Vers un recours en justice contre la particratie et son financement
Deux mouvements citoyens, le francophone Oxygène et le Flamand Vista, vont entamer une procédure judiciaire devant le tribunal de première instance de Bruxelles et la Cour constitutionnel. « Le système actuel de financement et de seuils électoraux est injuste. »
Pour changer la politique et jouer un rôle en démocratie, il faut franchir un plafond de verre, pratiquement impossible à percer. C’est la raison pour laquelle deux mouvements citoyens ont décidé de lancer ce jeudi un crowfunding pour financer une action en justice. Objectif ? Faire en sorte que la Cour constitutionnelle reconnaisse que système actuel n’est pas égalitaire pour les Belges. Et tenter d’amener les partis actuels à réformer la loi qui les finance et le système électoral.
Concrètement, si les mouvements Oxygène et Vista récoltent 20 000 euros, ils introduiront une procédure devant le tribunal de première instance de Bruxelles, avec des questions préjudicielles posées à la Cour constitutionnelle. Un cabinet d’avocats réputé est dans les starting-blocks. « Nous espérons obtenir une déclaration de la Cour constitutionnelle après les élections, afin de pouvoir induire un débat sereinement, expliquent Jan Wostyn, coprésident de Vista, et un porte-parole d’Oxygène. Nous ne voulons pas renverser la table, mais amener les partis à discuter d’une réforme. Sans ce recours, ils ne bougent pas. »
« Il y a trop de barrières »
Du côté francophone, le mouvement Oxygène, avec quelques autres, s’était essayé à percer le plafond de verre lors des élections fédérales et régionales de 2019. En vain. Né suite aux scandales (Samusocial, Publifin et autres), inspiré par le En Marche d’Emmanuel Macron en France, ces citoyens voulaient oxygéner la démocratie et la rendre plus transparente et plus éthique. Mais pour y arriver, il faut des moyens pour se financer, des accès aux médias et la capacité à franchir le seuil électoral des 5%. Résultat : Oxygène et les autres petites formations issues du même moule se sont épuisées et ont quasiment disparu de la circulation. Tout juste ont-elles obtenu quelques élus locaux.
En vue du le scrutin à venir, en Flandre, le mouvement progressiste Vista tente depuis cinq ans d’en faire de même et envisage de présenter des candidats le 9 juin prochain, dans certaines provinces du nord du pays. Le constat est le même : tout est fait pour empêcher les nouveaux venus de percer. « Vista est né après les élections locales en 2018/19, explique Jan Wostyn. En Flandre, on assiste à une forte montée du Vlaams Belang, mais aussi, désormais, du PvdA (PTB). Il y a une faiblesse trop grande du centre et des partis traditionnels. Vooruit a un peu changé la donne, mais il y a un besoin de renouveau. En outre, tous les partis démocratiques existant sont au pouvoir, à un niveau ou à un autre. Pour les électeurs mécontents, il ne reste que les extrêmes… »
« Comme Oxygène avant nous, poursuit Jan Wostyn, nous constatons toutefois qu’il est très difficile d’entrer dans le jeu politique. Il y a énormément de barrières ! C’est pour cela qu’en Belgique, il n’y a pas d’initiatives nouvelles ou des membres d’un parti qui le quittent pour en créer un autre, comme aux Pays-Bas avec Peter Omtzigt. Le seul qui l’a fait chez nous, c’est Jean-Marie Dedecker, mais avec un discours démagogue. Les citoyens, eux veulent créer des listes avec de nouvelles idées… Les seuils qui existent, à notre avis, sont injustes et bloquent la démocratie telle qu’elle devrait vivre. C’est le cas aussi de ce financement des partis qui en font des puissances démesurées. » Désormais, dit-il, ils invitent leurs membres à des parcs d’attraction avec leur famille pour obtenir leur adhésion. »
« Le dernier recours »
« Après pas mal de discussions entre nous, après avoir consulté des professeurs de droit constitutionnel et des cabinets d’avocats, nous avons compris que la seule manière possible pour changer les choses, c’était de faire un recours en justice contre ce système de particratie, soulignent les représentants d’Oxygène et de Vista. C’est un dernier recours. » Car ces dernières années, de nombreuses expressions publiques ont eu lieu sur le sujet tant en Flandre qu’en Wallonie ou à Bruxelles, constatent-ils, sans que rien ne change. Et la Vivaldi, qui avait fait du renouveau politique un de ses objectifs, n’a pratiquement rien fait. « Il y a eu des réactions très polies à ces expressions, mais les politiques en place ne sont pas capables de bouger le système parce qu’ils ne bénéficient tous. On a créé un oligopole public, de fait ! »
Réformer le financement, diminuer les seuils électoraux, adapter les législations… La justice ne changera pas les choses en soi. « Mais une déclaration de la Cour constitutionnelle pourrait forcer les choses, amener les partis à ouvrir davantage le système », espèrent-ils.
Plus d’informations sur le site de stop particratie
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