“Une imposture” : l’opposition étrille un budget wallon qui réserve quelques surprises

Germain Mugemangango (PTB), Chritie Morreale (PS), Stéphane Hazeé (Ecolo) - Belga Images
Baptiste Lambert

Le budget 2025 est discuté au Parlement wallon. Chaque ministre est auditionné en commission pour livrer les détails de sa politique. Adrien Dolimont (MR), le ministre-président, a notamment fait face à une opposition incisive, ce mardi. Christie Morreale (PS) n’a pas hésité à parler “d’imposture” pour qualifier le budget.

Décidément, ce budget 2025 aura fait grand bruit. En octobre dernier, le gouvernement wallon avait fait l’objet de vives critiques pour avoir présenté ce dernier juste après les élections communales. L’opposition accusait l’exécutif de dissimuler des cadavres dans le placard, tout en présentant immédiatement aux électeurs les réformes favorables des droits d’enregistrement et de succession.

Finalement, aucune grosse surprise n’apparaissait dans ce budget. Chaque structure publique était appelée à se serrer la ceinture, quel que soit le secteur : la fonction publique, l’emploi, les aides aux entreprises, les aides facultatives aux ASBL ou encore les coûts de fonctionnement. La trajectoire était connue : revenir à l’équilibre budgétaire d’ici 2029.

Par contre, le chemin pour y arriver était beaucoup plus incertain. D’ailleurs, le solde SEC à financer – la norme budgétaire qui prévaut au niveau européen – se détériorait la première année, de 2,209 milliards d’euros à 2,287 milliards. Soit une détérioration de 78 millions d’euros, ce qui était largement passé inaperçu en octobre dernier.

“Le pire est à venir”

Ce mardi, le budget était discuté en détail au Parlement. Chaque ministre était amené à présenter les chiffres de sa politique. Adrien Dolimont a fait face à une opposition expérimentée : l’ancienne ministre wallonne de la Santé, Christie Morreale (PS), le chef de groupe Ecolo, Stéphane Hazée, et le chef de groupe PTB, Germain Mugemangango, notamment.

La socialiste a immédiatement attaqué là où ça fait mal. Elle a pointé la détérioration budgétaire pour 2025, tout en regrettant l’absence de détails, année par année, politique par politique, qui seraient venus valider la trajectoire budgétaire. “Le contraste de transparence et de sérieux est flagrant avec le Gouvernement flamand“, a asséné Morreale, en brandissant le document de l’exécutif flamand. Ce dernier a été présenté “dès le lendemain de sa constitution” avec “une trajectoire détaillée, politique par politique, avec un plan d’actions clair, et des moyens identifiés chaque année pour concrétiser leur objectif budgétaire”. C’est tout à fait exact, mais on peut toutefois relever que ça n’a jamais vraiment été le cas par le passé au sud du pays. Ce n’est pas dans les habitudes wallonnes.

Par ailleurs, la socialiste regrette que les 268 millions d’euros d’efforts budgétaires pour 2025 ne servent qu’à alimenter une réforme des droits d’enregistrement “injuste” qui est “une occasion manquée. Et au vu de la détérioration budgétaire pour 2025, “le plus dur de l’effort reste à venir” : “Prétendre pouvoir réduire en 5 ans un déficit de près de 2.3 milliards, soit 10 % des dépenses, sans austérité, sans casse sociale, sans taxe et avec des politiques nouvelles était déjà peu crédible. Mais prétendre pouvoir le faire en 4 ans, c’est une imposture.”

Mis à part la réforme fiscale, la députée ne voit qu'”aucune impulsion nouvelle” : “rien pour la réindustrialisation”, “rien pour les PME”, “rien pour les commerces”, “rien pour la création d’emplois”, “mais 15 millions d’euros en moins pour les aides économiques, 45 millions en moins pour Wallonie entreprendre, 25 millions en moins pour le fond bas carbone, 5 millions en moins pour l’économie sociale.”

