De Wever, l’architecte d’une révolution flamando-wallonne: le nouveau gouvernement vu de Flandre

Prime Minister Bart De Wever and King Philippe - Filip of Belgium and Arizona ministers pictured after the oath ceremony of the new Prime Minister and members of the federal government at the Royal Palace, Sunday 02 February 2025, in Brussels. Negotiators from the five parties that make up the Arizona coalition - the N-VA, MR, Engagés, Vooruit and CD&V - reached a government agreement on Friday evening. BELGA PHOTO JASPER JACOBS

Que pense-t-on de ce nouveau gouvernement de l’autre côté de la barrière linguistique ? Revue de presse.

Pour Karel Verhoeven, du Standaard, Bart De Wever va faire prendre au pays un nouveau pli. Le quotidien précise aussi que si « De Wever s’exprime aujourd’hui avec plus de diplomatie envers les francophones. Il n’a en rien atténué son objectif politique. (…) Contrairement à ses prédécesseurs comme Charles Michel et, surtout, Alexander De Croo, il est un homme avec un plan, qu’il entend mettre en œuvre sur le long terme ».

Du côté de De Morgen, on relève que pour la première fois, un nationaliste flamand dirigera le pays. “Après un quart de siècle en politique de premier plan, De Wever entame aujourd’hui son premier mandat exécutif au niveau fédéral”. Le quotidien relève aussi la suprise de Rob Beenders (Vooruit) qui « hérite des compétences liées à la Consommation, à la Lutte contre la fraude sociale et à l’Égalité des chances. Son retour en politique est notable après six ans d’absence ». « Le parti socialiste flamand Vooruit s’engage à défendre ce nouveau projet politique porté par De Wever. « Je veux pouvoir regarder les prochaines générations dans les yeux et leur dire : nous allons remettre de l’ordre dans ce pays pour vous », a déclaré hier son président, Conner Rousseau.

Dans son édito Bart Eeckhout du Morgen montre le chemin parcouru par le simple fait que De Wever accorde une interview à la RTBF. « Un événement en soi, après des années de boycott amer. Cela montre que beaucoup de choses ont changé, non seulement pour le Premier ministre, mais aussi dans le pays. Ce n’est pas le résultat d’un choc soudain, mais d’une évolution progressive ». Le commentateur relève aussi que « le nouveau Premier ministre a déclaré que son gouvernement représentait “une marche de dix ans”, car “on ne peut pas assainir ce pays en cinq ans”. En d’autres termes, De Wever part avec l’idée de gouverner pendant deux mandats ».  Mais « De Wever n’a pas précisé s’il comptait gouverner dix ans avec la même coalition. Pour tenir déjà cinq ans, il devra maintenir un équilibre fragile au sein de la majorité. Cet équilibre a déjà été difficile à trouver lors des négociations, et chaque crise budgétaire risque de le faire vaciller à nouveau. »

Dans Het Nieuwsblad « Après plus de vingt ans, Bart De Wever quitte la présidence de la N-VA. Le fait qu’il le fasse pour devenir Premier ministre d’un gouvernement sans grande réforme institutionnelle peut sembler surréaliste à la belge. Mais pour la politique de ce pays, c’est une bonne chose. Reste à voir si le reste de son gouvernement suivra ». Et rappelle que si Bart De Wever est depuis vingt ans un géant de la communication politique, un vétéran de la guerre de perception quotidienne. En matière de gouvernance, il reste un novice. » « Pendant deux décennies, il a pu, de loin, philosopher sur ce qui devrait être fait, lancer des missiles verbaux depuis les tribunes. Parfois brillant, parfois intéressant, parfois gratuit. Mais pour changer réellement la vie des gens, il faut descendre dans l’arène. Pour la crédibilité du monde politique, voir De Wever franchir ce cap est un bon signal ».

Selon le spécialiste de la politique de la VRT Ivan De Vadder, “Il a fallu longtemps avant que le nationaliste flamand De Wever réalise qu’il ne pouvait réformer la Belgique que comme chef d’un gouvernement. Mais la question cruciale sera de savoir si le nationaliste flamand réussira finalement à changer la Belgique ou si ce sera la Belgique qui changera le nationaliste flamand”.

Une transformation flamando-wallonne d’une tout autre nature

Selon le quotidien De Standaard , Bart De Wever a « orchestré une révolution flamando-wallonne d’une tout autre nature. « Il a ainsi laché une phrase cruciale sur la VRT, mais non répétée sur la RTBF : « La réforme communautaire la plus profonde que l’on puisse mener est la limitation dans le temps des allocations de chômage. Dans le vaste plan d’assainissement budgétaire du gouvernement Arizona, aucune mesure ne génère plus d’économies que les coupes dans le système de chômage. Près de 70 % des chômeurs de longue durée vivent en Wallonie et à Bruxelles. Ces économies et leurs effets de retour pourraient financer environ la moitié de l’assainissement budgétaire. Avec Arizona, De Wever entend ainsi assurer la prospérité flamande en utilisant la carotte et le bâton pour stimuler la croissance économique en Wallonie et à Bruxelles.

