Qui est Gary Cohn, l’homme en pole position pour diriger la Fed ?
Gary Cohn, le chef économiste de la Maison-Blanche, cherche un successeur à Janet Yellen, la présidente de la Fed, à la demande du président américain Donald Trump. Et il se pourrait bien que l’ancien banquier de Goldman Sachs en arrive à se choisir lui-même.
“J’ai un job en or au service du président. C’est un rêve qui s’est réalisé. ” Une telle affirmation est un peu étrange venant d’une personne sur le point de changer d’emploi. Pourtant, les observateurs sont de plus en plus nombreux à voir Gary Cohn en pole position pour succéder en février prochain à Janet Yellen à la tête de la banque centrale américaine. ” Le job est pour Gary s’il le veut, et je pense bien qu’il le veut “, a déclaré une source autorisée au site Politico, généralement bien informé.
Ce choix serait pour le moins remarquable, surtout parce que c’est à lui-même qu’il appartient de le faire. Le président Donald Trump a en effet demandé au chef du National Economic Council, autrement dit le chef économiste de la Maison-Blanche, de mener la recherche d’un président potentiel pour la Réserve fédérale (Fed), même s’il n’est pas encore sûr que Janet Yellen doive céder sa place.
Une porte de sortie honorable
Gary Cohn détonne dans l’entourage de Donald Trump, puisqu’il est un démocrate convaincu. Plusieurs hypothèses circulent quant aux raisons qui ont amené ce banquier d’affaires de 56 ans à troquer Goldman Sachs contre la Maison-Blanche. Comme il présidait déjà le conseil d’administration de la banque d’investissement, il paraissait en bonne place pour succéder à Lloyd Blankfein, le CEO de Goldman Sachs. Mais ce dernier, véritable légende vivante de Wall Street, ne semblait pas pressé de débarrasser le plancher. Il se dit que Gary Cohn en avait eu assez d’attendre. Selon d’autres rumeurs, il aurait essayé de profiter de l’absence de Lloyd Blankfein, qui souffrait d’un cancer, pour prendre le pouvoir, mais il n’aurait pas été suffisamment appuyé par le management de l’iconique banque d’affaires. Quoi qu’il en soit, la Maison-Blanche lui a offert une sortie honorable.
Un ancien collègue a confié récemment à Vanity Fair que Gary Cohn était parti à Washington investi d’une mission : préserver le pays des calamités. Une guerre commerciale ouverte avec la Chine ou l’Europe, par exemple. Ou encore la suppression intempestive de l’Obamacare, la loi sur l’assurance maladie. Le site d’info nationaliste d’extrême droite Breitbart, dirigé autrefois par Steve Bannon, le chef de la stratégie de Trump, y a vu l’occasion de salir le blason de Gary Cohn. Ce dernier serait aussi un proche du beau-fils du président, Jared Kushner, qui souhaiterait empêcher que Donald Trump mette en oeuvre son agenda nationaliste d’extrême droite.
Le job est pour Gary s’il le veut, et je pense bien qu’il le veut.
Les raisons qui pousseraient Gary Cohn à quitter la Maison-Blanche après à peine six mois ne sont pas claires. D’après les mauvaises langues, il craindrait que la présidence de Trump ne mène à rien. Pas plus tard que la semaine dernière, le Sénat a rejeté l’alternative à l’Obamacare, et on craint à présent que d’autres investissements et réductions d’impôts connaissent le même sort. C’est pourquoi Gary Cohn préférerait retirer son épingle du jeu.
Pour la deuxième fois en moins d’un an, sa désignation à la tête de la Fed lui offrirait une issue élégante. Et à partir de sa position d’homme le plus puissant du monde financier, il pourrait même surveiller celui qui le maintenait dans l’ombre chez Goldman Sachs. Notons qu’avec Gary Cohn, Mario Draghi et Mark Carney à la barre des banques centrales américaine, européenne et britannique, la quasi-totalité de la jungle financière serait placée sous la surveillance d’hommes ayant appris les ficelles du métier, y compris les moins reluisantes, chez Goldman Sachs.
Un bilan surdimensionné
Gary Cohn a le profil idéal pour la banque d’affaires la plus puissante du monde. Petit-fils d’immigrants juifs venus d’Europe de l’Est, il a dû travailler dur pour faire carrière, d’autant qu’il souffre de dyslexie. On dit que c’est son bagout qui lui a permis de décrocher une place sur le parquet de la Bourse, alors qu’il n’y connaissait rien au négoce des options. Passé chez Goldman, il y a gravi tous les échelons l’un après l’autre. Pour la fonction suprême à la Fed, par contre, le profil de Gary Cohn est nettement moins adéquat. Pour la première fois en 40 ans, les rênes de l’économie américaine ne seraient pas tenues par un économiste.
La décision de les confier à Gary Cohn revient à Donald Trump. Pendant sa campagne électorale, le candidat républicain avait accusé Janet Yellen de favoriser les démocrates avec sa politique de faibles taux. Mais une fois investi, il a loué la qualité de son travail. Qui que soit le futur président de la Fed, il (ou elle) n’aura pas la tâche facile. La banque centrale devra trouver une manière de dégonfler son bilan qui, après des années de politique de stimulation, atteint des proportions gigantesques. De plus, l’économie est en expansion depuis huit ans. La probabilité existe donc que la Fed doive relever les taux rapidement en cas de risque de surchauffe, ce qui pourrait semer la panique sur les marchés.
La semaine dernière, Goldman Sachs a publié des résultats trimestriels décevants dus surtout à la faiblesse des revenus commerciaux réalisés sur des marchés peu actifs. Gary Cohn, dont on connaît la fibre philanthropique, pourrait donc faire un beau cadeau à ses anciens collègues en provoquant des remous sur les marchés. Peut-être qu’après sa présidence à la Fed, la porte s’ouvrira alors également dans l’autre sens.
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