Willy Claes sur le “choc Trump”: “Ça me rend malade”

Willy Claes © Belga

Willy Claes a connu Helmut Kohl, François Mitterrand et Bill Clinton, un monde occidental jouissant de la protection bienveillante de Washington. L’ex-Secrétaire général de l’Otan, s’alarme du spectaculaire revirement anti-européen des Etats-Unis de Donald Trump, sur fond de menace russe.

Sur le conflit en Ukraine, les droits de douane, ou avec leurs marques de soutien à des partis d’extrême droite anti-UE comme l’AfD en Allemagne, les nouveaux dirigeants américains ne cessent de le surprendre depuis deux mois. “Leur dédain est incroyable”, confie ce natif d’Hasselt dans un entretien avec l’AFP. “Qu’ils en arrivent à une attitude vraiment anti-européenne et se montrent solidaires des Russes au détriment des alliés de toujours, je ne parviens pas à comprendre, ça me rend malade”, lâche le socialiste flamand de 86 ans, rencontré à son domicile en province du Limbourg. 

Figure du parti socialiste flamand, qu’il a présidé dans les années 1970, Willy Claes avait été désigné à la tête de l’Otan en 1994 après avoir siégé dans de nombreux gouvernements en Belgique, notamment aux Affaires étrangères. Mais son monde s’écroule en octobre 1995: il est poussé à la démission en raison de sa mise en cause dans un scandale de corruption lié à un contrat d’achat d’hélicoptères de combat pour l’armée belge.

Le sommet de l’Alliance fin juin sera le moment de vérité

L’affaire Agusta/Dassault lui vaut une condamnation à de la prison avec sursis en 1998. Trois décennies plus tard, ce conseiller municipal d’ Hasselt reste passionné de géopolitique mondiale, et mêle ses réflexions à quantité d’anecdotes sur les dirigeants célèbres qu’il a côtoyés. Concernant l’avenir de l’Otan, Willy Claes dit “attendre avec impatience” le prochain sommet de l’Alliance fin juin à La Haye, qui sera selon lui le moment de vérité. “On saura si oui ou non les Etats-Unis ont l’intention de respecter les engagements faits depuis la création (de l’organisation en 1949).” Le Belge suggère de “travailler à une autonomie plus prononcée des Européens” dans la prise de décision au sein de l’Otan. Mais reconnaît aussi qu’au sein même du Vieux Continent l’unanimité est une gageure, car “certains pays préfèrent le dialogue avec Moscou”.

“Comment organiser des décisions confidentielles dans l’armement avec des partenaires comme la Hongrie, la Slovaquie et même la Turquie ?”  A l’époque de Willy Claes, l’Otan ne comptait que seize Etats membres contre 32 aujourd’hui. Les pays de l’ex-bloc de l’Est n’ont rejoint l’organisation qu’en 1999 (Hongrie, Pologne, Tchéquie), puis 2004 pour sept autres dont les trois pays baltes.

George W. Bush a commis une erreur en 2008

La Russie de Vladimir Poutine a présenté son invasion de l’Ukraine en 2022 comme en partie liée aux déploiements de l’Otan à ses frontières, ce que les Occidentaux ont contesté en l’accusant de visées expansionnistes.  Pour Willy Claes, c’est l’américain George W. Bush qui a commis une erreur en 2008 en promettant à l’Ukraine et à la Géorgie, “sans préparation diplomatique”, qu’ils rejoindraient un jour l’Otan. “Poutine a réalisé qu’on s’approchait trop de ses frontières”. Cet été-là, une guerre-éclair oppose la Russie et la Géorgie, aboutissant à la reconnaissance par Moscou de deux républiques séparatistes prorusses.

Barack Obama, l’auteur d’un autre faux pas

En 2013, autre président américain, autre faux pas aux yeux du Belge: Barack Obama renonce à ordonner des frappes aériennes sur la Syrie malgré l’usage d’armes chimiques par le régime Assad contre les rebelles. “Obama s’est trompé, il a donné un signal de faiblesse à Poutine. C’est là que le Kremlin s’est dit +c’est le moment de s’y mettre+”. Aujourd’hui, Willy Claes juge peu probable l’agression par Moscou d’un autre voisin de son ancienne sphère d’influence.

Selon lui, “l’armée russe est très affaiblie” par la guerre en Ukraine. “Mais je ne vous cache pas mes inquiétudes sur l’armement nucléaire. Les armes sont miniaturisées et plus faciles à utiliser qu’il y a trente ans”, prévient-il.  “Il faut restaurer d’urgence le dialogue entre grandes puissances sur le contrôle de cet armement, et si possible sur le désarmement. L’humanité toute entière court un risque sérieux”.

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