Charleroi: une renaissance touristique au cœur de son passé industriel

Pascal Verbeken surplombant la cité carolo. Copyright: Jelle Vermeersch

Connue pour son histoire industrielle impressionnante et souvent stigmatisée comme « la plus laide ville du monde », Charleroi est bien plus qu’un cliché. À travers une exploration fascinante de son passé, Pascal Verbeken, auteur flamand et passionné de la cité carolo, nous plonge dans les vestiges de ce bastion industriel autrefois florissant. Il nous dévoile dans ce premier grand guide consacré à la cité ses découvertes et ses recommandations, et pourquoi, selon lui, la beauté réside dans les détails inattendus de cette ville au patrimoine singulier.  

C’est intéressant de voir comment vous explorez Charleroi dans votre guide, le premier consacré exclusivement à cette ville de Wallonie. Quel aspect de Charleroi vous a le plus marqué ?

Charleroi, c’est d’abord une histoire industrielle très riche qui mérite d’être mise en avant. Elle était autrefois la ville industrielle la plus importante d’Europe. Elle était à la pointe à la veille de la Première Guerre mondiale en organisant l’Exposition Internationale de 1911. Et je ne parle pas seulement de la production, mais aussi de la diversité des industries. Il y avait du charbon, de l’acier, du verre, de la chimie. C’est assez unique qu’on retrouve cette diversité d’industries dans une seule ville.

En tant que flamand, c’est une démarche assez inédite…

Charleroi fut au temps de sa splendeur industrielle un aimant pour d’innombrables immigrés, parmi lesquels des dizaines de milliers de Flamands. En tant que Flamand, j’ai trouvé qu’il était essentiel de documenter cette période de l’immigration parfois méconnue, notamment à travers des interviews d’ouvriers qui ont aujourd’hui plus de 80 ans. Ils ont débuté une nouvelle vie dans les fleurons de l’industrie wallonne qu’étaient Seraing, Liège,…dans les années ‘50.

Vous entretenez une relation particulière avec Charleroi, expliquez-nous

Parfois dans la vie, quelque chose vous colle à la peau. Pour moi, c’est la ville de Charleroi. Mon projet a commencé il y a vingt ans, et cette ville m’a toujours fasciné par sa diversité industrielle. Sa grande histoire se reflète aussi dans l’art et dans l’architecture. J’y suis ensuite retourné plusieurs fois par mois, non plus pour chercher des témoins de l’immigration flamande, mais vraiment pour explorer la ville.

Les vestiges industriels. Copyright: Jelle Vermeersch

Pour vous, le quolibet de « plus laide ville du monde » décerné par un journal hollandais n’est pas mérité…

Cette étiquette est réductrice, Charleroi est très sous-estimée. C’est une ville sur laquelle tout le monde a ses opinions et ses préjugés souvent négatifs, en Wallonie, comme en Flandre, ou aux Pays-Bas. Mais, je suis sûr que très peu de gens sont venus se rendre compte sur place à quoi elle ressemblait vraiment. Elle a peut-être une apparence brutale, mais il y a une beauté cachée dans son architecture et ses paysages industriels. Quand on se trouve sur un terril surplombant La Providence, qui est le plus grand terrain industriel de Charleroi, au lever du soleil, la vue peut être tout aussi impressionnante que celle de la Mer du nord.

Quelles curiosités touristiques recommanderiez-vous à un visiteur – un explorateur – qui souhaite découvrir le passé industriel de Charleroi ?

Il faut se rendre sur le site de La Providence bien sûr. Le Haut-fourneau numéro quatre est un lieu incontournable. C’est le dernier encore debout. Il représente un héritage précieux de son passé industriel. J’espère qu’il pourra être préservé. Ensuite, il y a la chaîne des terrils ouest, notamment le terril de Saint-Charles et le terril des Piges. Ces lieux sont emblématiques de l’histoire de la ville.

