Les experts-comptables et conseillers fiscaux tirent la sonnette d’alarme face à la future taxe sur les plus-values. En cause : l’obligation pour les intermédiaires de transmettre certaines informations au fisc. L’Ordre des experts-comptables dénonce un glissement dangereux vers un rôle de “dénonciateur fiscal”.
Les experts-comptables et les conseillers fiscaux montent au créneau contre la nouvelle taxation des plus-values, dont l’entrée en vigueur est prévue le 1er janvier 2026. Le dispositif, récemment finalisé par le gouvernement, prévoit que plusieurs intermédiaires – notamment les experts-comptables, mais aussi les avocats, les banquiers, les réviseurs ou encore les estate planners – devront transmettre à l’administration fiscale certaines informations relatives aux projets de plus-values : nature de la transaction, montants concernés, etc.
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Une mesure qui suscite une vive opposition de l’Ordre des experts-comptables et conseillers fiscaux (OECCBB), lequel dénonce des obligations déclaratives contraires aux principes fondamentaux de l’État de droit fiscal. Ces nouvelles exigences, estime-t-il, pourraient incomber aux experts-comptables dans le cadre de cette réforme, et modifieraient profondément la nature de leur rôle.
Guetteurs fiscaux
Selon l’association, ces obligations font glisser les professionnels du chiffre vers une fonction d’auxiliaires de l’État, au détriment de leur mission première : servir les intérêts de leurs clients. “Nous confier une telle responsabilité est potentiellement dangereux pour la relation entre un expert-comptable et son client”, alerte Emmanuel Degrève, président de l’OECCBB. Il évoque une mesure qui soulève de nombreuses questions pratiques et délicates : “Qui sera responsable de quoi si plusieurs intervenants sont impliqués dans un projet de plus-values ? L’expert-comptable de l’acheteur, celui du vendeur ?”
Selon Emmanuel Degrève, un professionnel du chiffre ne peut être considéré comme compétent s’il est contraint de privilégier l’intérêt de l’administration fiscale au détriment de celui de son client. Cela va à l’encontre d’un mandat basé sur la loyauté, la compétence et la confiance. “Nous forcer à devenir des guetteurs fiscaux ou des dénonciateurs reviendrait à briser ce lien de confiance, pourtant essentiel au bon fonctionnement du droit fiscal dans une démocratie – et, plus largement, à l’économie du pays.”
Secret professionnel
Emmanuel Degrève insiste également sur l’importance du secret professionnel, qu’il considère comme un pilier fondamental de la relation entre le conseiller et son client, souvent des entrepreneurs, des indépendants ou des familles qui s’efforcent de respecter un système fiscal devenu particulièrement complexe. Détourner ce principe à des fins purement budgétaires ne ferait, selon lui, qu’alimenter l’insécurité juridique et affaiblir encore un peu plus la dynamique entrepreneuriale. “Prévoir des exceptions au secret professionnel est inapproprié”, dit-il.
À cela s’ajoute la question de la surcharge administrative. Les experts-comptables dénoncent une nouvelle couche réglementaire dans un environnement déjà saturé, estimant que cette obligation de déclaration alourdit encore un millefeuille devenu presque ingérable. “Notre profession n’en peut plus, elle est à genoux. On devrait nous soutenir, pas nous assassiner à chaque fois que l’État n’est pas en mesure d’assurer sa propre mission de collecte de l’impôt”, déplore encore Emmanuel Degrève.
Reste à voir si cet appel sera entendu, et s’il pourra encore infléchir un projet déjà solidement ficelé, dont chaque ligne a été longuement négociée.