“Le vieillissement en Wallonie ne sera pas le tsunami annoncé”
L’économiste Philippe Defeyt (Institut pour un développement durable) s’est penché sur la démographie wallonne. Bonne nouvelle: le nombre de personnes âgées vivant en bonne santé va augmenter.
Mauvaise nouvelle: l’inégalité des conditions de vieillissement selon que l’on vit dans une commune riche ou pauvre. Trois questions, trois réponses.
1. Quand on parle de vieillissement, on commet l’erreur de ne pas prendre en considération l’état de santé des gens?
Oui, et par conséquent leur activité, ce qu’ils peuvent encore apporter à la société, etc. Evidemment, considérer la limite des 65 ou 67 ans reste pertinent pour certains aspects (pension, gratuité de certains services, etc.). Mais pour la vie en société, les critères d’âge habituels donnent l’impression que nous serons submergés par un tsunami. La courbe des dépenses de santé décolle aujourd’hui environ à 70 ans, qui est l’espérance de vie moins 10 ans. Or, si on prend cette population et que l’on fait l’hypothèse que l’espérance de vie en bonne santé va continuer à augmenter (ce qui est le cas, même si certains indicateurs semblent montrer que nous allons atteindre un plafond), nous constatons que le vieillissement, pour la Wallonie, ne sera pas le tsunami annoncé.
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2. Quelles sont vos estimations?
Entre 2023 et 2050, les personnes âgées qui auront potentiellement des problèmes de santé importants ne devraient augmenter “que” de 98.000, alors que la population des 75 ans et plus augmentera de 245.000. Les personnes avançant en âge seront aussi de plus en plus des hommes. Cet effet de rattrapage s’explique parce que les femmes ont adopté des comportements “masculins” plus à risque (consommation de tabac, d’alcool). Et pour les 75-89 ans, la part des gens vivant seuls va continuer à diminuer: de plus en plus de personnes de cette catégorie d’âge ont la chance ou auront la chance dans le futur de vivre avec quelqu’un d’autre. Pas nécessairement l’époux ou l’épouse: il peut y avoir une grand-mère avec son petit-fils, deux veuves ensemble, une personne âgée dont un des enfants revient au domicile, etc. Or, certaines études, comme celles du démographe de l’UCLouvain Michel Poulain, montrent que le fait de vivre à deux augmente l’espérance de vie et a un impact sur l’intensité des services que vous allez demander.
3. Un bémol toutefois: le fort écart entre les communes.
Il y a en effet une terrible inégalité d’une commune à l’autre. D’une manière générale, on sous-estime l’intensité du lien entre la dimension socioéconomique et la démographie. Soyons crus: les pauvres vivent en moyenne moins longtemps. Et l’on sous-estime l’impact sur l’espérance de vie en bonne santé, car si vous êtes dans une commune pauvre, vous avez davantage de probabilité d’être au chômage, de vous séparer de votre conjoint, d’être seul, etc.
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