L’OCDE tire la sonnette d’alarme. Les surtaxes douanières imposées par Donald Trump menacent sérieusement la croissance mondiale. L’organisation internationale, qui publie ce mardi ses nouvelles prévisions économiques, abaisse ses estimations pour la majorité des pays développés, États-Unis en tête. La Belgique, bien que vulnérable aux tensions commerciales, est relativement épargnée.
« Asseyez-vous, passez un accord », martèle l’économiste en chef de l’OCDE, Alvaro Pereira. Pour l’organisation, les droits de douane punitifs décidés par le président américain depuis son retour à la Maison Blanche créent un climat d’incertitude délétère pour le commerce mondial. « Nous avons revu en baisse la croissance de quasiment chaque économie dans le monde », a-t-il déclaré à l’AFP. Selon lui, les hausses tarifaires « affectent le commerce, en particulier la consommation et l’investissement ».
Depuis janvier, Washington a multiplié les annonces de surtaxes – notamment un doublement à venir sur l’acier et l’aluminium, à 50 % – provoquant une instabilité réglementaire qui pèse sur les décisions d’investissement.
Le coup d’arrêt d’un rebond éphémère
L’OCDE rappelle qu’un sursaut temporaire du commerce mondial avait été observé fin 2024 et début 2025, les entreprises anticipant les sanctions à venir en reconstituant leurs stocks. Mais cet effet d’aubaine a déjà fait long feu. « Certains signes apparaissent annonçant une dégradation des résultats », alerte l’organisation, qui cite notamment le plongeon du prix du fret maritime entre Shanghai et les États-Unis, révélateur d’un ralentissement brutal des échanges.
Selon l’OCDE, l’effet des hausses tarifaires bilatérales entre les États-Unis et leurs partenaires « va probablement transparaître de plus en plus nettement dans les indicateurs économiques », et ce d’autant plus que les États-Unis représentent un débouché crucial pour de nombreux pays : 75 % des exportations mexicaines et canadiennes, 19 % pour le Japon, 13 % pour la Chine, 10 % pour l’Allemagne. En mai, le taux effectif des droits de douane américains sur les importations est passé de 2 % à 15,4 %, son plus haut niveau depuis 1938.
Le ralentissement américain
Les États-Unis ne sont pas épargnés par leur propre offensive commerciale. L’OCDE prévoit un net ralentissement de la croissance américaine : le PIB ne progresserait plus que de 1,6 % en 2025 (contre 2,2 % anticipés en mars), et de 1,5 % en 2026. En cause : les tensions commerciales, mais aussi une contraction de l’immigration nette et une réduction du nombre de fonctionnaires fédéraux, décidée par l’administration Trump.
L’inflation reste aussi plus élevée qu’ailleurs : 3,2 % en 2025 et 2,8 % en 2026, soit environ un point de plus que dans la zone euro, en partie à cause des hausses de prix provoquées par les surtaxes.
L’Europe encaisse le choc
La zone euro, visée elle aussi par les mesures protectionnistes américaines, voit sa prévision de croissance mondiale maintenue à 1 % pour 2025. Mais les situations nationales divergent. La France subit une révision à la baisse, de 0,8 % à 0,6 %.
La Belgique relativement préservée
Dans ce paysage globalement assombri, la Belgique fait figure d’exception modérément optimiste. La croissance du PIB y resterait stable à 1,0 % en 2025 et 2026. L’économie belge continue de bénéficier d’une consommation des ménages solide, même si celle-ci ralentit avec l’érosion du pouvoir d’achat. L’investissement, en forte progression en 2023 et 2024, montre désormais des signes de faiblesse, en raison des incertitudes géopolitiques et commerciales.
L’OCDE souligne toutefois que l’exposition directe de la Belgique aux nouvelles surtaxes américaines reste limitée : ses principales exportations vers les États-Unis, notamment pharmaceutiques et chimiques, sont largement exemptées. Le danger viendrait plutôt d’un ralentissement de ses partenaires commerciaux européens, qui affecterait indirectement les exportations belges.
L’inflation reflue progressivement – à 2,3 % en avril 2025 – et le marché du travail tient bon, même si la croissance de l’emploi ralentit. En revanche, le déficit budgétaire reste préoccupant, et la Belgique ne devrait pas respecter les objectifs européens en 2025 et 2026. L’OCDE appelle à des réformes fiscales profondes, notamment pour alléger la fiscalité sur le travail, renforcer l’emploi et stimuler l’investissement.

Credit : OCDE
Un appel au dialogue
Dans ce contexte de fragmentation croissante du commerce mondial, l’OCDE insiste sur l’urgence d’une désescalade diplomatique. « Éviter une aggravation est absolument essentiel dans les mois et les années à venir », avertit Alvaro Pereira. Pour l’économiste, seule une reprise du dialogue entre partenaires commerciaux permettrait d’éviter une récession à plus grande échelle : « La meilleure option, c’est asseyez-vous, passez un accord, et tout le monde s’en portera mieux. »