Carte blanche
Taxation de l’économie numérique: besoin urgent d’un système fiscal 4.0
La taxation de l’économie numérique est un sujet complexe. En effet, tout le monde s’accorde à dire que l’économie numérique en tant que telle n’existe pas. On assiste toutefois à une digitalisation poussée de la société et des tendances claires se dessinent. Airbnb n’exploite pas de B&B, Uber ne possède pas de taxis, … et pourtant, ces entreprises pèsent des milliards de dollars dans le monde entier. Dès lors, la question se pose de savoir comment taxer ces entreprises. C’est ce thème qu’a analysé la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) dans son magazine REFLECT.
Jean Baeten, responsable du centre de compétence fiscal de la FEB, identifie deux priorités urgentes :
- Premièrement, le cadre fiscal international doit être réformé au sein de l’OCDE, afin éventuellement de répartir autrement le pouvoir de perception sur les bénéfices entre les États, compte tenu des spécificités de l’économie numérique ;
- Par ailleurs, il faut combattre la concurrence déloyale et veiller à maintenir un level playing field entre l’économie numérique et l’économie traditionnelle. Les fournisseurs d’activités numériques doivent aussi respecter leurs obligations fiscales, s’ils ne le font pas encore.
L’importance des actifs corporels, de la présence physique, comme critère de taxation, diminue de manière significative dans l’économie numérique. Les ‘intangibles’ ou actifs immatériels, tels que les logiciels, les algorithmes et l’intelligence artificielle, gagnent du terrain à vue d’oeil. Mais ils sont très mobiles et peu liés à un pays et représentent dès lors un défi sans cesse croissant pour les autorités nationales.
Économie numérique vs. fiscalité classique
Les règles qui s’appliquent actuellement aux entreprises qui commercialisent leurs produits, services ou connaissances via les leviers traditionnels offrent en effet trop souvent peu de possibilités de taxer les entreprises dans l’économie numérique. Certaines recettes ou bénéfices sont en effet devenus ‘apatrides’. Certaines activités s’opèrent exclusivement en ligne. En d’autres termes, le lieu ou le pays où la valeur ajoutée est créée n’est plus un critère fiscal pertinent. Les règles fiscales nationales et internationales ne sont ni préparées ni adaptées à ce nouveau monde.
Dans les années à venir, le système fiscal actuel devra donc s’adapter aux nouvelles évolutions, comme l’e-commerce, les app-stores, les publicités en ligne et la collecte de données à grande échelle. Face à toutes ces évolutions, de nombreuses administrations fiscales nationales sont comme en dépression fiscale. À l’image de l’économie numérique, la fiscalité doit par conséquent évoluer très rapidement et s’adapter en profondeur. Tous les spécialistes s’accordent sur ce constat.
Ne pas taxer plus, mais mieux
Parallèlement, les actifs immatériels sont la principale source de création de valeur et de croissance économique pour les entreprises active dans l’économie numérique. C’est bien moins le cas des actifs corporels. La révolution numérique facilite une nouvelle façon de travailler et d’entreprendre et renforce l’adéquation entre l’offre ‘instantanée’ et la demande ‘agile’. Les évolutions technologiques facilitent sensiblement la collecte des données, l’enregistrement des contribuables ou des clients, et le paiement des impôts ou des achats pour les autorités, les entreprises et les citoyens-consommateurs. La digitalisation est aussi un facteur de démocratisation. Aujourd’hui, tout le monde peut devenir micro-entrepreneur. Une petite entreprise devient subitement une micro-multinationale. Sans adaptations, notre législation fiscale ne pourra jamais entrer dans l’économie numérique. Nous devons être conscients que l’objectif n’est pas de percevoir plus d’impôts, mais de les percevoir mieux (c’est-à-dire grâce à un système fiscal 4.0) pour permettre le développement d’une vraie économie numérique en Belgique.De cette manière, les citoyens et les entreprises pourront profiter au maximum de la prospérité que peut générer une économique numérique. En d’autres termes, nous devons évoluer d’une dépression fiscale vers une prospérité numérique.
Dans les années à venir, le système fiscal actuel devra s’adapter aux nouvelles évolutions, comme l’e-commerce, les app-stores, les publicités en ligne et la collecte de données à grande échelle.
Ces évolutions et les défis qui en découlent sont analysés en profondeur dans le nouveau numéro du FEB-REFLECT consacré à la taxation de l’économie numérique. Nous nous penchons aussi sur la question suivante : ‘Comment pouvons-nous donner toutes ses chances à l’économie numérique sans nuire à une concurrence loyale avec l’économie classique ?’ Autrement dit, comment organiser un level playing field ?
Dans ce REFLECT, nos experts analysent comment fonctionne une entreprise numérique et quelles sont les caractéristiques des modèles d’activité importantes fiscalement. Nous évaluons ensuite les pistes qui sont actuellement à l’ordre du jour de l’UE et de l’OCDE, en nous demandant comment veiller à ce que tous les efforts soient centrés sur la recherche de la solution la meilleure (et non de la plus rapide) ? Nous examinons aussi tout ce qui a déjà été fait pour veiller à ce que toutes les entreprises paient leur part des impôts (notamment dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale et les planifications fiscales agressives – voir aussi notre numéro du REFLECT sur le plan d’action BEPS) et pour veiller à ce que les entreprises numériques (comme les webshops) respectent effectivement et correctement leurs obligations fiscales.
‘Le but n’est pas de taxer plus en créant un nouvel impôt en sus de l’impôt des sociétés, mais de taxer mieux en répartissant le gâteau de l’impôt des sociétés autrement et de manière plus équitable entre les différents pays. On ne peut donc envisager une solution européenne à court terme qui ne suivrait pas la philosophie pertinente de l’OCDE. De plus, le développement de l’économie numérique doit avoir toutes ses chances en Belgique pour générer plus de prospérité, sans nuire à la concurrence loyale avec l’économie classique’, conclut Jean Baeten.
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