Contrairement à une opinion largement répandue, ce ne sont pas les banques centrales qui créent la monnaie, mais bien les banques commerciales. En d’autres termes, ce sont des entreprises qui fabriquent elles-mêmes leur matière première.
Bien sûr, la monnaie n’est pas un phénomène spontané et l’amorce des banques centrales est nécessaire. Ces dernières fournissent une indication en matière de taux d’intérêt et permettent aux banques commerciales de se refinancer auprès d’elles, raison pour laquelle elles sont qualifiées de “prêteurs en dernier ressort”. Les banques centrales créent donc de la monnaie, mais uniquement à titre supplétif. D’ailleurs, leur création monétaire est infime par rapport à celle des banques commerciales.
La création monétaire des banques commerciales fonctionne grâce à ce que les économistes qualifient de “multiplicateur des crédits” ou de ce que les Anglais désignent par l’adage “Loans make deposits”. Ce mécanisme conduit à ce qu’un dépôt auprès d’une banque commerciale soit reprêté par cette dernière à un autre agent économique. Celui-ci utilisera la monnaie empruntée pour effectuer des transactions qui finiront par devenir des dépôts dans d’autres banques, lesquelles reprêteront l’argent à de nouveaux emprunteurs, etc. Le multiplicateur de crédit est de l’ordre de 10 à 20 : un euro en devient de 10 à 20.
Cette multiplication des opérations de crédit crée un flux monétaire instantané dont la vitesse peut augmenter ou ralentir en fonction de différentes exigences réglementaires. Le rôle des banques commerciales consiste d’ailleurs, de manière contre-intuitive, à accélérer la “déthésaurisation” de la monnaie qui leur est confiée. En incitant à la “déthésaurisation”, les banques transforment un stock de monnaie en un flux qui traverse l’économie.
Une communauté nécessaire La création de monnaie a besoin d’une communauté de banques commerciales pour fonctionner : une banque seule ne pourrait l’activer. Chaque institution contribue donc à la création monétaire, ce qui conduit certaines d’entre elles à devenir systémiques, c’est-à-dire à jouer un rôle incontournable dans la création monétaire. La faillite de banques systémiques s’assimilerait à une rupture du flux monétaire, ce qui aurait des effets immédiats sur l’économie réelle.
Comme les banques commerciales n’existent que par le réseau qu’elles constituent, on comprend pourquoi il importe d’entretenir une concurrence suffisante dans ce secteur, pourtant naturellement oligopolistique. Si le nombre de banques se rétrécissait excessivement, cela conduirait à faire reposer progressivement la création monétaire sur les banques centrales. Ces dernières dépasseraient alors le rôle de prêteur en dernier ressort pour devenir l’animateur d’un marché interbancaire. Cette situation correspondrait à une nationalisation du crédit et de la création monétaire, qui ne serait plus tempérée par les règles de l’économie marchande de l’offre et de la demande de crédit.
La base monétaire dépend donc de la variation du crédit bancaire. Un des freins au dispositif est le niveau des capitaux propres des banques commerciales qui oblige, chaque fois qu’un crédit est octroyé, à en geler une quote-part.
Les actionnaires privés des banques sont, quant à eux, des passagers “clandestins” de la création monétaire. Ils prennent le risque d’absorber les premières pertes du système bancaire avec l’espoir d’en engranger une fraction des bénéfices. En même temps, si les actionnaires privés supportent les premières pertes, ils ne sont jamais obligés de combler le passif, c’est-à-dire d’apporter des capitaux propres complémentaires en cas d’insuffisance. En effet, ce n’est que lorsque les actionnaires auront perdu l’entièreté de leur patrimoine que les déposants seront impactés négativement, pour ne récupérer qu’une partie de leur épargne. C’est le principe de la société de capitaux à responsabilité limitée.