Tout savoir sur la taxation de vos plus-values

Jan Jambon. Le ministre des Finances présente les détails de la taxe. © BELGAIMAGE
Sébastien Buron
Sébastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Après avoir longtemps suscité des tensions au sein du gouvernement, la taxe sur les plus-values a finalement été actée par l’Arizona. Qui est touché ? Et comment ? Voici l’essentiel à retenir.

Dans un contexte budgétaire extrêmement difficile, l’équipe fédérale a trouvé un accord sur l’instauration d’une nouvelle taxe sur les plus-values. Tournant majeur dans la fiscalité belge, la mesure n’a pas fini de faire parler d’elle. Suscitant nombre de questions dans le chef des investisseurs et autres actionnaires de PME.

L’occasion de faire le point sur cette nouvelle donne en 20 étapes, histoire d’éviter une surexposition au nouvel impôt.

1. Entrée en vigueur

La taxe s’appliquera à partir du 1er janvier 2026. Point essentiel à retenir : elle n’aura pas d’effet rétroactif. Elle ne portera que sur les plus-values futures, c’est-à-dire constatées et réalisées après cette date, et non aux plus-values accumulées par le passé.

2. Actifs visés

La taxe vise une très large gamme de produits financiers tels que les actions, les obligations, les fonds, les ETF (fonds négociés en Bourse), les produits dérivés (options, warrants), l’or physique (mais pas l’argent ou le platine) ou les cryptomonnaies (bitcoin, etc.).

Seront également taxés les gains consécutifs au rachat total ou partiel de produits d’assurance (placement de la branche 21 et de la branche 23). Ce qui ne fera pas le bonheur du secteur des assurances. “Le produit va faire mal deux fois”, souligne Lara Hadjistratis, responsable wealth solutions chez ABN Amro private banking.

3. Plus-values réalisées

Les plus-values concernées sont les gains effectivement obtenus suite à la vente d’un actif financier par rapport à son prix d’achat. N’entrent pas en ligne de compte les plus-values latentes, c’est-à-dire les gains potentiels non encore réalisés, correspondant à l’appréciation de la valeur d’un actif toujours en possession de l’investisseur.

4. Tarif d’imposition

Le taux est fixé à 10%. Les actionnaires détenant au moins 20% du capital d’une société bénéficieront d’un régime dérogatoire. Une taxation progressive sera appliquée à partir du premier million d’euros. Les plus-values qui dépassent ce montant seront imposées à un taux progressif :

  • 1,25% jusqu’à 2,5 millions ;
  • 2,5% jusqu’à 5 millions ;
  • 5% entre 5 millions et 10 millions ;
  • 10% sur la plus-value dépassant 10 millions.

5. Pas l’épargne-pension

Bonne nouvelle pour les épargnants qui préparent leur retraite! Les pensions complémentaires du deuxième pilier (assurances groupe, fonds de pension, EIP) et du troisième pilier (épargne pension individuelle) ne rentrent pas dans le champ d’application de la taxe.

6. Exonération maximale

Pour limiter l’impact de cette taxe sur les petits et moyens investisseurs, les 10.000 premiers euros gagnés ne seront jamais taxés. Par année où cette exonération n’est (quasi) pas utilisée, il est possible de reporter jusqu’à 1.000 euros sur une année ultérieure, avec un maximum de cinq ans. Une exonération maximale de 15.000 euros (30.000 euros pour les couples mariés) pourra ainsi être obtenue, pour ceux qui décident de garder leurs actifs.

“Cela veut dire aussi que si le contribuable utilise chaque année sa déduction, il pourra bénéficier d’une exonération de 50.000 euros (5 x 10.000 euros) au bout de cinq ans, alors que s’il attend cinq ans pour réaliser des plus-values, il aura juste droit à une déduction fiscale de 15.000 euros”, signale Lara Hadjistratis. À noter aussi qu’il s’agit bien d’une exonération globale. Toutes les transactions seront prises en compte, dans tous les portefeuilles ou institutions bancaires confondus. Pas question de pratiquer une exonération de 10.000 euros par action, obligation ou autre.

7. Participations importantes

En cas de participation importante (minimum 20%), les règles diffèrent du régime standard. La plus-value réalisée sur la vente d’actions d’une société sera exonérée à concurrence d’un million d’euros. Visant à traiter moins sévèrement les chefs d’entreprise (propre PME, sociétés familiales), cette exonération s’appliquera une fois par période de cinq ans. Impossible d’en bénéficier chaque année. En outre, le regroupement familial est passé à la trappe. Chaque actionnaire devra atteindre individuellement les 20% pour bénéficier de l’exonération sur le premier million d’euros.

“Les membres d’une même famille ne pourront donc pas regrouper leurs actions pour atteindre ce seuil et bénéficier de l’exemption”, précise François Parisis, ingénieur patrimonial à la Banque Transatlantique Belgium.

