Accord de gouvernement : “Entre les ambitions mises sur la table et leur financement, il y a un mismatch”
Professeur à la Solvay Brussels School, Marek Hudon voit dans l’accord de gouvernement bouclé entre le MR et Les Engagés une réelle volonté de faire bouger les lignes dans plusieurs secteurs clés comme l’économie et l’enseignement. Reste “la question de sa faisabilité sur le plan budgétaire et financier”, commente-t-il.
Que vous inspire l’accord du gouvernement wallon présenté hier?
Il n’échappe pas au principe d’une déclaration de politique. Ce sont des lignes directrices qui encadrent ce qui se passera dans les prochaines années. Il ne faut pas s’imaginer que tout ce qui est présenté va se concrétiser et à l’inverse pourraient se réaliser certaines choses qui n’y figurent pas. Des politiques fortes ont été menées lors de la dernière législature sans être fort présentes dans la déclaration de politique régionale (DPR), notamment en matière d’économie sociale. A l’inverse, des éléments forts de la précédente DPR ont abouti à peu d’actions. Cela étant, il s’agit d’une déclaration volontariste qui vise à faire bouger les lignes dans plusieurs secteurs clés comme l’enseignement et l’économie. Elle n’hésite pas à briser plusieurs tabous, comme la question des réseaux dans l’enseignement qui sont des éléments très structurants dans le fonctionnement de la Wallonie. Après, il y a pas mal de domaines où les choses restent à détailler et où on reste sur sa faim.
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Concrètement, quels sont les grands points positifs pour les entreprises, selon vous?
Il y en a plusieurs. D’abord, la simplification administrative, qui est une ambition partagée par l’ensemble des acteurs en Wallonie, y compris les acteurs économiques. Ce n’est pas complètement nouveau. Pensons aux priorités des ministres De Croo et Van Quickenborne au niveau fédéral. Mais la place qu’occupe cette simplification administrative dans la DPR est par contre assez nouvelle. Le soutien entrepreneurial fait également partie des éléments positifs de l’accord (différentes mesures originales, mobilisation de fonds, etc.). Beaucoup d’éléments visant à faire évoluer les mentalités ressortent pour répondre à un besoin de dynamisme. On peut aussi se féliciter de voir apparaître dans cette DPR une section consacrée à l’économie sociale (coopératives, asbl, etc.) qui représente 12% de l’emploi en Wallonie. Une véritable stratégie régionale en la matière était nécessaire.
Et du côté des points négatifs?
Il y a un grand flou au niveau du financement de cette DPR. Combien la Région wallonne va-t-elle devoir épargner ? Ce n’est pas clair. Ce qui est sûr par contre, c’est qu’il va y avoir de grosses coupes budgétaires imposées par le dérapage de la dette wallonne et les nouvelles règles européennes. Surtout qu’il va falloir financer une réduction d’impôt globale, une diminution des droits de succession, etc. Quid des engagements européens sur des sujets sociétaux ? La question climatique, comme le maintien du cap en matière de réduction des émissions de CO2, va aussi demander une augmentation des budgets. Certes, la fusion des réseaux dans l’enseignement va permettre de dégager des économies d’échelle. Mais celles-ci mettront du temps à se matérialiser. La quadrature du cercle du budget sera une gageure. Entre les ambitions mises sur la table et leur financement, il y a un mismatch.
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