Liège Science Park: une communauté d’énergie qui servira de modèle
Le Liège Science Park met en place une dynamique pour partager l’énergie existante et partager des projets futurs. Elle fédère l’ULiège, EVS, Amos et des petites entreprises. Le bureau Greisch met en place une méthodologie qui peut en inspirer d’autres.
Une communauté d’énergie va voir le jour au Liège Science Park, sur le site du Sart-Tilman. Vingt-et-une entreprises y travaillent avec l’université. Parmi celles-ci, EVS, qui a développé la technologie vidéo à l’intention, notamment, de la diffusion d’événements sportifs, ou Amos (Astronomy, Space and Industry), qui vient de s’associer à Aerospacelab, pour créer un acteur majeur dans le domaine spatial.
En l’état actuel, ce dispositif concernera 35 bâtiments répartis sur 100 hectares. Concrètement, ces acteurs vont partager leur énergie pour réaliser des économies d’échelle et déterminer ensemble de futurs projets d’infrastructures énergétiques, renouvelables en priorité.
“C’est un projet passionnant et ambitieux, qui a un caractère innovant pour la Wallonie”, s’enthousiasme Didier Mattivi, directeur du RISE, le service recherche innovation et soutien aux entreprises de l’ULiège. Les communautés d’énergie ont été rendues possibles par un décret découlant d’une directive européenne, adopté en mai 2022. “Mais ce projet était en gestation depuis 2020. Il s’inscrit dans une dynamique de coopération plus large au sein du parc scientifique, ajoute-t-il. Nous partageons les meilleures pratiques. Par essence, nous sommes tournés vers l’innovation.”
Un gain différent selon les acteurs
Pour en faire un laboratoire susceptible d’inspirer d’autres initiatives, cette communauté d’énergie a été minutieusement préparée par une étude de faisabilité réalisée par le bureau Greisch. Tout y est passé en revue, à commencer par l’élément clé de la tarification et les gains environnementaux, sociétaux et économiques générés par ce partage. “Nous avons commencé par recenser toutes les données de consommation d’énergie via une plateforme, quart d’heure par quart d’heure, explique Jean-Michel Dols, responsable du projet au sein de Greisch. Ces entreprises représentent l’équivalent de 7.700 équivalents ménage au niveau électrique. Nous avons aussi mis ensemble les projets existants ou futurs.”
Une fois ces données acquises, l’essentiel du travail consistait à établir une série de clés de répartition de l’énergie excédentaire et de la tarification pour l’énergie achetée. L’objectif, bien sûr, c’est que tout le monde soit gagnant, ou en tout cas que personne ne perde. “Au sein d’un parc scientifique comme le nôtre, un petit consommateur représente 25.000 kWh et un gros 8 millions de kWh, illustre le responsable de projet. Ce sont des réalités et des besoins très différents. Dans le cadre de notre travail et de ce que prévoient les autorités de régulation, il y a la volonté de soutenir les petites et moyennes entreprises.”
L’intérêt économique est réel, mais il se décline différemment selon la taille des acteurs.
Le résultat, une fois les données passées à la moulinette des méthodologies et des calculs? “Avant tout chose, nous espérons être un des premiers zonings à entrer dans cette dynamique, insiste Jean-Michel Dols. C’est important en matière de visibilité. Nos membres soulignent également à quel point c’est précieux dans le cadre du reporting ESG, dont l’importance croît. En matière environnementale, cela met de l’énergie renouvelable à disposition des entreprises qui ne peuvent pas en produire et cela permet des projets futurs plus ambitieux.” La communauté produirait entre 2 et 5% de l’énergie totale consommée, mais représenterait entre 28 et 38% de la part consommée par les petits acteurs.
L’intérêt économique est réel, mais il se décline différemment selon la taille des acteurs. Très concrètement, la facture globale pour l’ensemble des membres diminuerait de façon relativement modeste: entre 1 et 3%. Mais pour les petits acteurs, ce gain se situerait entre 6 et 14%, contre une moyenne située entre 0 et 1,4% pour les gros acteurs. La facture annuelle des 22 acteurs s’élève à plus de 6 millions d’euros. “Mais ceux-ci nous ont dit que l’intérêt serait tout de même réel pour leur bilan comptable ESG”, précise le responsable de projet.
“Au niveau technique et de la gestion, une structure va été créée pour assurer la vie de la communauté d’ici fin 2024”, précise Fabienne Loiseau, responsable de SPI, le gestionnaire du parc, qui assumera le suivi administratif de cette première. “Ne fut-ce que pour l’envoi des factures.”
EVS: “Un rêve qui se concrétise”
Pour les entreprises, c’était une évidence de se lancer dans cette aventure. “Cela nous a semblé normal d’entrer dans cette communauté, souligne Loïc Bologne, head of workplace & procurement chez EVS. Cela s’inscrit dans une démarche plus large chez EVS. En 2016, nous avons entamé un travail sur la consommation d’énergie au sein de notre nouveau bâtiment, jusqu’à la réduire de 30% en trois ans. Nous avions aussi la volonté d’augmenter notre production d’énergie sur site. En 2019, nous avons couvert tout ce que l’on pouvait couvrir de panneaux photovoltaïques, environ 1.700 en tout. Génial, mais cela ne représentait que 12% de notre consommation annuelle.”
“A ce moment-là, prolonge Loïc Bologne, nous avons écrit un rêve dans notre rapport annuel. A l’horizon 2027-28, l’idéal serait de pouvoir acheter notre énergie localement. Quand le projet de communauté d’énergie est arrivé, cela répondait parfaitement à cela. Bien sûr, notre gain, en tant que gros acteur, n’est pas le plus important. Mais nous nous sommes dit: pourquoi ne pas le faire? Si EVS ne le fait pas, qui d’autre? Cela permet d’être un acteur local important. Et il est vrai que, depuis, le reporting ESG est venu ajouter une couche d’argumentation.”
A terme, la communauté d’énergie pourrait grandir, accroître le gain et permettre de garantir une stabilisation à long terme du prix de l’énergie. “Cela nous fait entrer dans un nouveau modèle de gouvernance, ajoute Olivier Hault, cofondateur de Level IT. En réalisant ce laboratoire de gestion de la communauté d’énergie, nous développons aussi tous les outils nécessaires pour rendre simple tout ce qui est compliqué en matière de collecte de données ou de suivi administratif.” En d’autres termes, ce laboratoire vivant pourra aussi devenir lui-même un produit susceptible d’être vendu à d’autres acteurs intéressés.
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