Pour ceux qui détiennent moins de 20% d’une société, l’exonération sera limitée à 10.000 euros.

8. Déductibilité des moins-values

Ce n’était pas tout à fait clair dans la communication du ministre des Finances, mais les moins-values seront bien déductibles de la base imposable. Du moins pour les mêmes types de revenus.

Concrètement ? En 2027, vous réalisez une plus-value totale de 25.000 euros en vendant divers investissements. Durant cette même année, vous vendez d’autres actifs financiers sur lesquels vous dégagez une perte de 3.000 euros. La plus-value nette imposable sera alors de 22.000 euros (25.000 – 3.000), abstraction faite de l’exonération.

Attention : seules les moins-values de l’année sont imputables (pas de report d’un exercice fiscal à l’autre).

Résultat ? “Cela va pousser les contribuables à vendre en fin d’année des positions en perte pour que les moins-values réduisent les plus-values réalisées par ailleurs”, selon François Parisis.

9. La patience pas récompensée

Contrairement à ce qui était initialement envisagé, l’exonération des plus-values pour les actifs détenus pendant plus de 10 ans a été abandonnée. Cette disposition, qui visait à encourager l’investissement à long terme, ne figure malheureusement pas dans l’accord final.

10. Méthode de calcul

La valeur des actifs au 31 décembre 2025 servira de référence pour le calcul des plus-values ultérieures. A moins que le contribuable ne puisse démontrer que son prix d’acquisition était plus élevé. Exemple : une action est achetée à 100 euros en 2023 et revendue le 15 septembre 2026 à 150 euros. Sur le plan économique, la plus-value s’élève à 50 euros. Mais, le cours de cette même action le 31 décembre 2025 était de 120 euros. Dans ce cas, vous ne payez que 10% sur 30 euros (150 – 120).

À noter que pour ce qui est du prix de vente, c’est le système FIFO qui a été retenu (First In, First Out). Ce sont les premiers titres achetés qui sont vendus. On ne calcule donc pas une moyenne des cours d’achat. Pour la valorisation des sociétés non cotées, il sera possible de faire appel à un réviseur d’entreprises ou à un comptable indépendant. Mais le fisc pourra toujours contester cette valorisation.

Le choix entre une retenue à la source par les banques et une déclaration est laissé au contribuable. © PG

11. Taxe Reynders

Contrairement à ce qui avait été envisagé dans la première mouture du texte, la taxe Reynders sera maintenue (précompte mobilier de 30% sur les plus-values de certains fonds obligataires). Pour éviter une éventuelle double imposition, l’assiette de la nouvelle taxe sur les plus-values sera toutefois allégée pour ne plus s’appliquer qu’à la composante d’intérêts. Pour François Parisis, “la combinaison de ces deux taxes risque de poser pas mal de problèmes pratiques”.

12. Mode de prélèvement

Le choix entre une retenue à la source par les banques et une déclaration est laissé au contribuable. Ce dernier disposera d’une option de retrait (opt-out). “Autrement dit, explique François Parisis, il sera possible de demander à sa banque de ne pas prélever l’impôt sur la plus-value au moment où les actifs financiers sont vendus. Ce faisant, il faudra assumer soi-même la responsabilité de mentionner ses plus-values dans sa déclaration de revenus annuelle et de régler l’éventuel impôt dû, grosso modo, deux ans plus tard. Vous éviterez ainsi de préfinancer l’État.”

Ce choix entraînera toutefois une charge administrative considérable pour le contribuable. Il faudra non seulement consolider les plus-values réalisées au sein de ses différents portefeuilles détenus – qu’ils soient détenus dans une ou plusieurs banques, y compris celles situées à l’étranger –, mais aussi retrouver les prix d’achat historiques, vérifier si ceux-ci sont supérieurs au cours du 31 décembre 2025, imputer les moins-values réalisées, ainsi que l’exonération de 10.000 euros.

13. Anonymat

Par souci de facilité et de discrétion, de nombreux contribuables préféreront probablement opter pour la retenue à la source. Une facilité qui a un coût. Ils renonceront ainsi à la possibilité de déduire leurs moins-values et de bénéficier de l’exonération des premiers 10.000 euros. Le seul avantage restant sera lié à la conservation d’une certaine forme d’anonymat.

À ceci près que celui-ci n’est aujourd’hui plus absolu, dans la mesure où le solde des comptes (y compris les comptes-titres) est communiqué tous les six mois par les banques au registre central des comptes de la BNB. Pour les titres détenus à l’étranger, il faudra renseigner soi-même les plus-values réalisées dans sa déclaration fiscale. En effet, le système de retenue à la source des 10% n’est pas possible ici.

14. Exit tax

L’accord prévoit d’appliquer une exit tax comme en France, aux Pays-Bas et en Allemagne. Le projet de texte tue ainsi dans l’œuf toute une série d’échappatoires, comme le déménagement ou les donations à des non-résidents.

