Les ingénieurs du gouvernement wallon vont-ils déjà devoir revoir leur copie ?

Adrien Dolimont, Jacqueline Galant et Pierre-Yves Jeholet - BELGA PHOTO BRUNO FAHY
Baptiste Lambert

Derrière ses déclarations d’intention, le nouveau gouvernement wallon allait forcément être attendu au tournant. C’est de bonne guerre quand on annonce vouloir révolutionner la Wallonie. Mais les premiers couacs arrivent notamment au niveau budgétaire. La fin des nominations dans la fonction publique pourrait peser sur le budget des pensions.

Lors de la présentation de la déclaration de politique régionale, Maxime Prévot (Les Engagés) et Georges-Louis Bouchez (MR) disaient vouloir gérer la Wallonie comme des ingénieurs. Les maîtres mots : évaluation et rationalisation. Le budget wallon présentait d’ailleurs, le mois dernier, toute une série de réductions des dépenses dans la sphère publique. Le crédo est connu et répété à l’envi : “Moins, mais mieux !” On sentait toutefois déjà à l’époque un manque de précision dans la méthode. On comprenait l’idée, mais pas toujours le chemin la réaliser.

Alerte sur les pensions

Prenons par exemple la fonction publique. La ministre Jacqueline Galant (MR) annonçait vouloir mettre fin aux remplacements automatiques des départs à la retraite. Une cure d’amaigrissement progressive et sans licenciements secs. L’objectif étant pour les recrutements futurs qu’ils correspondent aux besoins réels, “selon les priorités stratégiques de la Région wallonne”.

La ministre touchait également quelques mots sur la fin des nominations dans la fonction publique, pour, justifiait-elle, attirer davantage de profils issus du privé et permettre plus de mobilité entre les départements. Lors de la présentation du budget se posait déjà la question de l’impact budgétaire sur les pensions des agents de la fonction publique. La libérale indiquait qu’un affinage des chiffres était en cours.

Pour comprendre, il faut savoir que les pensions des fonctionnaires wallons du SPW sous statut sont principalement payées par le niveau fédéral. Ce n’est pas le cas des agents contractuels dont la pension est à charge de l’employeur, c’est-à-dire la Région wallonne. La ministre, consciente du coût que cela pouvait représenter, voulait mettre en place un second pilier de pension pour ces agents contractuels.

La question est de savoir qui va le financer. La ministre espère un geste du fédéral, qui, après tout, bénéficierait de la fin de la staturisation au niveau régional. En plus, se dit-elle, une telle réforme est également dans les cartons de l’Arizona. Tout pourrait matcher ! Sauf qu’à ce stade, rien n’est moins sûr. D’abord parce qu’un gouvernement tarde à être formé. Ensuite, parce que la configuration Arizona n’est plus du tout une certitude. Enfin et surtout, car cela nécessiterait une réforme de l’État, souligne-t-on, au SPF Pensions.

À ce stade, on ne connait toujours pas l’impact budgétaire de la fin des nominations. Le risque que cette réforme pèse davantage que les économies réalisées dans la fonction publique (11,4 millions d’euros) est réel. L’étude chiffrée est visiblement toujours en cours. Pas très pro, pour des ingénieurs.

Des emplois menacés ?

Une autre mesure de réduction des dépenses, annoncée lors du budget wallon par le ministre de l’Économie Pierre-Yves Jeholet (MR), concernait les emplois APE. Un gel de l’indexation devait permettre d’économiser 13,5 millions d’euros. Ces emplois APE sont des emplois subventionnés par la Région wallonne. Ils sont principalement destinés au secteur non-marchand, aux pouvoirs locaux et à l’enseignement.

Cette réduction des dépenses a été sévèrement taclée par le Cese, le Conseil économique, social et environnemental de Wallonie, où sont représentés les syndicats, mais aussi les organisations patronales et syndicales. La Libre a pu lire l’avis du Cese qui estime que ce gel de l’indexation pèserait sur près de 600 employeurs et quelque 38.000 travailleurs sur les 65.000 personnes qui bénéficient du dispositif APE.

Pour le Cese, qui se dit conscient des défis budgétaires, le gel de l’indexation “n’est pas la meilleure option” et il estime que ce genre de décisions “doit faire l’objet d’une analyse d’impact approfondie”. Ce qui n’a visiblement pas été le cas.

L’opposition monte au créneau

Tout ceci alimente la petite musique selon laquelle la volonté du nouveau gouvernement de “rationaliser” la Wallonie est un slogan qui sonne creux. Et que, pour le moment, la réduction du déficit wallon n’est pas du tout claire. Pour 2025, par exemple, le déficit budgétaire wallon va se creuser de 78 millions d’euros, malgré les annonces autour d’un retour à l’équilibre budgétaire d’ici la fin de la législature (au niveau de la Région).

Forcément, c’est du pain béni pour l’opposition qui n’a pas manqué de tacler la nouvelle coalition Azur et ses métaphores. “Le MR et Les Engagés nous annonçaient en juillet un choc de gouvernance, un nouvel élan pour la Wallonie, ils allaient récompenser les travailleurs… Une centaine de jours plus tard : les patrons et syndicats wallons dénoncent un risque de perte de 38.000 emplois et des erreurs de calcul dans les pensions risquent de plomber le budget déjà à la corde. On nous avait promis des ingénieurs, on a plutôt des amateurs“, écrit ce matin Paul Magnette sur X.

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Du côté d’Ecolo, le chef de groupe Stéphane Hazée nous alerte depuis un certain temps sur les tours de passe-passe budgétaires de l’exécutif wallon et ses déclarations d’intention. “Sous couvert idéologique, le gouvernement wallon dégrade le déficit de la Wallonie. Un mois plus tard, le constat demeure et s’amplifie”.

Bref, et ce n’est pas une surprise, les ingénieurs du gouvernement wallon seront attendus au tournant. Mettre en place leur politique ne sera pas un long fleuve tranquille, comme en atteste la journée d’actions de la fonction publique de ce jeudi. Les syndicats ont notamment prévu d’aller confronter la ministre Galant, à Namur.

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