Joe Biden prépare non seulement le plus grand relèvement de l’impôt des sociétés aux Etats-Unis depuis 80 ans, mais réveille les négociations sur un impôt minimum mondial.
Historique et révolutionnaire: les Etats-Unis se préparent à relever l’impôt des sociétés (Isoc) de sept points, le faisant passer de 21 à 28%. C’est la plus forte hausse depuis 1942.
Pour comprendre l’importance du mouvement, il faut d’abord voir d’où l’on vient. En Europe et aux Etats-Unis, le taux de l’impôt des sociétés a d’abord subi, dans la première moitié du vingtième siècle, une vague montante pour financer les dépenses causées par les deux guerres mondiales et la guerre froide: l’Isoc américain atteint un maximum (52,8%) sous John Fitzgerald Kennedy. La tendance s’inverse ensuite, le taux de l’Isoc ne fera pratiquement que décroître à partir du milieu des années 1960, pour atteindre un plancher, avec la dernière réforme de Donald Trump qui le fait passer de 35 à 21%. Un mouvement suivi par la majeure partie des pays industrialisés. Ainsi, chez nous, le taux de l’Isoc a été ramené de 29,58% à 25% (pour l’exercice d’imposition de cette année).
Mais nous parlons ici du taux nominal. Or, le taux effectif d’imposition est bien plus bas, surtout si l’on parle d’entreprises multinationales et plus encore si l’on parle des géants du numérique. Dans un récent discours, Joe Biden a rappelé que 91 des plus grandes entreprises américaines, celles qui font partie de l’indice boursier S&P500, ne paient aucun impôt. Ce qui est neuf dans le projet de Joe Biden, c’est donc autant la remontée du taux facial de l’Isoc que la volonté de faire cesser le “shopping fiscal” des multinationales. Le président américain assure en effet vouloir “mettre fin à la course à la baisse des taux d’impôt des sociétés, course qui permet à des pays de gagner en compétitivité en devenant des paradis fiscaux”.
Réveil de l’OCDE
Cette lutte contre les paradis fiscaux est même budgétée. La Maison-Blanche désire récolter sur une quinzaine d’années quelque 2.000 milliards supplémentaires en relevant l’Isoc. Une moitié en faisant passer le taux nominal à 28%, l’autre moitié en faisant payer aux multinationales américaines un impôt minimum de 21% sur leurs bénéfices étrangers. Si une entreprise ne paye que 12,5% d’impôt sur ses bénéfices irlandais, le fisc américain va donc s’arroger le droit de ponctionner 8,5% en plus.
Par cette mesure, Joe Biden relance aussi le dialogue, gelé par Donald Trump, au sein de l’OCDE sur le taux d’impôt minimal des sociétés et sur une taxe Gafa. Les discussions portent sur deux piliers. Le premier est l’instauration d’un mécanisme de taxation des Gafa qui permettrait de taxer une entreprise numérique dans un pays sur base du chiffre d’affaires réalisé indépendamment d’une présence physique ou non dans ce pays. L’autre est l’imposition d’un taux de taxation minimum pour les sociétés dans le monde. On parlait de 12,5% (qui est le taux irlandais). Mais Joe Biden vient sans doute de mettre la barre plus haut.
Dernière observation: le projet de Joe Biden s’accompagne d’un grand “si”. Car à l’heure où nous écrivons, il doit encore passer le cap du Congrès. Et l’on sait que les parlementaires américains n’aiment jamais voter en faveur d’une hausse de la fiscalité.