Stéphane Lasseaux (Engagés): “Notre industrie de la défense ne doit pas rater le train des drones effecteurs”

Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

La place de la Belgique dans un programme d’avion de chasse du futur n’est pas encore assurée. Le SCAF franco-allemand-espagnol tangue dangereusement. Et le programme concurrent, Tempest britannico-italo-japonais est déjà bien avancé. Cependant, pour le député (Les Engagés) Stéphane Lasseaux, membre de la Commission de la Défense de la Chambre, il y a un programme européen dans lequel nous devons monter à tout prix : celui des effecteurs, ces petits avions sans pilote qui aideront les chasseurs.

La place de la Belgique dans un programme d’avion de chasse du futur n’est pas encore assurée. Le SCAF franco-allemand-espagnol tangue dangereusement. Et le programme concurrent, Tempest britannico-italo-japonais est déjà bien avancé. Cependant, pour le député (Les Engagés) Stéphane Lasseaux, membre de la Commission de la Défense de la Chambre, il y a un programme européen dans lequel nous devons monter à tout prix. Il s’agit de celui des effecteurs, ces petits avions sans pilote qui aideront les chasseurs.  

Depuis un certain temps, la Belgique veut entrer dans le programme SCAF qui projette de créer l’avion de chasse européen du futur. Aujourd’hui, trois partenaires – la France, l’Allemagne et l’Espagne- font partie de ce projet, avec la Belgique assise sur le strapontin de l’observateur. Le gouvernement a confirmé la volonté belge de devenir partenaire à part entière pour la phase deux du programme qui est censée commencer bientôt.

Le SCAF a du plomb dans l’aile

Mais deux problèmes se posent. D’abord, le SCAF a du plomb dans l’aile. Les tensions entre ses principaux partenaires, la France (via Dassault Aviation) et l’Allemagne (via Airbus) s’exacerbent. Dassault veut prendre le contrôle et Airbus est confronté à des désaccords sur son rôle dans les drones et le « cloud de combat ». Le second problème est que le patron de Dassault, le bouillant Éric Trappier, ne digère toujours pas le fait que nous voulions faire partie du programme SCAF alors que nous avons acheté des F-35 américains. Nous avons en plus remis le couvert puisque le gouvernement vient de décider d’acquérir 11 F-35 supplémentaires.

Un missile Brimstone, arme de frappe de surface à haute précision, fixé à un drone Hydra, est présenté dans le hall d’exposition de MBDA lors du Salon aéronautique international de Farnborough 2024 au Farnborough International Exhibition and Conference Centre, le 22 juillet 2024 à Farnborough, en Angleterre. Le Salon aéronautique international de Farnborough 2024 réunit les principaux innovateurs des industries aérospatiale, aéronautique et de défense. (Photo : John Keeble/Getty Images)

« Si la Belgique renonce à l’idée d’acheter des F-35, elle sera la bienvenue, sinon, cela reviendrait vraiment à se moquer de nous », avait déclaré en juillet le patron de Dassault. Dès lors, chez nous, certains n’hésitent plus à dire que si le SCAF n’est pas possible, nous devrions demander à faire partie du programme concurrent Tempest,  qui réunit actuellement le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon, et dans lequel l’Allemagne, qui sent le vent tourner, voudrait également rentrer.

Le député Engagé Stéphane Lasseaux, membre de la Commission de la défense de la Chambre, suit attentivement ces évolutions et souligne qu’un autre programme risque de nous échapper si nous n’y prenons garde, celui des « effecteurs, ces drones collaboratifs, qui dans un futur proche, entoureront les avions pour effectuer des missions précises.  « Aux Etats-Unis, le développement de ce qu’on appelle des effecteurs s’est accéléré avec le programme Collaborative Combat Aircraft (CCA) », rappelle-t-il. « Bientôt des entreprises américaines viendront nous démarcher pour acheter ces produits. En Europe, nous n’en sommes pas encore là. »

Les retombées pour l’industrie

Que devrions-nous faire ? « Je vais répondre à titre personnel, nous confie Stéphane Lasseaux. Si la France nous accepte encore dans le SCAF, pourquoi pas? Mais on voit la manière dont les Français sont en train de traiter les Allemands, et l’on observe que pour eux, avoir encore un partenaire en plus, c’est compliqué. De plus, nous avons acheté des F-35. Cela dérange fortement, de manière un petit peu épidermique d’ailleurs. De l’autre côté, le Tempest est là et le Royaume-Uni serait prêt à inclure l’Allemagne dans son programme. Mais ce serait plutôt dans le cadre d’un apport financier. Pourquoi donc ne pas inclure éventuellement pas la Belgique puisque c’est un programme déjà bien avancé lui aussi, même plus avancé que le SCAF ? Mais pour nous ce qui est essentiel, j’insiste, est qu’il y ait des retombées socio-économiques pour soutenir une industrie aéronautique très importante pour le pays. Nous avons pu voir que lorsque l’on arrive tard dans un programme, on n’a que des miettes. »

Stéphane Lasseaux (Engagés)

Enrichir notre expérience technologique

Tout aussi important, ajoute le député Engagés, « il faut pouvoir en retirer une expérience, un savoir-faire. Il faut impérativement qu’on puisse enrichir notre expérience technologique. Et dans ce contexte, nous devons impérativement rester ouverts à toutes les possibilités qui se présentent, notamment dans les nouveaux systèmes qui vont arriver. J’ai réagi lors de la dernière Commission de la Défense sur le fait qu’il fallait impérativement s’intéresser aux effecteurs. C’est vraiment là où est l’avenir et il est urgent pour me semble-t-il de créer un programme européen pour pouvoir développer cette nouvelle technologie ».

Les effecteurs en première ligne

Les effecteurs arriveront en effet dans les forces aériennes avant même le SCAF ou le Tempest. « Nous devons donc nous y intéresser, et être, sinon l’initiateur,  au moins le sensibilisateur pour pousser à la création d’un programme européen, poursuit Stéphane Lasseaux. Car que nous décidions de rejoindre le SCAF ou le Tempest, nous serons pendant longtemps avec nos F-35. Le programme F-16 été acheté en 1976 et nous sommes seulement tout doucement en train d’en sortir. Les effecteurs peuvent être utilisés avec des F-35, à condition, évidemment, que les Américains acceptent une collaboration avec des effecteurs construits en Europe. »

Il faut donc vraiment que nous puissions monter dans le train et prendre le bon siège. « Nous sommes pour l’instant assis entre trois chaises (le SCAF, le Tempest et la nécessité de travailler sur les effecteurs, NDLR), résume Stéphane Lasseaux. Il s’agit de rendre la bonne, et pour moi la bonne, c’est de s’avancer dans les effecteurs, parce que, c’est la génération de demain, alors que le SCAF ou le Tempest constituent celle d’après-demain ».

Toutefois, à l’heure actuelle, il n’y a pas de programme européen spécifique et chacun y travaille de son côté. «  C’est là où je disais qu’il était urgent de pouvoir y réfléchir, et l’intention est de faire réagir l’Europe, souligne Stéphane Lasseaux. Il est impératif d’avoir cette prise de conscience et que l’on arrête en Europe de vouloir chaque fois tirer la couverture à soi. Il faut réfléchir en Européens ».

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