Comment apprendre de nos erreurs
Nous sommes nombreux à commettre des erreurs et à les répéter… Pourquoi n’apprenons-nous pas de nos erreurs ? Comment changer cela ? De nouvelles perspectives peuvent nous aider à tirer les leçons de nos échecs.
Dans les ouvrages de développement personnel, l’échec est souvent considéré comme une chose à célébrer. Les déceptions sont des tremplins essentiels pour voler vers le succès, des carrefours dans notre histoire qui se terminera par un triomphe. Plutôt que de sombrer dans le désespoir, nous sommes encouragés à “aller de l’avant”.
Si seulement c’était aussi simple, souligne la BBC. Au cours de la dernière décennie, de nombreuses recherches en psychologie ont montré que la plupart des gens ont du mal à gérer l’échec de manière constructive, à le digérer en quelque sorte. A la place, nous trouvons des moyens pour dévaloriser la tâche que nous n’avons pas pu accomplir, ce qui signifie que nous sommes moins motivés pour persévérer et pour atteindre notre objectif. Ce phénomène est connu sous le nom d'”effet raisin sec”. Il se peut aussi que nous ne remarquions tout simplement pas nos erreurs et que nous continuions allègrement comme si de rien n’était, ce qui nous empêche d’apprendre afin d’améliorer nos performances à l’avenir.
Les coaches en développement personnel aiment citer les mots du romancier Samuel Beckett : “Échouer encore. Échouer mieux”. Mais la vérité, c’est que la plupart d’entre nous échouent simplement encore et toujours.
Mais bonne nouvelle, des recherches récentes montrent qu’il existe des moyens d’éviter ces pièges, précise le site britannique d’informations. Ces solutions sont souvent contre-intuitives : l’un des meilleurs moyens d’apprendre de ses erreurs, par exemple, est de donner des conseils à une autre personne qui rencontre des difficultés similaires. Même si cela ressemble à « l’hôpital qui se moque de la charité », il s’avère qu’en aidant les autres à éviter l’échec, vous pouvez également améliorer vos propres chances de réussite.
L’effet “raisin sec”
Examinons d’abord l’effet “raisin sec”, découvert par Hallgeir Sjåstad, professeur de psychologie et de leadership à l’École norvégienne d’économie.
Il explique qu’il a été intrigué par la tendance qu’avaient ses contemporains à abandonner prématurément leurs rêves. “Cette recherche visait à comprendre pourquoi nous abandonnons parfois trop tôt, alors que nous aurions pu réussir si nous avions été un peu plus patients, persévérants et disposés à faire une seconde tentative”, explique-t-il.
Dans sa première expérience, Sjåstad a demandé aux participants de s’entraîner avec un test censé mesurer la précision de leur intuition. On leur a demandé d’estimer le poids de 20 pommes, par exemple, et on leur a dit qu’une bonne estimation serait considérée comme le signe d’une forte intuition. On leur a dit qu’une belle performance sur plusieurs questions était fortement corrélée à des “résultats positifs dans la vie, tels que des réussites extraordinaires au travail et une vie sociale épanouie” – un message destiné à accroître leur désir de réussite.
Après avoir répondu à quelques questions pratiques, les participants ont reçu un retour d’information fictif, soit très positif, soit très négatif. On leur a ensuite demandé de prédire à quel point il serait difficile d’obtenir de bons résultats lors du test réel, et à quel point ils seraient heureux s’ils obtenaient un score de 100 %.
Sjåstad a émis l’hypothèse que les personnes ayant reçu un retour négatif à l’entraînement sous-estimeraient l’importance de leurs performances futures sur leur état émotionnel. Et c’est exactement ce qui s’est passé. Les personnes qui avaient l’impression d’avoir échoué à l’entraînement ont prédit qu’un score parfait n’augmenterait guère leur bonheur immédiat. Faux ! Car lorsqu’elles ont passé un second test et qu’on leur a annoncé qu’elles avaient obtenu une excellente note, la bonne nouvelle les a vraiment rendues heureuses. Elles s’étaient trompées en pensant que le résultat ne les rendrait pas fiers.
Selon Sjåstad, il s’agit là d’une réaction d’autoprotection. “La plupart d’entre nous se considèrent comme des personnes compétentes et capables, et lorsque des commentaires extérieurs suggèrent le contraire, cela représente une menace sérieuse pour cette image que nous avons de nous”, explique-t-il. “La solution la plus facile est de nier ou d’expliquer le signal externe, afin de réduire l’incohérence et de préserver une image positive de soi. Je pense que c’est ce que nous faisons continuellement, même sans nous en rendre compte”.
Encadré : Il convient de noter qu’après chacune de ces expériences, Sjåstad a fait un compte rendu à ses participants, afin qu’ils ne repartent pas avec une fausse impression de leurs capacités intuitives.
Dans la vraie vie
Il a également testé l’effet “raisin sec” dans la vie réelle, auprès d’étudiants d’une université norvégienne. Il a constaté que le simple fait de rappeler aux étudiants qu’ils avaient une faible moyenne générale les amenait à dévaloriser de manière significative les avantages d’obtenir un diplôme avec une moyenne de A.
M. Sjåstad pense que l’effet “raisin sec” pourrait influencer la motivation des personnes dans de nombreux domaines de la vie. Si vous passez un mauvais entretien d’embauche pour le poste de vos rêves, vous pourriez décider que tout compte fait, vous n’aviez pas vraiment envie de travailler dans ce domaine après tout, et vous cesserez de postuler pour des postes similaires. Il en va de même si vous ne brillez pas lors d’une épreuve sportive ou si un éditeur rejette la première version de votre manuscrit.