Tous ces endroits sont-ils facilement accessibles ?

Le ring. Copyright: Jelle Vermeersch

C’est précisément pour cela que j’ai écrit ce guide. Ces endroits sont plus accessibles qu’on ne le pense. Par exemple, le métro dessert la ville et permet d’accéder facilement à des lieux comme La Providence. Le métro aérien parcourt des kilomètres jusqu’à Anderlues en traversant ces paysages post-industriels. J’ai également proposé des promenades qui incluent des aspects variés de la ville, tant industriels qu’historiques. L’une fait environ 10 km et est plus accessible que la Boucle Noire qui fait plus de 20 kms. L’autre parcourt le centre urbain.

Vous mentionnez également le street art. Comment contribue-t-il à l’image de Charleroi ?

Dans la cité industrielle, le graffiti est partout, mais aussi dans le centre-ville. Charleroi est devenue une sorte de capitale du street art en Belgique. Saviez-vous que l’acteur flamand Mathias Schoenaerts a aussi laissé son empreinte sur les murs de la ville (ndlr : l’acteur sévit comme street artiste sous le pseudo Zenith) ? Cela donne une nouvelle dimension à Charleroi, transformant des espaces négligés en œuvres d’art. Cela attire aussi des passionnés de photographie et d’architecture, un public un peu particulier, mais très engagé.

Donnez-vous également des recommandations de restaurants ?

Je n’ai pas l’ambition d’être un guide touristique classique. Ma sélection n’a rien d’exhaustif. Les restaurants et bistrots que je renseigne sont représentatifs de l’atmosphère de la ville. Il y a de vieilles institutions que j’affectionne particulièrement. Par exemple, je viens à la Maison des 8h depuis 20 ans. Je connais très bien les gérants. On peut lire toute l’histoire de la Belgique et du socialisme dans ses murs. Il y a aussi la buvette des supporters de foot du Sporting de Charleroi, le Royal Nord, toute une ambiance ! Mais je renseigne aussi des brasseries modernes qui symbolisent le nouveau Charleroi comme la Quai 10 et La Manufacture Urbaine.

Est-ce que vous pensez que Charleroi pourrait devenir une destination touristique à part entière ?

Je crois que oui, mais cela prendra du temps. Charleroi est une ville en mutation. Elle a beaucoup changé ces dix dernières années. Mais, on vient de très loin. L’arrivée de l’Université en 2023 qui attire de nouveaux habitants et étudiants lui a donné une nouvelle dynamique. Les initiatives récentes pour revitaliser des quartiers, comme Rive Gauche, montrent qu’il y a un réel potentiel pour transformer l’image de la ville. Cependant, il reste encore des défis à relever. Charleroi est une ville qui lutte encore pour son futur.

Pour finir, quel message aimeriez-vous transmettre aux lecteurs qui envisagent de visiter Charleroi ?

Je leur dirais de ne pas se laisser décourager par les stéréotypes. Charleroi est une ville avec une histoire riche et une résilience admirable. Il y a tant à découvrir, tant d’histoires à raconter. Mon guide est là pour les aider à l’explorer en leur montrant que même les endroits les plus inattendus peuvent révéler des trésors insoupçonnés. Dans cette ville à l’atmosphère incongrue, brute de décoffrage, « le beau est toujours bizarre » pour citer Charles Baudelaire. Cela se ressent bien dans les photos qui illustrent mon guide. Le photographe Jelle Vermeersch qui m’a accompagné a capturé Charleroi dans toute sa beauté complexe, tandis que Bark a réalisé l’illustration haute en couleurs et en références de la couverture.

Mijn Charleroi, een gids voor ontdekkingsreizigers (Mon Charleroi, un guide pour explorateurs, disponible en néerlandais)

Pascal Verbeken, photographies Jelle Vermeersch, édition Luster, 25 euros

Toutes les photos sont issues du guide Mijn Charleroi. Copyright: Jelle Vermeersch

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