Un fonds ‘Made in Europe’ pour racheter des entreprises d’importance “stratégique”
Empêcher la délocalisation d’entreprises dans des secteurs stratégiques : voilà à quoi doit servir le Fonds de souveraineté porté par le commissaire européen Thierry Breton.
Alors qu’il y a plusieurs jours, le ministère de l’économie belge nous confiait « attendre beaucoup » de la Commission européenne sur le Fonds de souveraineté Made in Europe, Thierry Breton – commissaire européen au marché intérieur – en a donné les premiers contours ce jeudi.
Ce Fonds fait partie de la contre offensive européenne face à l’Inflation Reduction Act (IRA) déployé par les Etats-Unis, visant à financer (généreusement) l’industrie verte sur le territoire américain.
Net Zero Industry Act, réindustrialisation de l’Europe, Fonds de souveraineté Made in Europe. Les leaders européens enchaînent donc les annonces et promesses pour convaincre les entreprises européennes de rester sur le territoire, et voire pour d’autres de se rapatrier sur le continent.
Si le Net Zero Industrie Act ou accord pour une industrie zéro émission nette – c’est-à-dire une industrie qui compense intégralement ses émissions de gaz à effet de serre – trace les contours de la politique industrielle à suivre, le Fonds de souveraineté sera la planche à billets. C’est donc assez logiquement qu’au-delà des grands discours, les pays européens attendent impatiemment d’en connaître le contenu.
La Belgique en tête, le ministère de l’économie nous avait indiqué le 16 mai dernier « attendre beaucoup » de la communication de la Commission européenne. « Il [le Fonds de souveraineté] devrait être publié en septembre. Nous espérons que cela garantira que les États membres européens pourront rivaliser sur un pied d’égalité. »
Rapatrier des entreprises au nom de la sécurité économique
C’est donc à l’occasion de son audition devant la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale française ce jeudi que Thierry Breton a abordé le sujet. Et parce qu’il y a le mot “souveraineté” dans le qualification de ce nouveau Fonds, le commissaire européen a commencé par rappeler : “On a appris quelque chose au cours de ces dernières années : il n’y a pas un pays qui puisse lutter seul contre ces crises […] et c’est parce que nous sommes le premier marché au monde que nous pouvons trouver des solutions.”
Et le vrai enjeu derrière la création de ce Fonds est de pouvoir rapatrier certaines industries dans des secteurs aujourd’hui biberonnés au marché chinois: “Il ne suffit plus d’être une seule puissance en matière de recherche, […] mais il faut aussi avoir une capacité de production domestique. Et c’est le changement de paradigme que je porte. C’est la fin de l’Europe naïve et l’affirmation d’une Europe-puissance”. Il poursuit : “Notre force, c’est le marché intérieur.[…] J’appelle cela la géopolitique des chaînes de valeur. L’Europe est ouverte, mais à nos conditions. Parce qu’il n’y a pas d’industrie sans usine.”
C’est la fin de l’Europe naïve et l’affirmation d’une Europe-puissance
Thierry Breton
Le Fonds souveraineté vise donc à permettre d’empêcher des entreprises de partir ailleurs au nom de la sécurité économique. “Nous défendons la mise en œuvre d’un Fonds de souveraineté qui doit intervenir en soutien d’un certain nombre d’entreprises de secteur stratégique, comme la santé et l’énergie, des secteurs critiques.”
Jusque là absent des politiques européennes selon Thierry Breton, c’est outil permettra de “pouvoir intervenir si jamais on voit qu’il y a une entreprise particulière qui peut jouer un rôle stratégique, voire systémique, au sein d’une chaîne de valeur. On pourra ainsi l’acheter et éviter que celle-ci tombe dans des mains [qu’on ne contrôlerait pas].”
En ce qui concerne l’origine de ce Fonds, cela reste flou, le commissaire européen au marché intérieur ayant indiqué à l’annonce de sa création : “je pense que nous devrions envisager la possibilité de financer ce Fonds par une dette commune, comme nous l’avons fait avec succès pour NextGeneration EU.” Enfin, Thierry Breton a également annoncé à l’occasion de cette audition l’établissement d’un “agenda de la sécurité économique” avec une proposition de texte qui doit être communiquée dans les jours qui viennent.
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