La Belgique doit rénover massivement ses logements pour atteindre ses objectifs climatiques. Mais une grande partie des ménages n’a pas les moyens de financer ces travaux. Le nouveau rapport du Conseil supérieur des finances (CSF) rappelle l’ampleur du problème. Et il montre que les incitants fiscaux actuels ne suffisent pas à enclencher une véritable dynamique.
En Wallonie, plus d’un logement sur deux affiche un mauvais score énergétique. Selon les chiffres repris dans le rapport, 54,5 % du parc résidentiel est classé E, F ou G. Ces habitations consomment beaucoup et nécessitent souvent des rénovations lourdes pour atteindre les normes européennes.
La Flandre est un peu mieux lotie, mais le défi reste similaire. À Bruxelles, la situation est plus contrastée, avec un parc plus ancien et plus cher à rénover.
Les ménages ne suivent plus
Le CSF cite plusieurs études. Toutes convergent vers le même constat : une part importante des propriétaires ne peut pas assumer les coûts d’une rénovation énergétique complète.
Les chiffres sont frappants :
- 36 % des propriétaires bruxellois n’ont pas les moyens d’atteindre un label C+.
- 40 % en Flandre.
- 50 % en Wallonie.
Les rénovations lourdes sont souvent estimées entre 65.000 et 80.000 euros par logement. Pour de nombreux ménages, c’est hors de portée. Selon le Conseil central de l’économie, 73 % des ménages considèrent le coût comme un obstacle majeur.
Un taux de rénovation trop faible
Malgré l’urgence climatique, les rénovations profondes restent marginales.
Dans les trois Régions, le taux de rénovation est estimé à 1 % du parc par an, un rythme jugé bien trop faible.
Les incitants fiscaux ne suffisent pas à déclencher un mouvement massif. Beaucoup de propriétaires ne veulent pas s’endetter. D’autres ne comprennent pas les démarches. Certains ne savent pas par où commencer.
Or pour atteindre les objectifs européens, il faudrait au moins doubler le taux de 1%.
Les obligations ne suffisent pas non plus
La Flandre impose depuis 2023 une rénovation obligatoire pour les logements achetés avec un score E ou F. L’objectif est de les porter au minimum à D dans les cinq ans.
Mais selon les premières analyses, l’impact sur les prix et le volume des ventes reste limité. Le marché avait déjà intégré le besoin de rénovation dans les prix.
Sans aides massives, ces obligations risquent surtout d’écarter les ménages modestes du marché immobilier.
Les anciennes mesures fiscales ont raté leur cible
Le rapport revient aussi sur les dispositifs fiscaux du passé. Entre 2004 et 2014, la réduction d’impôt pour économies d’énergie a coûté très cher. Mais elle a surtout profité aux ménages aisés : 65 % de la dépense fiscale était captée par les deux déciles les plus riches.
Autrement dit, les ménages qui auraient pu rénover sans aide ont été les principaux bénéficiaires.
Les primes régionales
Le rapport du CSF ne traite pas les primes à la rénovation, car elles relèvent des Régions. Il rappelle toutefois que les aides directes sont essentielles pour compléter les mesures fiscales.
En Wallonie, le système actuel a été revu après une dérive budgétaire importante : plus de 674 millions d’euros de dépassement attendus en 2025. La Région a donc réduit les montants et lancé une réforme pour stabiliser le dispositif. À Bruxelles, le système a carrément été mis sur pause.
Comment débloquer la situation ?
Le CSF trace une piste claire :
- éviter les incitants qui profitent surtout aux ménages aisés.
- combiner les incitants fiscaux avec des aides directes (primes) et des prêts à taux réduit.
- soutenir les ménages à faible capacité d’endettement.
Le rapport souligne aussi l’intérêt de rénovations par quartier, inspirées de modèles allemands. Ce type d’approche réduit les coûts, simplifie les démarches et accélère le rythme.
Le risque social est réel. Les logements mal isolés sont occupés en proportion plus importante par des ménages modestes. Sans aide ciblée, ces ménages pourraient se retrouver face à une double peine, avec des factures d’énergie plus élevées et des obligations de rénovation impossibles à financer.
Le CSF lance donc un avertissement politique : la transition énergétique ne pourra réussir que si elle est socialement supportable.