Classement PISA: “Ne diabolisons pas les écrans, ils peuvent être utiles à l’apprentissage” 

Isabelle Demonty, docteure en sciences de l’éducation et maître de conférences à l’ULiège est membre du groupe d’experts qui participent à la conception des questions PISA. Elle réagit pour Trends Tendances aux résultats du dernier classement international qui révèle une baisse inédite des résultats en mathématiques et une diminution des niveaux de lecture et de sciences dans 81 pays. 

Vous avez fait passer le test PISA aux élèves belges, ses résultats vous interpellent-ils?  

Je suis responsable du volet mathématique et je m’inquiète de cette proportion d’élèves sous le niveau PISA en Belgique. 28% des élèves de 15 ans ne parviennent pas à utiliser les maths, qu’ils travaillent pourtant en classe, dans la vie réelle. Ils sont, au mieux, capables d’effectuer des petits problèmes d’application où on leur donne toutes les données. Le bon sens critique, le raisonnement,… ils n’y arrivent pas. Je trouve que c’est inquiétant. C’était déjà problématique au cycle précédent. Ils étaient autour de 24% en 2018.

On a quand même des données de tendances dans le classement PISA qui montrent qu’en mathématiques, on a une stabilité assez importante depuis 2003 jusque 2018. J’aurais envie de dire que les résultats PISA permettent d’observer qu’il n’y a pas eu de baisse importante chez nous durant cette période. Il y a plutôt une tendance à la stabilité. Qu’est-ce qui se serait passé s’il n’y avait pas eu la pandémie ? Ça, je ne peux pas le dire. Toutes les analyses doivent être réalisées à la lumière de ce contexte complexe. Je suis vraiment curieuse de voir le cycle suivant (ndlr: la prochaine évaluation sortira fin 2026), pour pouvoir documenter cette évolution. 

Selon les résultats PISA, une utilisation modérée d’appareils numériques (smartphones, sites web, application,…) à l’école est associée à de meilleurs résultats scolaires. Quelles nouvelles technologies peuvent favoriser l’apprentissage des mathématiques chez les jeunes ?  

Dans le cadre des STEM (ndlr: pour Science, Technology, Engineering et Mathematics, une orientation combinant les sciences exactes et la technologie), il y a actuellement tout un courant des disciplines mathématiques et scientifiques dont l’idée est d’utiliser les nouvelles technologies au service des apprentissages, mais aussi au service du raisonnement. Le but est de mettre en avant une approche beaucoup plus interdisciplinaire qui va valoriser cet intérêt pour les nouvelles technologies. Il s’agit d’un levier puissant pour les jeunes dans leur capacité à résoudre des problèmes et à développer une analyse critique, notamment pour ceux qui se destinent à des carrières scientifiques. Les nouvelles technologies, les logiciels de simulation, l’utilisation raisonnée de tableurs, etc., permettent de bien comprendre les données avant de pouvoir modéliser une situation pour résoudre un problème. Une approche des mathématiques en lien avec les nouvelles technologies va aussi pouvoir aider des élèves qui se sentent plus faibles. Maintenant, il faut aussi qu’ils aient accès à du matériel informatique de qualité.  

© belga

Les écoles sont-elles bien équipées à l’heure actuelle ? 

Nous avons remarqué quand nous sommes allés faire passer les tests PISA dans les écoles, que certains établissements n’étaient pas encore bien équipés. Les élèves ont, par exemple, des petites tablettes, mais qui ne permettent pas d’installer certaines applications pourtant très intéressantes. 

En moyenne dans les pays de l’OCDE, les élèves qui passent jusqu’à une heure par jour sur des appareils numériques pendant leurs loisirs obtiennent des scores en mathématiques supérieurs à ceux des élèves qui y consacrent entre cinq et sept heures par jour, après prise en compte du profil socioéconomique des élèves et des établissements. Comment utiliser les écrans à bon escient ?  

Ce que je retiens de cette analyse, c’est qu’il ne faut surtout pas diaboliser les nouvelles technologies. Il est possible d’utiliser certaines applications, notamment de modélisation de concepts mathématiques à bon escient. Mais, il faut aussi que l’enseignant guide les élèves dans l’utilisation de ces nouvelles technologies. Il peut s’en servir pour revisiter les concepts travaillés en classe. C’est vers ça qu’on doit aller. Le nouveau référentiel du tronc commun invite d’ailleurs à prendre ce tournant dans les disciplines scientifiques et mathématiques. En début de secondaire, il y a aussi des options où les élèves font un peu de robotique, ou même des stages pendant les vacances scolaires qui vont amener les jeunes à approcher des concepts mathématiques et scientifiques par la technologie. 

Il faut vraiment faire entrer l’intérêt pour le monde réel dans le cours de maths et de sciences. Il y a, par exemple de nombreuses possibilités sur YouTube pour retrouver des explications sur des concepts particuliers. Ce sont des vidéos parfois très bien pensées, qui ne sont pas longues, mais qui permettent de débloquer certains apprentissages. Toutes ces informations présentes en ligne peuvent être mises au service des apprentissages. Mon message, c’est de ne pas diaboliser les écrans car ils peuvent aussi être utiles aux élèves.

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