Il peut être tentant d’expliquer nos lacunes et de rejeter la faute sur quelqu’un ou quelque chose d’autre, en essayant de nous convaincre que notre “plan C” était en fait notre “plan A” depuis le début”, explique-t-il.
Sjåstad ne prétend pas que nous devons nous entêter dans tous nos objectifs, ni tout le temps ; il peut être sain de relativiser certaines de ses ambitions et de changer de cap si le processus ne nous rend plus heureux. Mais l’effet “raisin amer” peut nous amener à prendre cette décision de manière hâtive ou prématurée, dit-il, au lieu de voir si nous pouvons apprendre de cet échec et nous améliorer.
L’”effet autruche”
La dévalorisation de la source de notre déception n’est qu’un moyen parmi d’autres pour que notre esprit évite de faire face à l’échec de manière constructive ; un autre mécanisme d’adaptation consiste à se cacher la tête dans le sable, en détournant notre attention de la situation contrariante afin de ne pas avoir à la traiter.
Les chercheurs savent depuis longtemps que nous fermons souvent les yeux sur les mauvaises nouvelles qui nous parviennent. Selon une série d’études récentes menées par Lauren Eskreis-Winkler, professeur adjoint de gestion et d’organisation à l’université Northwestern (États-Unis), et Ayelet Fishbach, professeur de sciences du comportement et de marketing à la Booth School of Business de l’université de Chicago, ce phénomène, appelé “effet autruche”, pourrait être un exemple d’une tendance beaucoup plus large qui consiste à ne pas tenir compte des informations négatives.
Une grande partie de leur recherche s’est concentrée sur un dispositif expérimental appelé “jeu de l’échec”. On présente aux participants des paires de symboles ressemblant à des hiéroglyphes, par exemple, et on leur demandait de deviner lequel représentait un animal. Après avoir donné leur réponse, ils devaient dire s’ils avaient raison ou tort. Comme il n’y avait que deux choix possibles, l’une ou l’autre forme de rétroaction – positive ou négative – aurait dû les aider à apprendre la bonne réponse, afin qu’ils puissent obtenir de meilleurs résultats lors d’un test ultérieur.
La plupart des participants ont réussi à se souvenir des bonnes réponses. Il est toutefois étonnant de constater qu’ils n’ont pas su tirer de leçons des mauvaises réponses et qu’ils n’ont pas obtenu de meilleurs résultats que par hasard sur ces questions. “Souvent, les gens n’apprenaient rien”, explique M. Fishbach.
Pour comprendre, les chercheurs ont demandé à un autre groupe de participants de regarder les réponses de quelqu’un d’autre lors d’une partie du jeu “Facing Failure” (Face à l’échec). Dans ces cas, les “observateurs” semblaient parfaitement capables de déduire les bonnes réponses des mauvaises réponses de l’autre joueur et de s’en souvenir par la suite. “Cela suggère que la tâche n’est pas si difficile, d’un point de vue cognitif”, déclare Fishbach. En revanche, il semble que ce soit le sentiment de s’être trompé qui constitue un obstacle à l’apprentissage pour les personnes jouant au jeu. Plutôt que d’affronter l’erreur, les participants qui s’étaient trompés relâchent leur attention, sans retenir la bonne réponse.
Eskreis-Winkler et Fishbach ont maintenant déployé le jeu Facing Failure dans de nombreux contextes différents. Dans chaque cas, les participants étaient parfaitement capables de se souvenir de leurs succès, mais n’ont pratiquement rien appris de leurs erreurs. Fishbach évoque ces résultats sur un ton léger, mais estime qu’ils représentent un défi sérieux pour notre développement personnel. “Je ris parce que je fais cette recherche depuis un certain temps, mais c’est assez déprimant”, admet-elle néanmoins.
Échouer de manière constructive
Heureusement, les recherches menées par Fishbach avec Eskreis-Winkler suggèrent qu’il existe des stratégies pour surmonter ces barrières émotionnelles qui empêchent d’affronter l’échec.
La première est un processus appelé “auto-distanciation”, qui consiste à adopter le point de vue d’une tierce personne. Au lieu de se demander “Pourquoi ai-je échoué ?”, cela consiste à se poser la question “Pourquoi David a-t-il échoué ?”, par exemple. De nombreuses études menées par le psychologue Ethan Kross de l’université du Michigan montrent que l’auto-distanciation contribue à atténuer nos réactions émotionnelles négatives, ce qui nous permet de considérer les événements bouleversants avec plus d’objectivité. Dans le cas présent, cela signifie que l’échec semble moins menaçant pour l’ego, de sorte que nous pouvons mieux analyser les raisons de cette déception – sans avoir de rancune ou nous cacher la tête dans le sable sur la défensive.
Une deuxième stratégie consiste à donner des conseils à d’autres personnes qui pourraient se trouver dans la même situation que vous, ce que Eskreis-Winkler et Fishbach ont testé avec Angela Duckworth, professeur de psychologie à l’université de Pennsylvanie. Ils ont constaté que la satisfaction d’aider une autre personne stimule l’ego, de sorte que les gens se sentent plus confiants pour faire face à leurs propres échecs. “Cela oblige les gens à s’intéresser à leur expérience et à ce qu’ils ont appris”, explique Mme Fishbach.
Sjåstad souligne que les échecs font inévitablement partie de la vie. “Si vous n’échouez jamais, vous visez probablement trop bas”, dit-il. En apprenant à faire face aux déceptions et à en tirer des leçons, il est possible que le chemin vers la réussite soit un peu plus facile à parcourir.
Source : BBC – David Robson, rédacteur scientifique
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