction de la SNCB. Le syndicat assure vouloir donner la priorité aux négociations fédérales et “leur laisser toutes leurs chances”. “Beaucoup de points de la déclaration du formateur doivent être éclaircis”, ajoute le Syndicat libre de la fonction publique. La grève annoncée fin février est donc “reportée jusqu’à nouvel ordre”, pour le SLFP.

Préavis maintenu pour la grève de 9 jours

Le Syndicat indépendant cheminots (SIC) maintient par contre son préavis de grève de neuf jours, du vendredi 21 février à 22h00 au dimanche 2 mars même heure (lire aussi l’encadré ci-dessous). Outre le SIC, le Syndicat autonome des conducteurs de trains (SACT) maintient le préavis de grève, mais cette organisation ne le déploie que sur cinq jours, du 23 février à 22 heures au 28 février même heure.

Ces trois formations (SLFP, SIC et SACT) sont minoritaires au sein du rail belge. Toutefois, si un appel à la grève est lancé par une organisation syndicale quelconque, tous les membres du personnel peuvent y prendre part.

Les inquiétudes des grandes centrales syndicales de la SNCB

Les principaux syndicats ferroviaires, CGSP Rail et CSC-Transcom, élaborent leur propre plan d’actions, mais n’ont pas encore communiqué de timing. Face à cette situation désordonnée, ces derniers ont exprimé leur mécontentement. Pierre Lejeune, président de la CGSP Cheminots, a appelé à une unification des actions. “Il est crucial que tous les syndicats des cheminots se regroupent pour défendre une stratégie commune et cohérente, afin d’éviter de partir dans une bataille kamikaze sans objectif clair », déclare-t-il dans Le Soir. Selon lui, les actions unilatérales risquent non seulement de déstabiliser les usagers, mais aussi de nuire à la crédibilité du mouvement syndical en général.

Les grandes centrales syndicales privilégient une approche plus graduée, avec des actions progressives, pour éviter de se couper de leur base populaire et de perdre en soutien. Leur objectif est de faire pression sur le gouvernement tout en maintenant une certaine unité, afin de ne pas affaiblir leur position face aux réformes.

Le ministre de la Mobilité en première ligne

La question de la coordination entre les syndicats prend encore plus d’ampleur avec l’activation de la procédure de sonnette d’alarme par la CGSP Cheminots et la CSC Transcom. Les deux syndicats ont déposé cette procédure pour attirer l’attention du ministre fédéral de la Mobilité, Jean-Luc Crucke (Les Engagés). Le ministre, bien que non responsable du dossier des pensions, a accepté de rencontrer les représentants syndicaux ce jeudi.

Les syndicats majoritaires espèrent que cette rencontre permettra d’aboutir à un compromis, notamment sur la question des retraites et des réformes du secteur ferroviaire. Une fois ces discussions menées, les deux grandes centrales devraient se mettre d’accord sur un plan d’action graduel. Cette approche, plus mesurée, permettrait de garder l’unité syndicale tout en préservant l’efficacité des grèves.

L’appel à la grève de la SNCB est “totalement irresponsable et inacceptable”


De leur côté, les trois sociétés du rail belge (HR Rail, Infrabel et la SNCB) condamnent vivement le préavis de grève de neuf jours déposé par le Syndicat autonome des conducteurs de trains (SACT). Elles digèrent mal une action “prématurée et disproportionnée”, dirigée contre un programme politique aux contours encore incertains.

“En tant qu’entreprises publiques en charge de missions de service public essentielles et assurant les déplacements de 900.000 voyageurs par jour, nous condamnons le caractère disproportionné de cette réaction à un programme politique, pour lequel des concertations doivent démarrer avec le gouvernement fédéral. Nous ne pouvons pas accepter que nos clients soient les premières victimes de pareille attitude.”

Elles appellent à un dialogue constructif qui permettra de “défendre de manière appropriée les intérêts de tous nos collaborateurs et les ressources financières de nos entreprises.

“Totalement irresponsable”

Le président du CD&V Sammy Mahdi goûte peu à l’annonce du dépôt d’un préavis de grève de 9 jours par plusieurs syndicats de cheminots. “Organiser le chaos total dans les chemins de fer parce que vous êtes le seul secteur qui ne peut plus prendre sa retraite à 55 ans ? Totalement irresponsable”, s’insurge-t-il mardi.

Sammy Mahdi, qui était à la table des négociations de la coalition Arizona, fustige l’attitude de ces syndicats. Le président du CD&V parle “d’une gifle pour les voyageurs, mais aussi pour les salariés des autres secteurs qui ont des régimes beaucoup moins favorables, et pour nos enfants qui comptent sur notre génération pour sécuriser leur pension”.

C’est une gifle pour les voyageurs, mais aussi pour les salariés des autres secteurs qui ont des régimes beaucoup moins favorables, et pour nos enfants qui comptent sur notre génération pour sécuriser leur pension.

Sammy Mahdi

Le président du CD&V

“Si nous ne voulons pas imposer à nos enfants et petits-enfants un système de sécurité sociale complètement dépouillé ou si nous ne voulons pas le réduire en pièces pour combler les trous budgétaires, alors nous n’avons pas d’autre choix que de nous attaquer à certaines des dispositions dépassées du passé et de veiller à ce que les efforts soient équitablement répartis entre tous”, conclut Sammy Mahdi.

Le SIC veut une grève tournante des conducteurs, accompagnateurs et personnel d’Infrabel
Le Syndicat Indépendant Cheminots (SIC) de la SNCB, qui a déposé un préavis de grève de neuf jours, du vendredi 21 février à 22h00 au dimanche 2 mars même heure, appelle à une grève tournante par catégories de cheminots. Les conducteurs de train, les accompagnateurs de train et les travailleurs actifs dans les cabines de signalisation ainsi que le personnel d’Infrabel seraient par exemple invités à faire grève en trois blocs de deux jours, auxquels s’ajouteraient trois jours de grève à choisir librement. Le petit syndicat espère de cette manière “avoir un impact maximal avec un nombre limité de grévistes”.


“Nous avons franchi toutes les étapes. Nous pouvons vous informer que la grève du vendredi 21/02 à 22h jusqu’au dimanche 02/03 à 22h aura lieu”, écrit notamment le SIC sur sa page Facebook. “À la demande générale, nous avons mis au point une grève tournante afin d’avoir un maximum d’impact avec un nombre limité de grévistes et en même temps limiter la perte de rémunération”, explique encore le syndicat, cette fois sur sa page Facebook en néerlandais.

Concrètement, le syndicat appelle notamment les conducteurs de train à se croiser les bras les lundi 24 et mardi 25 février. Les accompagnateurs de train, entre autres, sont invités à débrayer les mercredi 26 et jeudi 27 février alors que les travailleurs actifs au niveau de la signalisation et chez Infrabel sont invités à la grève les vendredi 28 février et samedi 1er mars. Les 22 et 23 février et le 2 mars seraient enfin des jours de grève à choisir librement. Une grève de neuf jours a des conséquences sur tout le monde, “mais aussi sur le gréviste lui-même”, explique un porte-parole du SIC, qui souligne que le coût de la grève est entièrement supporté par les cotisations des membres du syndicat indépendant. C’est pourquoi le SIC ne paiera qu’un maximum de trois jours d’indemnité de grève par membre.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content