L’UWE dessine l’avenir industriel de la Wallonie
Elle a élaboré un plan fort de 47 propositions, pour dynamiser l’activité industrielle. Un objectif, selon elle, incontournable pour réussir la transition, retrouver une relative souveraineté économique et garantir notre prospérité. Coup de projecteur sur quelques-unes de ces propositions, avec le regard de la PME Isohemp, active dans les matériaux de construction durable.
Vous voulez contribuer à la réindustrialisation de la Wallonie ? Investissez peut-être dans une chanvrière. Il n’en existe aucune en Belgique et le fabricant namurois de blocs isolants en chanvre, Isohemp, doit importer sa matière première de France (Champagne). Dommage pour cette PME namuroise en plein boum (son chiffre d’affaire devrait doubler cette année à 8 millions d’euros), qui a réussi à s’imposer en quelques années comme leader européen dans son créneau de niche et qui verrait d’un bon œil un petit cluster émerger autour d’elle. On vous en parle parce que l’Union wallonne des entreprises a choisi les locaux d’Isohemp à Fernelmont pour présenter ce jeudi son position paper sur l’industrie wallonne. Elle avance 47 propositions susceptibles, selon l’UWE, de remonter la part de l’industrie dans le PIB régional de 12 à 20% à l’horizon 2030.
Isohemp illustre en effet très bien plusieurs des thématiques mises en avant par la fédération patronale. A commencer par ce souci régulièrement évoqué d’améliorer l’image de l’industrie dans la société wallonne. « On a parfois l’impression que le monde industriel est encore considéré comme un secteur polluant, avec des métiers peu qualifiés, concède Olivier de Wasseige, le CEO de l’UWE. Or, l’industrie génère non seulement de la valeur ajoutée mais aussi du sens. Elle fait partie de la transition, elle apporte des solutions. Nous voulons que cette image percole chez les jeunes, chez leurs enseignants, chez leurs parents. » Avec sa neutralité carbone, son matériau naturel et la finalité de son produit (l’isolation des bâtiments), Isohemp affiche de jolis arguments pour contribuer à cette évolution dans le regard des gens envers l’industrie. Sa nouvelle usine, inaugurée en 2021, peut produire 5 millions de blocs isolants par an et une seconde pourrait être implantée en France d’ici 2026.
Un tax shelter industriel?
L’UWE réitère ensuite une série de revendications classiques du banc patronal, concernant la maîtrise des coûts salariaux : remise à plat « sans tabou » de l’évolution des rémunérations selon l’ancienneté, réforme de l’indexation automatique des salaires (« le mécanisme pourrait être plus redistributif et ne pas s’appliquer de manière linéaire aux plus hauts salaires », glisse le président Pierre Mottet), utilisation du levier fiscal pour faire sauter des pièges à l’emploi pour les bas salaires, oubli de toute « créativité fiscale » qui pénaliserait les investissements dans l’intelligence artificielle ou la robotisation et maintien de l’exonération de précompte professionnel pour les chercheurs. « Notre matière première, ce sont les cerveaux, précise Olivier de Wasseige. Cela n’aurait aucun sens de vouloir taxer un tel élément d’attractivité et de potentiel d’innovation. »
C’est ici que nous retrouvons Isohemp et ses produits innovants. « Nous avons pu bénéficier des soutiens publics pour la R&D, explique Olivier Beghin, CEO et cofondateur de l’entreprise. Ce fut un élément important pour notre développement. » Un développement toujours bien en cours puisque Isohemp, qui a déjà investi vingt millions en dix ans, ambitionne de continuer à grandir pour quintupler sa production d’ici 2030. La PME devra peut-être lever des fonds pour atteindre ses objectifs. L’UWE lui suggère une petite idée à ce propos : se tourner vers l’épargne privée. Elle plaide en effet pour l’instauration d’un tax shelter industriel, qui accorderait un avantage fiscal aux citoyens qui investiraient une partie de leur épargne dans des projets industriels.
Trouver la main d’oeuvre… et les terrains
Les projets de croissance d’Isohemp devrait porter les effectifs de 40 personnes aujourd’hui à 100 ou 120 à la fin de la décennie. Le CEO l’admet, le recrutement n’est pas toujours très simple en Wallonie, même pour une entreprise reprise parmi les 1000 solutions pour le climat de la fondation Solar Impulse et qui devrait donc séduire les candidats en quête de « sens ». Dans le plan de l’UWE, ce n’est pas une centaine mais 35.000 emplois industriels qui seraient créés en augmentant le poids de l’industrie dans le PIB wallon. Et il faut y ajouter l’impact sur les sous-traitants et les sociétés de service. Pour trouver la main d’œuvre, l’UWE plaide pour un renforcement des politiques d’activation de demandeurs d’emploi, en particulier pour les métiers en pénurie, qui sont nombreux dans l’industrie. La formation des futurs travailleurs fera l’objet d’un autre position paper de l’UWE au 3e trimestre mais on sait d’ores et déjà qu’il misera entre autres sur la sensibilisation aux filières STEM (sciences, technologie, ingénierie, mathématiques) qui ne diplôment que 16% des étudiants de la Fédération Wallonie-Bruxelles, alors que la moyenne européenne est de 25%. «Les pouvoirs publics financent 150 asbl chargées de faire la promotion de ces filières, soupire Olivier de Wasseige. Comment voulez-vous que les jeunes s’y retrouvent ? » On peut s’attendre à un appel à un plus grand souci d’efficacité dans l’affectation de ces moyens publics.
Un volet des propositions de l’UWE qui ne semble pas concerner directement Isohemp, c’est la disponibilité des terrains pour les activités industrielles. Manifestement, l’entreprise a été bien accompagnée par le BEP, l’instance chargée du développement économique, social et environnemental de la province de Namur. Olivier Beghin est toutefois conscient que « le foncier est un souci global pour la réindustrialisation de la Wallonie ». L’UWE plaide pour l’affectation chaque année de 150 ha supplémentaires pour l’activité économique et la constitution d’une réserve de 400 à 600 ha de terrains stratégiques. Quand on voit la difficulté à trouver un repreneur pour le site de Caterpillar, est-ce vraiment judicieux de miser encore sur les très grands terrains ? « Il faut être patient et miser sur une politique à long terme », répond-on à l’UWE, où l’on voit l’abandon du projet Legoland comme une belle occasion de repenser le futur industriel de ce site et où l’on regrette qu’à peine 5ha sur les 80 de l’ancien site de Clabecq soient désormais affectés à l’industrie. « Le problème du foncier est encore fois le morcellement, estime Olivier de Wasseige. Chaque intercommunale gère un sous-ensemble et cherche à vendre rapidement ses terrains en les morcelant. Nous avons perdu de gros investisseurs à cause de cela. »
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