Tanguy Struye: “Pour éviter une attaque contre l’OTAN, l’Europe doit investir dans sa défense”
Le professeur de relations internationales de l’UCLouvain met en garde contre une dangereuse accumulation de conflits et des risques réels d’élargissement. Il prévient: l’Europe doit se réveiller si elle veut préserver sa paix.
Tanguy Struye, professeur de relations internationales à l’UCLouvain, est l’invité de notre Trends Talk, qui passe en boucle ce week-end sur Canal Z. Il préface une année qui s’annonce intense sur le plan géopolitique.
Marquera-t-elle un tournant? “Un tournant peut-être pas, mais nous sommes clairement confrontés à des situations complexes, avec beaucoup de défis,… un peu trop, d’ailleurs. Nous devons gérer plusieurs conflits en même temps, des élections cruciales, le changement climatique, la guerre de l’information… Et c’est vrai que depuis plusieurs années, la situation se détériore.”
Des risques d’élargissement de conflits
Un peu trop de crises à gérer, cela signifie-t-il que tout pourrait converger? “Quand il y a beaucoup de crise et que l’on ne parvient pas à les gérer, cela peut en effet s’étendre de plus en plus, et on risque de perdre le contrôle de ces crises. C’est vraiment problématique. Si le conflit israélo-palestinien s’élargit, cela signifie que toute une série d’autres acteurs entreront dans le jeu, cela deviendra de plus en plus difficile à maîtriser.”
Le risque est d’autant plus grand que d’autres conflits pourraient voir le jour en 2024, notamment entre le Vénézuela et la Guyane – “dont l’enjeu est considérable et pourrait entraîner un conflit régional”, précise Tanguy Struye – ou en Asie avec la situation de Taiwan ou les tensions coréennes, notamment.
Investir dans notre défense
Le conflit ukrainien restera un des points chauds de la planète, cette année. Le président russe Vladimir Poutine pourra-t-il atteindre ses objectifs? “La contre-offensive ukrainienne n’a pas abouti cet été et les Russes ont même pu avancer depuis, constate-t-il. Le tout est de savoir comment déterminer si les Russes peuvent ‘gagner’. Cela semble peu probable que les Russes puissent prendre et occuper tout le territoire ukrainien, ce serait un autre défi que les territoires actuels. Par contre, si la Russie parvient à transformer le conflit en un conflit gelé, avec un cessez-le-feu, sans accord de paix, cela pourrait être considéré comme une victoire car cela sous-entendrait que l’Ukraine ne peut pas devenir membre ni de l’OTAN, ni de l’Union européenne.”
Cela ne correspondrait toutefois pas aux objectifs initiaux de Moscou: “dénazifier” le régime ukrainien et conquérir Kiev
Faut-il craindre un élargissement du conflit, là aussi, vers les Etats baltes ou la Finlande, devenue membre de l’OTAN? Les Russes sont déjà très actifs dans des pays de son voisinage, dans les Balkans, en Afrique, dans l’Océan atlantique ou au Proche-Orient, constate Tanguy Struye. “En ce qui concerne l’OTAN, je suis moins pessimiste que certains analystes: je ne pense pas que Poutine attaquera un pays de l’OTAN. Mais il y a une condition et elle est importante: nous devons investir beaucoup plus dans notre défense.”
Son leitmotiv: l’Europe n’a pas encore compris que le monde a changé!
Trends Talk
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