Bruno Colmant: “le rôle d’un invest n’est pas de s’autonomiser”
Les ambitions affichées par le fonds liégeois Noshaq peuvent déstructurer le maillage des outils économiques wallons, redoute l’économiste.
L’invest liégeois Noshaq affiche des ambitions de plus en plus comparables à celles d’investisseurs privés et n’exclut pas une entrée partielle en Bourse. L’économiste Bruno Colmant (ULB et UCLouvain) s’interroge sur la pertinence de cette dernière…
TRENDS-TENDANCES. La voie que désire emprunter Noshaq est-elle celle à suivre pour les invests wallons?
BRUNO COLMANT. Avoir comme but, certes, de prendre des risques mais surtout d’avoir un ancrage très local, cela ne prédispose pas à être coté en Bourse. Si vous le faites, vous vous retrouverez à un moment donné face à des exigences de rentabilité qui ne seront pas cohérentes avec les missions d’un invest. Je ne vois pas ce que des exigences boursières supplémentaires peuvent apporter à un outil d’accompagnement du secteur public, même si, effectivement, la Flandre l’a joliment réussi avec la GIMV.
L’ancrage n’est plus nécessairement local puisque Noshaq revendique une stratégie d’investissement dans des entreprises actives en dehors de la province de Liège. Même question: est-ce la voie à suivre pour les invests wallons?
Il y a quelques années, nous avions mené chez Roland Berger une mission d’analyse de l’impact des invests wallons. Nous étions alors divisés sur le fait qu’un invest devait ou non être confiné à sa province. L’avantage, je trouve, c’est que cela crée un peu de tension interne entre les organismes.
Le rôle d’un invest, ce n’est pas de s’autonomiser par rapport aux autres mais de rester dans un maillage sur tout le territoire wallon. Et tant que faire se peut d’avoir des compétences communes pour tous les invests, d’avoir des experts en private equity dans certains secteurs disponibles pour tous. En d’autres termes, une concentration de compétences, à l’image de ce que fait Wallonie Entreprendre. Si l’un des éléments choisit de s’autonomiser, cela déstructure un peu les choses.
D’un côté une concentration des outils régionaux, de l’autre des invests qui peuvent dépasser leurs limites provinciales. Est-ce bien cohérent?
A partir du moment où le gouvernement wallon a décidé de recentrer les outils de décision, la cohérence voudrait que tout soit plus ou moins concentrique. Cela n’empêche pas les invests de connaître des évolutions et des positionnements différents. C’est une bonne chose car chacun arrive avec des énergies un peu spécifiques, avec une propension à investir plutôt dans tel ou tel secteur. L’essentiel est d’avoir une cohérence au niveau wallon et un développement économique le plus équilibré possible sur tout le territoire régional. N’oublions pas que nous parlons d’outils qui fonctionnement globalement bien. Nous avions mesuré, chez Roland Berger, l’effet de levier des invests sur l’emploi. Nous avions alors constaté un effet multiplicateur de chaque euro investi extrêmement favorable, plus fécond même que le système bancaire.
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