En Wallonie, le logement social est sous tension

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste

Sous-occupation, pénurie de petits logements, passoires énergétiques, manque de finance… Le secteur du logement public wallon est en danger, alerte l’économiste Philippe Defeyt. Dans une note, il analyse point par point la Déclaration de politique régionale et relève les chantiers les plus urgents.

Les enjeux du logement en Wallonie ne concernent pas uniquement le privé. Le secteur locatif public, qui a trait au logement social, est lui aussi un sujet épineux qu’il est plus que nécessaire d’aborder. Et pour cause: il touche aujourd’hui une centaine de milliers de ménages dans la Région. L’économiste Philippe Defeyt a analysé la Déclaration de politique régionale, qui évoque les besoins du secteur. Dans une note, il relève les points qui nécessitent selon lui une intervention urgente.

Un parc immobilier à rénover

La nécessité de rénover le parc immobilier belge n’est plus à démontrer, et les logements sociaux en font évidemment partie. Pourquoi? La modernisation d’un logement social permet de réduire les dépenses liées à la consommation d’énergie. De quoi permettre à ses occupants de réaliser des économies sur leurs factures d’électricité et de chauffage. Et a fortiori de contribuer à améliorer leur pouvoir d’achat et à réduire la précarité énergétique.

Malheureusement, le Plan Rénovation des biens d’utilité publique se heurte à quelques obstacles. Notamment l’augmentation des coûts de construction, qui entraîne une réduction significative du nombre de logements effectivement rénovés. Un problème pour de nombreux Wallons… Mais pas seulement.

Un PEB médiocre peut en effet être à l’origine d’autres problèmes. Comme la hausse du taux d’inoccupation de ces biens publics, alors même que la demande explose dans certaines communes (notamment à Charleroi). « La remise dans le circuit d’un logement social inoccupé peut dépendre de problèmes de vétusté du logement et des coûts qui en découlent », explique l’économiste.

Pour ce qui est des investissements énergétiques, il aborde deux points supplémentaires :

  • la nécessité de protéger les locataires des fortes chaleurs, « tant par des investissements concernant le logement (pare-soleils par exemple) que des aménagements extérieurs (fontaines sèches, zones ombragées…) ».
  • le besoin d’adapter la législation pour faciliter le recours à des systèmes de chauffage collectifs comme par exemple un réseau de chauffage alimenté par de la bio-masse. « Ceci nécessite peut-être une adaptation du calcul des charges », ajoute Philippe Defeyt.

Pénurie de petits logements et logements sous-occupés

Autre problématique: un nombre important de logements sociaux sont aujourd’hui sous-occupés. Et pour cause: il y a un manque cruel de petits logements. Pas étonnant donc que de nombreux appartements ou maisons ne soient aujourd’hui habités que par une ou deux personnes, alors que ces biens pourraient en accueillir le double. Un problème, car les places se font rares…

« « En décembre 2015 (dernière donnée disponible, publiquement en tout cas), les logements d’une chambre ne constituaient que 17,3% du parc locatif social. Or, ce type de logement est accessible non seulement aux personnes seules mais aussi aux couples (sans enfant). À savoir que la proportion de ces ménages dans le total des ménages locataires est de 55,6%, et est donc très largement supérieure aux logements à une chambre disponibles », chiffre Philippe Defeyt. « Cela démontre bien que le parc ne s’est pas adapté aux évolutions sociodémographiques. On ajoutera que la demande (listes d’attente) pour de tels logements est de l’ordre de 60%, soit environ trois fois plus que la part de petits logements dans le stock de logements! ».

Par conséquent, les personnes seules qui vivent en logement social payent généralement plus que nécessaire. « Au 1er janvier 2021, ils étaient 10,69% de locataires à payer un sur-loyer », détaille l’économiste. Cela correspond généralement au paiement d’une chambre excédentaire.

Augmenter l’offre de petits logements permettra donc de réduire la sous-occupation. Autre solution? Rendre la mutation obligatoire après une durée déterminée. Et ce, afin d’encourager les locataires à déménager dans un logement adapté et proportionné à la taille de leur ménage.

Une mauvaise situation budgétaire

Pour finir, si la question des finances n’est pas abordée dans le DPR, elle joue pourtant un rôle essentiel dans la bonne gestion des logements publics. « La situation budgétaire du secteur n’est pas, c’est un euphémisme, brillante et l’endettement est lourd », remarque Philippe Defeyt. « La situation est claire: avec les règles actuelles, pour tout logement additionnel ou toute rénovation énergétique, les comptes de la Société de logement de Service Public se détériorent, dans la mesure où les subsides plus les recettes propres ne compensent pas les coûts. »

Il est peut-être temps aussi de se livrer à une comparaison rigoureuse des coûts budgétaires totaux des diverses formules de soutien au logement public, rappelle l’économiste. « Très concrètement: que coûte à la collectivité par année de disponibilité la création d’un logement dans une SLSP versus la prise en gestion d’un logement dans une AIS? »

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