Daan Killemaes
‘Tirez un trait sur les centrales nucléaires’
Prenez le plus rapidement possible une décision sur la durée de vie des centrales nucléaires, afin de libérer la voie pour les investissements dans de nouvelles centrales énergétiques. Tel est l’avis du rédacteur en chef du Trends néerlandophone, Daan Killemaes.
Les centrales nucléaires belges sont vieilles et fragilisées, mais elles permettent d’obtenir un résultat. Notre approvisionnement énergétique dépend de ces vieux combattants. C’est bien à court terme, car les centrales nucléaires fournissent une électricité bon marché, fiable et respectueuse du climat. Mais à long terme, elles sont un grand handicap. Si nous voulons disposer d’un mix d’énergie renouvelable et de centrales au gaz après 2025, nous devons prendre des décisions maintenant. Soit nous décidons de définitivement fermer les centrales nucléaires à l’horizon 2025, soit nous continuons avec l’énergie nucléaire jusqu’en 2045. Mais décidez, sinon nous n’arriverons nulle part.
Investissements
Tant que la durée de vie des centrales nucléaires restera aux prises du flou de la politique belge, les producteurs d’électricité n’investiront pas dans de nouvelles capacités de production, excepté dans une énergie verte suffisamment subsidiée. Ce n’est pas avec cela qu’on y arrivera. En conséquence, prenez le plus rapidement possible une décision sur la durée de vie des centrales nucléaires, afin de libérer la voie pour les investissements dans de nouvelles centrales énergétiques. La Belgique a investi considérablement dans des lignes à haute tension supplémentaires pour importer de l’électricité bon marché de l’étranger. Dans des périodes de pénurie sur le marché européen, nous courons un important risque d’approvisionnement.
Hélas, la Belgique a pour l’instant décidé de ne pas décider sur la durée de fonctionnement des centrales nucléaires. Officiellement, nous avons décidé en 2003 de la sortie définitive de l’énergie nucléaire à l’horizon 2025, mais nous avons fait cela sans vision réfléchie ou plan détaillé pour préparer le remplacement. C’est la raison pour laquelle la politique – ou le manque de politique – doit officieusement soutenir la prolongation systématique de la durée de vie des centrales nucléaires. L’organisation des employeurs FEB opte pour le scénario d’une prolongation de la durée de vie et exprime de cette manière le point de vue d’Engie, un de ses membres les plus importants.
Tirez un trait sur les centrales nucléaires
Engie, en tant que plus important propriétaire des centrales nucléaires belges, se frotte bien sûr les mains à la perspective de la prolongation de leur durée de vie. Pour le géant énergétique français, il est évident que la Belgique a encore besoin des centrales nucléaires jusqu’en 2045. C’est l’analyse d’Engie dans son dernier rapport annuel. “Étant donné que la durée de fonctionnement de Tihange1, Doel1 et Doel2 a été prolongée de plus de 40 ans, étant donnée l’importance de l’énergie nucléaire dans l’approvisionnement énergétique belge, étant donné le manque de plan clair pour stimuler les entreprises énergétiques à investir dans de nouvelles centrales thermiques et étant donné l’objectif de limitation de l’émission de gaz à effet de serre, l’énergie nucléaire sera également nécessaire après 2025. Le groupe se fonde sur une prolongation de fonctionnement de 20 ans de la moitié des centrales de la deuxième génération (Doel 3 et 4 et Tihange 2 et 4)”. Cela rapporterait énormément d’argent à Engie. Sur papier, le parc de production belge est évalué à 4,2 milliards d’euros. Si toutes les centrales nucléaires fermaient en 2025, Engie devrait en amortir 2,8 milliards d’euros. Une prolongation de seulement dix ans coûterait 1,3 milliard d’euros à Engie.
Sortie du nucléaire
Pouvons-nous faire sans centrales nucléaires ? Probablement. L’Allemagne s’en tient à sa sortie du nucléaire, bien que celle-ci implique une plus grande dépendance au charbon et un solide coût pour le consommateur. La clarté d’une sortie belge du nucléaire suscitera de nouveaux investissements de la part d’acteurs privés. Les autorités peuvent accompagner la transition par une subvention intelligente de l’électricité verte qui suivrait de très près la diminution des coûts. En complément, on pourrait aussi envisager un subside pour les investissements dans les capacités de base. Mais surtout : décidez, et le marché pourra ensuite faire son travail. Les experts estiment que ce choix ne poussera pas les prix de l’électricité vers le haut. Vous pouvez dès lors tout aussi bien immédiatement tirer un trait sur nos centrales nucléaires.
Ou décidez dès à présent de tout de même continuer avec l’énergie nucléaire après 2025. Les investisseurs sauront dans ce cas où ils en sont et ils pourront faire des plans à long terme. Aujourd’hui, cela est impossible. Les investissements ne sont rentables que s’il y a suffisamment de flambées de prix en perspective. Une pénurie structurelle est donc nécessaire pour investir, mais ces investissements auraient pour effet d’éliminer à nouveau la pénurie. Personne ne veut de flambée de prix, de pénurie d’électricité et de black-out permanents.
Entre-temps, le compteur tourne. La surcapacité européenne masque le lent accroissement de la pénurie des capacités de base à l’intérieur des frontières. L’importation est limitée et en dehors des frontières, la surcapacité faiblit. Le géant électrique allemand RWE signale que la surcapacité disparaît sur le marché allemand. La date de péremption de notre politique du laisser-faire est en vue.
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