“Les contribuables qui s’expatrient devront encore déclarer pendant deux ans leurs actifs financiers et les plus-values y afférentes, précise François Parisis. Si certains actifs ont été vendus durant cette période, la taxe sur la plus-value sera due en Belgique sur la différence entre la valorisation de l’actif financier au moment de l’expatriation et le prix d’acquisition de cet actif.”

15. Seuls les résidents belges

Les non-résidents ne sont pas soumis à la nouvelle taxe. Aussi, si un citoyen belge dont le domicile fiscal se trouve en France détient un compte-titres auprès d’une banque belge et réalise des plus-values sur ses avoirs déposés en Belgique, ces plus-values seront uniquement taxées en France.

16. Fondations et ASBL

Contrairement aux plus-values réalisées par une société qui n’entrent pas dans le champ d’application, les fondations privées et les associations sans but lucratif qui sont soumises à l’impôt des personnes morales seront également concernées par la taxe. Elle ne s’appliquera toutefois pas aux associations et fondations d’utilité publique habilitées à recevoir des dons fiscalement déductibles comme la Fondation Roi Baudouin, par exemple.

Concrètement, “les fonds nominatifs hébergés au sein de cette dernière pourront réaliser des plus-values exonérées d’impôt. Un incitant clair à créer une telle structure au sein de la Fondation, plutôt que sa propre fondation privée”, fait observer François Parisis.

17. Éviter la taxe

L’exonération des premiers 10.000 euros de plus-values (indexables jusqu’à 15.000 euros après cinq ans) peut constituer un levier d’optimisation important. En fractionnant la vente de titres sur plusieurs années afin de rester sous le seuil de 10.000 euros imposables, il est possible de minimiser la taxation de ses plus-values.

Attention toutefois au retour de bâton, avertit Denis-Emmanuel Philippe, avocat fiscaliste chez Bloom Law et professeur à l’Université de Liège. “Saucissonner de manière systématique ses gains, en réalisant de multiples opérations de ventes étalées sur plusieurs années consécutives – en particulier s’il s’agit d’actions de la même société et du même acheteur – dans le seul but de profiter de l’exonération annuelle de 10.000 euros, pourrait théoriquement être considéré comme un abus fiscal.”

Selon Denis-Emmanuel Philippe, il n’est pas impossible que le législateur adopte un jour une mesure spécifique “anti-splitsing” dans le cadre de cette nouvelle taxation des plus-values, un peu comme il l’a fait dans d’autres matières de la fiscalité comme la taxe sur les comptes-titres.

18. Garde-fou

Cette stratégie du saucissonnage ne fonctionnera pas pour les entrepreneurs qui détiennent au moins 20% des parts d’une entreprise. L’intégralité de la plus-value qui excède le premier million d’euros sera taxée. L’exonération n’est valable que par personne… et seulement une fois tous les cinq ans.

“Celui qui détient 100% des actions d’une PME ne pourra bénéficier plusieurs fois de l’exonération d’un million d’euros, en vendant chaque année 20% de ses actions”, précise Denis-Emmanuel Philippe.

19. Plus-values sur cryptos

La taxation des plus-values sur les actifs financiers au titre de revenus divers (au taux de 33%) est maintenue. C’est une autre grosse surprise de l’accord. Certains détenteurs de cryptomonnaies, par exemple, qui espéraient que l’introduction d’une contribution de solidarité de 10% qui les dispenserait de l’application éventuelle d’une taxation de 33% sur leur plus-values issues de transactions ne s’inscrivant pas dans la gestion normale d’un patrimoine privé (fréquence des opérations…), en sont donc potentiellement pour leurs frais.

20. En cas de succession

Si les actifs financiers se retrouvent dans la succession d’une personne décédée, ses héritiers seront soumis aux droits de succession. Mais ne devront pas payer la taxe sur la plus-value, qui sera “purgée”, indique François Parisis. Cela veut dire que la plus-value latente accumulée par le défunt n’est pas imposée à son décès. Et que l’héritier reprend comme valeur d’acquisition la valorisation retenue pour les droits de succession.

Si les actifs financiers se retrouvent dans la succession d’une personne décédée, ses héritiers seront soumis aux droits de succession, mais ne devront pas payer la taxe sur la plus-value.

Lors d’une revente ultérieure, la plus-value imposable dans le chef de l’héritier sera calculée uniquement sur la différence entre le prix de vente et cette nouvelle valeur d’acquisition. Le régime diffère en cas de donation. “À l’avenir, il sera dès lors plus intéressant de donner le cash issu de la vente des titres, plutôt que les titres eux-mêmes”, conclut-il.

500 millions – Le rendement budgétaire de la taxe attendu par an en rythme de croisière.

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