Mercredi, le baromètre des notaires a mis le feu aux poudres. Il indiquait que le prix moyen d’une maison avait augmenté de 12,9% en Wallonie. De quoi renverser la baisse des droits d’enregistrement et remplir les poches des vendeurs ? La réponse est beaucoup plus nuancée.
Suite à la publication du baromètre, répercuté dans ces colonnes, l’opposition socialiste est montée au front. Elle tenait la preuve de ce qu’elle avance depuis longtemps : la baisse des droits d’enregistrement, de 12,5 à 3%, n’est pas coup de pouce aux primo-acquéreurs et aux acquéreurs de biens modestes, mais un cadeau fiscal aux vendeurs et à ceux qui peuvent se permettre de gros achats.
Passe d’armes politique
“12,9%, soit exactement le taux des droits d’enregistrement avant la réforme”, a fustigé Thomas Dermine (PS) sur les réseaux sociaux. Le bourgmestre de Charleroi a aussi fait référence au manque à gagner pour la Région wallonne (autour de 270 millions d’euros) : “On aurait voulu filer 300 millions de cash aux propriétaires (en moyenne aisés et âgés) on ne s’y serait pas pris autrement. L’objectif de renforcer l’accès à la primo-propriété est complètement loupé”.
La cheffe de file au Parlement wallon, Christie Morreale (PS), y a vu la preuve “d’une réforme totalement loupée, qui offre 100.000 euros de réduction à l’acheteur d’une villa de 1 million d’euros, et qui fait croire aux jeunes qu’ils allaient enfin pouvoir acheter leur premier bien.”
Parole à la défense : “Il faut pouvoir lire le baromètre dans le détail et pas juste regarder les grands titres“, recadre Adrien Dolimont (MR) pour Trends-Tendances. Le ministre-président wallon ne nie pas que “les droits d’enregistrement ont pu avoir une influence sur les prix, mais que le sujet mérite plus de nuances”.
Les chiffres
Plongeons-nous donc dans les chiffres de ce baromètre. Il y a d’abord un constat clair : le prix moyen d’une maison en Wallonie a bien augmenté de 12,9%, contre 5% pour la moyenne nationale et 2,8% en Flandre. Il est difficile de nier une particularité wallonne.
Mais il s’agit là d’une moyenne qui ne différencie pas les types de bien, quelle que soit sa surface ou son certificat PEB, par exemple. Or, on sait que l‘augmentation des prix concerne surtout les maisons de qualité bien isolées. Pour elles, les prix décollent, parce que tout le monde se les arrache. Et avec la baisse des droits d’enregistrement, la capacité d’achat supplémentaire a fait monter les enchères.
Mais la plateforme immobilière Realo, le partenaire du dernier guide Immo de Trends-Tendances, dresse un portrait différent. Puisqu’il compare un même type de biens dans le temps. En l’occurrence, en Wallonie, une maison unifamiliale de 170 m², construite il y a 30 à 45 ans, avec trois chambres, un jardin et un PEB E. Et ce baromètre ne constate qu’une augmentation de 2,99% contre 2,80% en Flandre et 2,82% au niveau national, soit une différence minime.

Précision importante : ce baromètre se base sur les prix voulus par les vendeurs (chiffres d’Immoweb) et non sur les prix définitifs après négociations (chiffres des notaires). Mais comme on l’a vu, les négociations sont moins intenses pour certains types de biens. On peut donc considérer que bon nombre d’acheteurs ont gardé une capacité d’achat supérieur à la hausse des prix.
Les primo-acquéreurs
D’autres nuances relativisent l’impact des droits d’enregistrement sur les prix. Comme un possible rattrapage du marché wallon par rapport au marché flamand. Dans le baromètre des notaires, on voit par exemple que le prix moyen d’une maison en Flandre s’est apprécié de 2,5% en 2024 et de 3% en 2023, contre une baisse -0,8% et une hausse de 2%, respectivement, au sud du pays.
La baisse des droits d’enregistrement permet également de moins débourser d’argent à la signature, et donc de renforcer sa capacité d’emprunt à la banque. Sans oublier qu’une hausse de prix signifie aussi une potentielle augmentation du patrimoine pour l’acheteur, en cas de revente.

Plus fondamentalement, “la cible des très jeunes est bien atteinte“, ajoute Adrien Dolimont, qui porte notre attention sur un autre point du baromètre des notaires. En effet, la part des acheteurs entre 18 et 25 ans est passée de 8% en 2021 à 22% en 2025.
Le libéral souligne enfin un dernier point : la hausse des prix est sur une tendance baissière. C’est aussi ce qu’explique Sophie Maquet, notaire et porte-parole de notaires.be : “La hausse des prix tend à se modérer en Wallonie” : de +17,8 % au premier trimestre à +13,4 % au premier semestre. “Comme toute modification fiscale, il y a toujours des effets de perturbation. Et après, ça s’équilibre sur le long terme”, veut se rassurer Adrien Dolimont.
Le même taux pour tous : un désir de simplifier
Une critique de l’opposition reste toutefois valable : ce sont les plus gros portefeuilles qui bénéficient potentiellement le plus de la baisse des droits d’enregistrement.
Pourquoi ne pas avoir appliqué un taux de 3% pour les biens modestes et de 6%, par exemple, pour les autres biens ? « On voulait vraiment rendre les choses plus simples, keep it simple, parce qu’il y avait déjà trop de mécanismes, trop de difficultés. En outre, se baser sur le cadastre n’est pas équitable. Des biens plus luxueux peuvent avoir un revenu cadastral plus bas que des nouvelles constructions modestes.”
Et mettre un plafond ? “Ce n’est pas équitable non plus. Les valeurs immobilières varient trop selon les régions, par exemple entre le Hainaut et le Brabant wallon.”