“La coalition Bleu pétrole”

Stéphane Hazée a également pointé le creusement du déficit pour 2025, “alors qu’il n’avait cessé de diminuer depuis 2021, lors de son pic, à 3 milliards d’euros”. C’est “étonnant par rapport au message officiel qui est véhiculé”, a ajouté le député. Qui plus est quand les recettes augmentent : “C’est le cas des transferts institutionnels et des centimes additionnels.”

“L’un de vos ministres (François Desquesnes, ndlr.) parle de scénario à la Grecque” si rien n’est fait au niveau budgétaire. “Mais est-ce que vous pensez vraiment que la Grèce aurait adopté, à l’époque, une baisse des recettes fiscales de 700 à 800 millions d’euros ?”, ironise le député à propos de la baisse des droits d’enregistrement (470 millions d’euros) et de la baisse des droits de succession à venir (350 millions d’euros), à partir de 2028.

En outre, l’écologiste estime que “les enjeux écologiques deviennent tout à fait périphériques”. Dans son rôle, le député juge que le gouvernement “Bleu pétrole” n’affiche “aucune ambition climatique”, “des moyens en moins pour les transports en commun (plus de 35 millions d’euros selon la Cour des comptes)” et “des primes énergies réduites de 30%.”

De son côté, Germain Mugemangango (PTB) accuse le gouvernement wallon “de jouer sur les peurs”, “de faire de l’austérité”, ce qui créera “des dettes d’infrastructure, des dettes sociales et environnementales”. Il rappelle que même Mario Draghi – “qu’on ne peut pas accuser d’être communiste” – plaide pour investir 800 milliards d’euros chaque année au niveau européen : “Vous, vous choisissez d’économiser avant évaluation. C’est un choix dogmatique et pas de la bonne gestion. Ce sont des choix politiques.”

Les surprises

La première mauvaise surprise est venue des rangs de l’exécutif. Cécile Neven (MR) a mis en garde contre “une bulle budgétaire incontrôlable”. La ministre de l’Énergie fait référence aux primes rénovation et énergie. Le précédent gouvernement a laissé une ardoise de l’ordre de 318 millions d’euros à reporter sur le budget 2025, a-t-elle indiqué. Et les estimations font état d’au moins 205 millions d’euros pour l’année prochaine. Soit un trou d’un demi milliard d’euros à combler. Cécile Neven entend réformer de fond en comble un système “inefficace” qui a pris “beaucoup de retard”.

L’opposition a également relevé plusieurs autres surprises. Comme la baisse de la taxe de mise en circulation sur les voitures électriques estimée à 10 millions d’euros par la Cour des comptes. “À nouveau, une mesure fiscale qui ne profitera qu’à une infime minorité des Wallons. Moins de 1% du parc automobile aujourd’hui, puisque l’achat d’une voiture électrique restera inaccessible à la plupart des Wallons”, a fustigé Chritie Morreale. Mais l’exécutif wallon se défend : c’est une manière de corriger la réforme de la TMC, du précédent gouvernement, qui pénalisait les véhicules puissants et lourds, ce qui englobait les véhicules électriques.

La socialiste est encore plus dubitative concernant le choix d’investir 345 millions d’euros sur les voies hydrauliques, notamment pour la modernisation de 4 écluses. “Alors que l’Europe a refusé de le financer, qu’une étude indépendante a jugé « peu relevant pour le PIB wallon » et que l’Inspection des finances a qualifié «d’insoutenable » pour les finances régionales. Bonjour la culture de l’évaluation ! Sans parler du financement d’aménagement de gares à la place d’Infrabel pour 32 millions. Quelle est la logique ?”

La socialiste, visiblement bien préparée, était très en verve : “Ce premier exercice budgétaire aura eu au moins un mérite : celui d’éclairer douloureusement l’imposture de votre discours. Non, vous n’arrivez pas à combiner suppression du déficit, politiques nouvelles, réformes fiscales pour les plus riches, absence de taxe sans imposer l’austérité aux citoyens et aux acteurs de la vie socio-économique, sans briser les perspectives de relance pour notre Région.”

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