Mieux encore, cela ne suscite pas d’opposition frontale du côté francophone dit encore De Standaard. Pourtant « les francophones qui redoutent encore que De Wever finisse par diviser le pays sous-estiment peut-être l’ampleur de la prise de contrôle qu’il est en train d’opérer, y compris en Wallonie et à Bruxelles conclut encore le quotidien qui ajoute tout de même un peu fielleusement « Que restera-t-il de son confédéralisme flou s’il parvient à imposer le cœur de son programme de gouvernement, un ensemble de mesures visant à encourager le travail, l’innovation et l’entrepreneuriat ? »

Dans De Morgen Bart Eeckhout  précise encore que « se projeter sur dix ans de pouvoir permet à De Wever de croire qu’une réforme confédérale pourra voir le jour d’ici 2029.  Sauf que « De Wever risque de se prendre à son propre piège : une réforme de l’État ne devient une priorité que lorsque le pays est mal gouverné. Or, son ambition est justement de prouver que la Belgique peut être bien gouvernée. »

Un rapide enlisement ?

Dans une autre analyse le quotidien précise De Standaard précise encore que « Dès que les comptes ne seront plus équilibrés, le gouvernement De Wever risque de s’enliser rapidement. La phrase la plus cruciale du volumineux accord de gouvernement est peut-être celle qui stipule que « l’effort budgétaire total sera réalisé sans augmentation de la pression fiscale ». Ce principe deviendra un mur contre lequel Vooruit risque de se briser, d’autant plus qu’aucun seuil minimum n’a été fixé pour les coupes budgétaires ».

Dans Het Nieuwsblad Isolde Van Den Eynde revient elle sur l’importance des postes et du choix des ministres. « Oui, les postes comptent. La N-VA garde les réformes les plus importantes pour elle-même. Ce gouvernement est à l’origine de la plus grande réforme des pensions depuis des décennies. La N-VA n’en a pas fait un argument de campagne, mais cette réforme est nécessaire pour remettre structurellement le pays en ordre. Et mieux vaut que la N-VA garde fermement la main sur le gouvernail. C’est une leçon que le parti a tirée du gouvernement Michel. C’est pourquoi elle conserve aussi le ministère des Finances ». « Jan Jambon a l’habitude de scier de grosses planches, selon De Wever ; il devra maintenant se spécialiser dans le travail de précision. Dans cette optique, il est surprenant que De Wever ne conserve pas pour lui-même le talon d’Achille du gouvernement : le budget. » (…) « Ne croyez donc pas ceux qui disent que les figures politiques n’ont pas d’importance. Regardez comment la réforme de l’État, qui semblait plus ambitieuse sur le papier sous la Vivaldi, a fini par tourner au fiasco entre les mains de deux ministres. À l’époque, des vice-Premiers ministres comme Pierre-Yves Dermagne (PS) et David Clarinval (MR) ont servi de puppets on a string, des marionnettes. Ce piège, le gouvernement De Wever ne s’y est en tout cas pas laissé prendre. »

Trop peu de femmes

Dans le nouveau gouvernement réduit à 15 ministres (et sans secrétaire d’état), il y a à peine de femmes, et il n’y en a même aucune au sein du noyau ministériel. « Ce n’est pas très élégant », a commenté De Wever. « Chaque parti désigne ses propres représentants », a-t-il ajouté, tout en admettant qu’il s’attendait à ce qu’« une femme soit présente dans le noyau ». « Le gouvernement flamand compte de nombreuses femmes. Ici, c’est allé dans l’autre sens. C’est évidemment regrettable. » Ce point est aussi rélevé par  De Morgen : Le fait que le nouveau noyau fédéral ne compte que des hommes est, selon De Wever, « inattendu » et « regrettable », mais pas un problème majeur.

Une cabinet entièrement masculin envoie, dit encore le politologue Robin Devroe à la VRT, un mauvais signal à l’extérieur. “Cela crée l’image que les fonctions importantes et puissantes sont principalement attribuées aux hommes. Dans une société où l’égalité des genres est très valorisée, il est regrettable que cela ne soit pas reflété en politique.” “Ce n’est pas seulement l’inégalité entre les sexes qui peut poser problème. ‘Si vous regardez quels hommes sont dans ce cabinet restreint, vous voyez peu de diversité. Ce sont presque tous les mêmes profils, qui ont donc aussi le même état d’esprit. Plus de diversité signifie aussi plus de perspectives à la table.'”, dit-il encore.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content