La Wallonie se rêve en “mineral valley”

Le ministre wallon de l'Economie Willy Borsus.
Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Une quinzaine d’entreprises unissent leurs forces pour produire des matériaux de construction circulaires et décarbonés. Elles disposent d’un budget de 23,5 millions et se donnent trois ans pour générer les premiers résultats.

Des panneaux de cloison en matières recyclées, du béton produit par carbonation de mâchefers (en captant du CO2 donc), du « liant » pour ciment à base de résidus métalliques et de cendres volantes plutôt que du traditionnel clinker fortement émetteur de CO2… Ces projets et quelques autres doivent contribuer à faire de la Wallonie une « mineral valley » à l’horizon 2030. Leur concrétisation pourrait générer, à cette échéance, 90 millions de chiffre d’affaires et la création de plus de 200 emplois directs (et 300 indirects).  C’est en tout cas l’objectif que s’est fixé la plateforme Remind Wallonia (REverse Mineral INDustry), lancée ce mardi 5 septembre.

Cette plateforme est portée par une quinzaine d’industriels actifs dans le secteur des matériaux (Knauff, Roosens Bétons), du déchet (Dufour), de la démolition et des travaux de voirie (Wanty, TRBA) ou du ciment (CCB). Nous avons à la fois des acteurs de l’industrie minérale « primaire » (cimentiers, carriers…) et « secondaire » (démolition, déchets…), qui vont donc collaborer pour faire émerger un nouvel écosystème de production de matériaux circulaires et décarbonés.

Ces entreprises ont débloqué ensemble 10 millions pour ces projets et « elles attendent un retour sur investissement », précise Stéphane Neirynck, administrateur-délégué de Remind Wallonia et directeur du centre de recherche Pierre & Terre. Les projets sont élaborés en partenariat avec les universités de Liège et de Louvain-la-Neuve, le Centre de recherche Pierre & Terre, Buildwise (centre d’innovation de la Construction) et du pôle de compétitivité Greenwin. Ils bénéficient d’un financement public de 13,5 millions d’euros, provenant de la part wallonne du Plan national pour le reprise et la résilience, financé par l’Union européenne. «L’objectif est d’être un acteur exemple dans l’innovation, la circularité et la réduction des émissions de CO2, a commenté le ministre wallon de l’Economie Willy Borsus. Mais aussi de créer du business. » Et même de le créer rapidement puisque les premiers résultats concrets sont attendus dès 2026, avec un passage en mode industriel avant la fin de la décennie.

Secteur est menacé par les quotas de CO2

Pourquoi un tel sprint ? Tout simplement parce que le secteur est menacé par les quotas de CO2 et la taxonomie européenne. L’industrie minérale « primaire » est en effet responsables d’un tiers des émissions de CO2 soumise à la taxonomie. « Il y a un vrai enjeu de décarbonation de ce secteur, poursuit Stéphane Neirynck. Sans cela, nous risquons de voir une délocalisation de la production. Ce serait dommage de laisser tomber des zones avec de telles richesses dans leur sous-sol. Nous voulons faire de ce défi une opportunité pour devenir le leader de solutions exportables. » Et de rappeler au passage que ce secteur fournit encore 5.000 emplois directs et 10.000 indirects en Wallonie, ce qui est loin d’être négligeable. « Plus de la moitié des gros émetteurs de C02 pour la Belgique sont localisés en Wallonie, notamment dans les industries de la chaux et du ciment, ajoute le secrétaire d’Etat à la Relance Thomas Dermine. Conserver cette base économique est un enjeu essentiel pour la Région. » Les initiateurs de la plateforme ont donc opté pour un éventail limité de sept projets, susceptibles d’amener « des retombées rapides et tangibles ». Ils sont axés sur les matériaux de construction durables, les bétons à hautes performances, les liants alternatifs et les matériaux carbonatés.

A terme, la plateforme pourrait évidemment accueillir de nouveaux partenaires et de nouveaux projets mais, à ce stade, la priorité est clairement de faire atterrir au plus vite les sept chantiers de départ.  « Nous sommes conscients de la raréfaction des ressources naturelles primaires et la nécessité de réduire notre empreinte carbone, résume Danny Roosens, président de Remind Wallonia et CEO de Roosens Béton. Notre force, c’est de travailler ensemble sur la création de nouveaux matériaux, d’agir en partenaires et non en concurrents. Songez que nous développons des matériaux de construction quasiment sans ciment mais avec l’industrie cimentière ! » Parmi ces partenaires, on s’étonne de ne pas retrouver les chaufourniers Lhoist et Carmeuse, deux des rares entreprises de taille mondiale actives en Wallonie. « Le momentum n’était sans doute pas bon pour eux, concède Stéphane Neyrinck. Mais nous les invitons à nous rejoindre. »

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