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Tout devra être payé! Par nous, contribuables, consommateurs, entrepreneurs

Imaginons. Vous avez du mal à rembourser votre crédit hypothécaire. Vous allez voir votre banquier et il vous dit: “Pas de problème. Reprenez un nouveau prêt chez nous, une partie va servir à rembourser votre ancien prêt, l’autre sera placée dans nos sicav, et le rendement de ce nouvel investissement vous tirera d’affaire!”. Vous imaginez? Nous non plus.

Pourtant, face aux défis qui pendent au nez d’une économie britannique peu florissante, le mini-budget annoncé la semaine dernière par la nouvelle Première ministre Liz Truss n’était rien d’autre que cela: une nouvelle ardoise. A côté de subsides pouvant s’élever à 150 milliards de livres afin d’alléger le poids de la facture énergétique, Liz Truss et son chancelier de l’Echiquier Kwasi Kwarteng avaient décidé d’octroyer 45 milliards de livres de cadeaux fiscaux, ciblant les plus pauvres (mais pas la classe moyenne), les entreprises et les riches (les ménages très aisés gagnant plus de 150.000 livres sterling par an devaient bénéficier de la disparition du taux marginal d’imposition le plus élevé). Cette dépense était censée se rembourser sur un meilleur futur, une économie à nouveau performante, marchant ou plutôt courant vers un avenir radieux. A ce niveau, ce n’est plus une politique économique mais un acte de foi.

Mais ce qui est remarquable, c’est que cela ne marche plus. Travaillistes, libéraux, mais aussi bon nombre de conservateurs, chefs d’entreprise, syndicalistes, Fonds monétaire international et agences de notation: tous ont rappelé durement au gouvernement britannique qu’ils ne croyaient pas en la multiplication des pains. Ils savent qu’un cadeau fiscal octroyé aujourd’hui se paiera inévitablement demain. Les Britanniques, toutes classes confondues, ne sont plus disposés à faire des sacrifices en échange d’une vague promesse d’accéder un jour à un hypothétique paradis d’une hyper-croissance à deux chiffres. Car nous sommes dans le monde réel. Et dans ce monde, il n’y a pas de paradis. Pas même de free lunch. Et il ne sert à rien de reprendre du dessert lorsque l’on n’a pas de quoi se payer le plat du jour.

Cela ne signifie pas qu’un coup de pouce de l’Etat ne soit pas nécessaire lors d’une pandémie ou d’une crise financière majeure. Mais il ne peut s’effectuer que dans un cadre limité et dans un contexte bien particulier, dans lequel on est sûr que ces dépenses auront permis d’éviter un effondrement général. Et lorsque les moyens sont limités, il convient de les orienter vers ceux qui en ont le plus besoin. Pas vers les contribuables gagnant plus de 150.000 livres.

Ne nous moquons pas trop vite des Britanniques. Nous voyons nous aussi arriver les factures de ce côté du Channel. Facture de l’énergie autrefois trop bon marché, d’un argent trop bon marché, d’une paix trop bon marché. Mais l’argent n’est pas bon marché, et le réveil des taux commence à faire mal, aux ménages, aux fonds de pensions, au Crédit Suisse… Le rebond des prix énergétiques nous oblige à investir massivement, très vite, dans un nouveau système décarboné, mais d’accélérer aussi l’amortissement des actifs fossiles. Et le bruit des tambours guerriers va nous obliger à dépenser pour notre sécurité un argent que nous aurions bien vu aller ailleurs, dans des dépenses plus productives.

Tout cela devra être payé. Par nous, contribuables, consommateurs, entrepreneurs. Ce que le Royaume-Uni nous a montré ces derniers jours, c’est que l’on ne peut pas indéfiniment tirer sur les lignes de crédit ni faire tourner la planche à billets. Il n’y a plus de free lunch. En fait, il n’y en a jamais eu.

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