Tom Wenseleers, biostatisticien: “Omicron peut infecter 40 à 50 % de la population” en Belgique
Avec des taux d’infection en forte augmentation, Omicron va régner sur le pays dans les semaines à venir. Il reste à voir si le système de soins de santé tiendra le coup. Les épidémiologistes se méfient, car une augmentation très rapide des chiffres met, à nouveau, la pression sur la capacité limitée des hôpitaux”, explique Tom Wenseleers, biostatisticien à la KU Leuven.
Omicron est moins pathogène que le variant Delta. Cela peut-il nous rassurer?
Tom Wenseleers : Nous risquons d’être victimes de la loi des grands nombres, car nous sommes confrontés à un mur de contamination. Même si Omicron est deux fois moins pathogène que le Delta, comme le suggèrent les dernières données, la baisse du taux d’hospitalisation ne compensera pas suffisamment la forte augmentation du nombre d’infections. La charge sur le système de soins de santé risque de devenir particulièrement importante. Le risque individuel avec Omicron est relativement limité et comparable à celui de la grippe, mais pour le secteur des soins, et tous les autres patients nécessitant des soins urgents, le risque est beaucoup plus grand, car le nombre d’infections sera beaucoup plus élevé que pour la grippe. Les modèles établis par les chercheurs de la London School of Hygiene and Tropical Medicine montrent que 40 à 50 % de la population pourrait être infectée par Omicron dans les mois à venir. Sur la base des chiffres du Royaume-Uni, on estime qu’environ 0,5 % de ces personnes pourraient se retrouver à l’hôpital. Le gros problème est la concentration sur une courte période de temps. Si la moitié de la population devait contracter la grippe au cours du même mois, les établissements de santé seraient débordés.
La campagne de rappel peut-elle réduire le nombre d’infections et d’hospitalisations ?
Tom Wenseleers : La campagne de rappel a déjà été prise en compte dans ces projections, et les rappels sont de toute façon le meilleur moyen de réduire considérablement le risque de maladie grave. La protection contre la maladie symptomatique diminue relativement rapidement après la troisième injection, car le vaccin n’est pas adapté au variant Omicron, mais la protection contre la maladie grave reste plus longue. Toutefois, il ne fait guère de doute qu’une quatrième injection avec un vaccin adapté suivra. On espère également que le tableau clinique du covid-19 s’atténuera vague après vague à mesure que nos systèmes immunitaires seront mieux entraînés, mais nous continuons à nous heurter au problème fondamental que les infections augmentent trop rapidement avec une capacité tampon trop faible des hôpitaux. Jusqu’à présent, un variant est apparu tous les six mois. Nous devons donc nous efforcer de trouver une solution structurelle en étant capables d’adapter plus rapidement les vaccins aux nouveaux variants. Actuellement, ce processus est encore trop long. En principe, le délai de production, y compris le contrôle de la qualité, d’un vaccin à ARNm adapté chez Pfizer est maintenant d’un mois et demi. Cependant, les procédures d’approbation complexes restent un goulot d’étranglement. Le temps qu’un vaccin adapté à une nouvelle souche puisse être administré, celle-ci sera plusieurs lettres grecques plus loin dans l’alphabet. Dans le cas de la grippe saisonnière, en raison de l’alternance des épidémies dans les hémisphères nord et sud, nous disposons toujours de six mois pour adapter les vaccins. Avec le coronavirus, malheureusement, nous n’avons pas ce temps.
Une note positive est peut-être que le variant Omicron sera éradiqué plus rapidement que le Delta ?
Tom Wenseleers : Omicron se propage beaucoup plus rapidement que le Delta, non pas parce que Omicron est intrinsèquement plus infectieux, mais parce que Omicron est mieux à même d’échapper à notre immunité et aussi parce que la période d’incubation semble être plus courte. Selon une étude sud-coréenne, Omicron peut être transmis après seulement 2,2 jours, contre 4 jours pour la variante delta. Cela implique que la courbe de contagion monte beaucoup plus vite, mais qu’elle baisse aussi plus rapidement. La courte période d’incubation signifie également qu’une politique classique de test et de traçage devient très difficile. Les tests rapides pourraient s’avérer utiles, même s’ils ne sont pas précis à 100 %. La période d’incubation plus courte rend également logique la réduction de la période de quarantaine, mais je préconise alors d’exiger deux tests rapides négatifs au retour de la quarantaine. Cela pourrait être une solution pour limiter les temps d’arrêt du personnel dus aux infections et aux mises en quarantaine dans les secteurs critiques.
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